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  • Le concert de coassements, sous la lune

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.06.25

     

    Le Marais. Ainsi surnommait-on, sous la Convention, en pleine Révolution française, le groupe des modérés. « Le Marais », ou « Le Marais poitevin », ou « La Plaine ». Ceux-là n’étaient pas des surexcités, ni des assoiffés de sang. Dans un monde politique d’une extrême violence, où finir sa carrière sur l’échafaud était quasiment la règle, les gens du Marais étaient considérés comme des gentils. Mais la Révolution française, cet immense événement de l’Histoire humaine, qui rompt avec le régime féodal et prétend établir le pouvoir par le peuple, qu’avait-elle à faire, au fond, des « gentils » ? Ses plus grandes figures, jusqu’à Robespierre, ont été d’infâmes guillotineurs avant que d’être eux-mêmes raccourcis devant la foule. La violence engendrait la violence. Le sang en appelait à la continuation du sang.

     

    Des assassins, oui, ces immenses figures. Mais, désolé si le paradoxe heurte les âmes sensibles, aujourd’hui si promptes à tout moraliser, les mêmes furent en même temps de grands législateurs, sans compter, au moment exceptionnel de la levée en masse et des Soldats de l’An II, de grands défenseurs de la Nation, alors que les emperruqués royalistes, exilés à Mayence, prenaient le parti de l’envahisseur. L’Europe entière était coalisée contre la France, avec pour but, explicite, de la forcer à revenir en arrière, restaurer les privilèges féodaux, la domination de la noblesse et du Clergé. Si les soldats de la Révolution, héroïques, n’avaient pas versé leur sang sur les champs de bataille de l’Europe, la Contre-Révolution, en France, aurait pu s’imposer.

     

    Eh oui, c’est compliqué, la politique. C’est compliqué, l’Histoire. Et ça n’a rien à voir avec la morale. Ni avec la bienséance. Ni avec le convenable de la bonne petite pensée bourgeoise. Si vous vous intéressez aux guerres, aux Révolutions, aux mouvement sociaux, un seul conseil : gardez la tête absolument froide. N’entrez pas dans le jeu des gentils et des méchants. Tentez d’établir, sur la base de mille lectures, de mille avis, mille témoignages contradictoires, la chaîne de causes et de conséquences. Expliquez le monde, ne le jugez pas.

     

    J’en reviens au Marais. Dans la France macronienne comme dans la démocratie chrétienne suisse, ci-devant rebaptisée « Centre », que vaut cette prétention à bâtir des majorités à partir du point d’équilibre entre les deux antagonismes naturels que sont la gauche et la droite ? Que vaut-elle, si ce n’est la valeur vénale d’un vœu pieu ? Or, on ne fait pas de politique avec de la piété. Ni avec de l’eau bénite. Ni avec des chuchotements de sacristie. Mais en définissant, au plus près, les impératifs commun à une nation : cohésion sociale, solidarité, redistribution, sécurité publique, défense nationale, souveraineté alimentaire, agriculture et industrie fortes, maîtrise de l’énergie, contrôle des moyens de production par le peuple, via l’Etat.  Dans tous ces domaines, je ne suis pas sûr que l’attirante tiédeur du Marais soit de meilleur conseil qu’un concert de coassements, sous la lune.

     

    Pascal Décaillet

  • La chienlit de 2003 à Genève: NON, NON et NON !

     
     
    Sur le vif - Mercredi 18.06.25 - 15.13h
     
     
     
    Il n'est absolument pas question que Genève laisse s'installer l'absolue chienlit de 2003 l'an prochain, en marge de la réunion des puissants et des ploutocrates du monde, à Évian.
     
    Producteur responsable de Forum, à la RSR, à l'époque, j'ai couvert sur place, dans une Genève livrée à la vindicte des extrémistes, au saccage des magasins, aux briseurs de vitrines, au pillage, des scènes de honte absolue pour la République. Au plus haut niveau, en 2003, Genève a failli. Et de loin pas la seule ministre de la police de l'époque, une femme courageuse, mais abandonnée par les siens, laissée seule face au chaos.
     
    Alors, non. Les snobinards de la "Genève internationâââle", c'est fini. Genève ne doit en aucun cas devenir le théâtre d'émeutes. Elle doit avertir impitoyablement Macron, qu'on voit déjà se pavaner avec ses pairs, les tutoyer, les embrasser dans les jardins Évian. Elle doit lui dire : "Ce club de puissants n'est pas le nôtre. Vous assumez la sécurité aux alentours d'Evian. Vous endossez la responsabilité des débordements. Ce Sommet n'est pas le bienvenu à Genève. Il n'est pas le bienvenu en Suisse. Vous ne venez pas importer chez nous vos saloperies, votre fracture sociale, votre échec total à assumer la cohésion et solidarité en France".
     
