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Commentaires GHI - Page 20

  • France : le vertige amer du déclin

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.11.24

     

    J’aime et admire la France. Pour son rôle dans l’Histoire. Pour ses écrivains, ses poètes. Tenez, je suis par exemple un amoureux de la musique française (Rameau, Berlioz, Debussy, et tant d’autres), que je tiens pour largement sous-estimée, et qui vient pour moi immédiatement après la musique allemande et autrichienne. Et puis, la France, ce sont de bouleversants paysages, si variés, une gastronomie, des vins, un art de vivre que nous adorons tous. Mais aujourd’hui, comme beaucoup de Suisses romands, j’ai mal à la France. Je souffre pour ce grand voisin, si important pour nous, face à l’ampleur impressionnante de son déclin. Politiquement, elle ne pèse plus. Stratégiquement, elle s’est effacée avec la défaite de 1940, et ne s’est pas relevée, malgré les mirages gaulliens de puissance nucléaire. Économiquement, elle a bazardé sa sidérurgie, sa métallurgie, délocalisé des fleurons, elle s’est désindustrialisée de façon épouvantable. Financièrement, elle est endettée jusqu’au cou, et c’est gravissime. Mais à part ça, Madame la Marquise, tout va très bien.

     

    Nous, petite Suisse, pays sept fois moins peuplé que la France, minuscule, en superficie, en comparaison, dotés d’une défense stratégique quasiment inexistante, désert industriel à cause des errances des quarante dernières années, nous n’avons aucun intérêt à la faiblesse de la France. Tout au plus pouvons-nous nous prévaloir d’un système décentralisé, d’une démocratie directe unique au monde, qui donne le pouvoir aux citoyens, et d’une non-appartenance bienheureuse à la machinerie bureaucratique de Bruxelles. Mais ne commettons pas l’erreur, celle de la France justement, de vouloir projeter notre système sur les autres pays. Chacun a son génie propre, la France est centralisée pour des raisons historiques bien précises : pendant des siècles, le pouvoir royal a lutté avec acharnement pour s’imposer face aux grands féodaux, la Révolution et la République jacobine ont accentué cette tendance, c’est ainsi. Il faut savoir analyser un pays dans sa diachronie, entendez sur la durée historique. Pour cela, il faut lire, lire, et lire encore.

     

    Notre petit pays n’a pas de leçons à donner à la France. Tout au plus pouvons-nous regretter que cette grande nation, naguère si inventive, soit devenue un temple du bavardage. Les chaînes privées, toutes tendances politiques confondues, sont devenues des moulins à paroles vaines, des usines à polémiques, des combats de coqs où prospèrent des « chroniqueurs » qui ne livrent nulle chronique, juste se surexciter sur les sujets du jour, tout et n’importe quoi, juste occuper le terrain de la parole. Dieu merci, ce microcosme de snobinards parisiens, cooptés, consanguins, qui n’en peuvent plus de tenir salon, ne reflète pas la France ! Il y a les régions, il y a le pays rural, il y a la Province, laborieuse et silencieuse, il y a le savoir-faire des travailleurs. La France n’est évidemment pas morte, elle sommeille. Ce grand pays, ami, mérite tellement mieux que cette torpeur. A quand son grand réveil ?

     

    Pascal Décaillet

  • Bavardages sur le néant

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.11.24

     

    Il y a quelques années encore, un « chroniqueur » était une plume, ou une voix, qui surgissait de façon régulière, tel jour et à telle heure, pour nous livrer sa compétence, son regard, ses lumières. On l’attendait, on se réjouissait de le lire ou l’entendre. Toute mon adolescence, abonné au Nouvel Observateur, je trépignais de découvrir Delfeil de Ton, ou Jean Daniel, ou Françoise Giroud. Dans les années cinquante, les lecteurs du Figaro brûlaient de savourer le redoutable et souvent vipérin « Bloc-Notes », de François Mauriac.

     

    Depuis une décennie ou deux, le mot « chroniqueur » a dévié. Il désigne aujourd’hui, sur les chaînes privées françaises, un homme ou une femme qui s’en vient faire salon au sein d’une équipe, toujours la même. Et qui salive à donner son avis sur tout, et n’importe quoi. Le chroniqueur n’est plus spécialiste, il est juste fragment de mondanité, paravent de bavardage. Le meneur d’antenne aligne les sujets du jour, on part dans tous les sens, les « chroniqueurs » surenchérissent de rivalité dans le génie du Café du Commerce, et puis on va se coucher.

     

    Rarement l’usage d’un mot n’aura autant été dévalorisé que celui de « chroniqueur ». Ce qui, à l’origine, procédait d’une connaissance intime du sujet, de la finesse d’une plume ou de la qualité d’une voix, s’est proprement liquéfié, jusqu’à devenir bavardages sur le néant. Ça vous convient ? Moi, pas trop.

     

    Pascal Décaillet

  • Il était une fois la DDR

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.11.24

     

    Tombées en 1945 dans la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne, la Prusse, la Saxe et la Thuringe historiques ont eu l’obligation de former un régime communiste, et c’est ainsi qu’elles ont constitué, dès 1949, la DDR, République démocratique allemande. En même temps, à l’Ouest, sous occupation américaine, britannique et française, se formait l’Allemagne fédérale, capitaliste, et hyper-américanisée.

     

    Deux mondes. Très attachés à l’un comme à l’autre, les connaissant, respectueux de leurs différences, n’ayant jamais eu de ma vie un seul mot contre la DDR, je pensais, dans ma jeunesse, que ces deux univers étaient pour toujours séparés. Je me suis trompé. Le 9 novembre 1989, il y a juste 35 ans, le Mur de Berlin est tombé. Avec lui, la DDR, pays souverain, a été emporté. Avalé, phagocyté, par la gloutonnerie capitaliste d’Helmut Kohl.

     

    Ce qu’on appelle « Réunification », un bien beau mot, cache hélas une autre réalité : rachat glacial, méprisant, de l’Allemagne de l’Est par celle de l’Ouest. Tout cela, sous la bénédiction d’une opinion publique occidentale ânonnant toute la propagande de l’Ouest contre la DDR. 35 ans plus tard, les historiens sérieux font la part des choses. Le régime, certes, imposé par Moscou, était insupportable, je n’ai jamais dit le contraire. Mais le legs de la DDR, en vie associative, en protection sociale, en ambitions culturelles, théâtrales, musicales, sportives, méritait un autre destin que d’être balayé les valets de l’Oncle Sam. Une part de la DDR doit être réhabilitée. Je m’y emploie.

     

    Pascal Décaillet