    Surtout, Genève devra verrouiller ses frontières. Aucun officiel suisse, encore moins genevois, ne doit se pavaner sur le tarmac, pour la simple gloriole de figurer sur la photo avec les puissants de la planète. Genève doit se montrer glaciale, face à ce club autoproclamé de ceux qui dominent.
     
    Rien de plus beau que l'Histoire sociale suisse, en tout cas depuis 1848. Nous avons une paix sociale, un respect entre nous, un principe de cohésion interne et de solidarité. Tout ce que Macron, Trump, dans leur pays, foutent à la poubelle. Alors, votre merde, Messieurs les arrogants du monde, vous allez la transporter directement à Évian si ça vous chante, mais VOUS FOUTEZ LA PAIX À GENÈVE ! Je ne suis même pas sûr qu'il faille laisser notre aéroport accueillir les irresponsables de la planète. Ils n'ont qu'à atterrir à Lyon, et la France, qui veut tant jouer dans la cour des grands, leur affrètera bien les hélicos nécessaires pour se transporter à Évian.
     
    Une chose est certaine : nous, les citoyens de Genève, nous exigeons du Conseil d'Etat qu'il se montre glacial avec ce Sommet, qu'il renonce aux mondanités d'usage avec les potentats de passage, qu'il ferme les frontières, qu'il verrouille totalement Genève pendant ces quelques jours.
     
    La merde de 2003, c'est NON, NON, et NON. Le Conseil d'Etat est pleinement responsable de la sécurité de nos citoyens, de nos commerçants, des personnes et des biens. Si la chienlit de 2003 devait se répéter, alors le gouvernement genevois IN CORPORE devrait être viré. Sans le moindre ménagement. Dans une telle hypothèse, le peuple devra montrer sa colère.
     
    Le peuple de Genève, oui. Celui qui bosse, n'en peut plus de payer des impôts, ne reçoit jamais la moindre subvention, ne la réclame d'ailleurs pas. Et qui en a PLUS QUE MARRE des amitiés horizontales de certain(e)s de nos magistrat(e)s, plus sensibles aux cocktails de la "Genève internationââââle" qu'à la souffrance des Genevois.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La grâce

     
     
    Sur le vif - Mercredi 18.06.25 - 10.20h
     
     
     
    Parmi tant de moments inoubliables, je viens de réécouter le troisième mouvement du Concerto pour piano no 3 en ut mineur, opus 37, de Beethoven. Au piano : Brendel. Au pupitre : Abbado.
     
    La présence de ces deux hommes si rares, sans compter le Berliner Philharmoniker, la qualité de ces deux âmes, le sublime intrinsèque de l’œuvre, sa place dans l’évolution beethovenienne, m’amène, une fois de plus, à réfléchir à cette chose unique, indicible, fuyante comme le passage de l’Ange, qu’on appelle la grâce.
     
    Je ne parle pas ici de la grâce théologique, celle d’un Bernanos, celle d’une Simone Weil, celle d’un Maritain. Non, la grâce en musique. La grâce en poésie. La grâce dans les arts. Ce moment furtif, imprévisible, où la profondeur, libérée de toute gravité, s’en va déjà disparaissant dans l’éther.
     
    En musique, j’aime la profondeur, celle d’un Richard Strauss. Mais j’aime aussi la grâce : Mozart, Schubert, Schumann, Debussy, Schönberg, Bartók, et….. à nouveau Richard Strauss, celui du Rosenkavalier, scène finale, Sabine Devieilhe, juin 2025.
     
    Abbado, c’est la grâce. Brendel, comme Clara Haskil, comme Martha dans Schumann, c’est la grâce, à l’état pur. Harnoncourt, c’est la grâce.
     
    J’ai écrit « réfléchir à la grâce ». Ça n’est pas le bon verbe. Je ne «réfléchis» pas trop, dans la vie. Enfin, pas au sens d’un bonhomme qui, à froid, se proposerait tel thème à empoigner, avec des syllogismes et des consécutives.
     
    Mais « réfléchir », en musique, est peut-être au fond le bon terme. Si on entend par ce verbe, au sens premier, la capacité à laisser se mirer sur l’écran de notre être sensible ce moment d’arrachement à la pesanteur qui s’appelle la grâce. Cette disponibilité est question d’antennes, de vie intérieure, d’appétence au monde. Pas la mondanité, le monde !
     
    Alfred Brendel, dans la clarté de conception de l’œuvre comme dans l’infinie délicatesse du toucher pianistique, c’est la grâce. À l’état pur.
     
     
    Pascal Décaillet