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  • La justice sociale oui, la liturgie non !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.06.25

     

    La gauche socialiste, je l’ai toujours infiniment respectée, celle qui s’incarne aujourd’hui en des hommes comme Pierre-Yves Maillard, Mathias Reynard ou Romain de Sainte Marie. Ou encore Thierry Apothéloz, et plein d’autres au fond, je ne peux pas tous les citer. Toute ma vie, j’ai profondément admiré les figures qu’ont été Jaurès (sauf sur son pacifisme), Léon Blum, Pierre Mendès France, et, au sommet de toutes, le social-démocrate allemand Willy Brandt, le Chancelier de l’Ostpolitik, entre 1969 et 1974.

     

    J’aurais pu, tout autant, citer Martine Aubry, qui avait succédé au grand Pierre Mauroy à la Mairie de Lille, et quantité de femmes politiques attachées aux fondements que sont la lutte pour la dignité des travailleurs, l’égalité salariale, la défense du travail, au fond, comme valeur et comme facteur d’émancipation. L’Histoire allemande, qui est ma grande passion (y compris les 40 ans de DDR), l’Histoire de France, l’Histoire suisse, nous donnent beaucoup d’exemples de ces hommes et femmes remarquables. Tout autant, j’ai toujours admiré le Parti du Travail, en Suisse, jusqu’à son actuel Président, Alexander Eniline, docteur en philosophie médiévale. Et, tout autant, les militants communistes, en France, en Italie, ceux qui se sont toujours battus pour la justice. J’ai toujours détesté l’anticommunisme primaire, celui qui flanque tout le monde dans un même panier, des sanguinaires apparatchiks du Goulag aux braves encartés de nos pays d’Europe, juste soucieux d’égalité.

     

    Il est une gauche, vous le savez bien, avec laquelle j’ai plus de peine. D’abord, les Verts. Dieu sait si je respecte et partage leur combat pour l’environnement. Mais il y a, dans leurs rangs, des idéologues monomaniaques, incarcérés dans un langage de stéréotypes, toujours recommencés, « transition climatique », « bilan carbone », ces mots-là, répétés en incantation, avec cet encens de liturgie qui tourne à la Croisade. La lucidité politique, y compris le combat pour la planète, la liberté dialectique de nos esprits aussi, méritent mieux que cet alignement de mots-valises, insupportable.

     

    Il y a enfin cette gauche sociétale, défendant certes de nobles causes (la plupart, sur le fond, je les partage, même si je n’en parle jamais), mais ramenant absolument tout, là aussi avec une ferveur de catéchisme, à des questions qui, pour moi, ne relèvent pas du champ politique. Ce qui m’intéresse, c’est l’Etat, la nation, la guerre ou la paix, une organisation juste de l’économie, au service de l’humain et des travailleurs, l’école, la transmission des connaissances, des soins accessibles à tous, des retraites dignes, une agriculture et une industrie fortes. Ces valeurs, magnifiques, la gauche, si elle veut survivre dans le champ d’antagonismes de nos idées, ferait bien d’en refaire, de façon claire, ses priorités absolues. Si elle continue de les négliger, de nouveaux-venus, en progression spectaculaire en Europe, continueront de s’en emparer. Et eux, vous le savez bien, ne proviennent pas de la gauche.

     

    Pascal Décaillet

  • Dugerdil : les enjeux

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.06.25

     

    La candidature de Lionel Dugerdil à l’élection complémentaire du 28 septembre pour le Conseil d’Etat n’est pas d’un enjeu droite-gauche : de toute façon, jusqu’en 2028, la majorité de droite au gouvernement est assurée. Si Dugerdil passe, il y aura cinq magistrats de droite, et deux de gauche (les socialistes), Si le candidat Vert passe, on sera encore à quatre/trois.

     

    Non, l’enjeu de la candidature Dugerdil, c’est, enfin, le début d’un rééquilibrage des forces au sein des droites genevoises. La philosophie libérale, au sens large, y est actuellement surreprésentée, avec une libérale (Mme Fontanet), une centriste, mais bien libérale en économie (Mme Bachmann), et une radicale historique, attachée à l’Etat (Mme Hiltpold). Cette dernière est, Dieu merci, la moins libérale des trois.

     

    Manifestement, il manque l’autre droite, celle qui n’en finit pas de monter, la droite protectionniste, souverainiste, sociale, populaire et joyeuse, la droite qui aime et défend l’agriculture, l’industrie, le peuple suisse, en un mot la droite Dugerdil. Cette droite-là, qui n’est vraiment pas celle des multinationales et des génuflexions devant les financiers, manque au Conseil d’Etat.

     

    Lionel Dugerdil a-t-il ses chances ? Oh, ce sera très difficile ! Nicolas Walder, en face, sera un candidat compétent, avec expérience exécutive à la Mairie de Carouge. Et les peaux de bananes, de part et d’autre, ne manqueront pas. Vive la campagne !

     

    Pascal Décaillet

  • N'ayez pas peur : lisez Thomas Mann !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.06.25

     

    6 juin 1875 : nous célébrons les 150 ans de la naissance, dans la magnifique et troublante ville hanséatique de Lübeck, toute proche de la Baltique, de l’un des géants de la littérature allemande. J’ai déjà beaucoup écrit sur Thomas Mann, l’un des écrivains qui comptent dans ma vie, notamment dans ma Série sur l’Histoire allemande, et il y a tant d’angles pour en parler : tiens, le rôle de Lübeck, par exemple, les grandes familles commerciales, dont il est issu, et qu’il décrit à merveille dans l’un de ses chefs d’œuvre, les Buddenbrook (1901).

     

    Si lire Thomas Mann vous fait peur, tant il est statufié, et tant il apparaît comme un rocher marmoréen, alors allez au moins, une fois dans notre vie, visiter Lübeck, ses canaux reliés à la Baltique, sa Vieille Ville aux églises luthériennes rouges, dont celle où le jeune Jean-Sébastien Bach vint, à pied de sa Thuringe natale (400 km !), en 1705, travailler avec le grand Buxtehude. Lübeck, j’y suis allé pour la première fois en 1968, il y avait des traces de boulets de canon sur les murs : « 1945 ? », avais-je demandé au guide, « Oui, ou alors la Guerre de Trente Ans (1618-1648) », m’avait-il simplement répondu. Une marge d’erreur de trois siècles ! Le tragique de l’Histoire se confond dans les mémoires allemandes.

     

    Mais surtout, n’ayez pas peur. Ceux qui ont statufié Thomas Mann lui ont rendu un très mauvais service. Il faut le lire, et le lire encore. En allemand, bien sûr, ceux qui le peuvent, et j’encourage particulièrement les profs d’allemand à oser Thomas Mann, même au niveau Collège (15 à 19 ans), même si sa phrase est longue, tellement subtile et précise qu’il faut s’accrocher, mais c’est cela la langue allemande, cheminant avec la patience d’un diagnostic médical, suggérant ici un chemin, débouchant parfois sur une clairière de respiration, défrichant, laissant des signes, nous semant parfois, pour mieux nous éclairer dans le verbe final. J’ajoute que c’est cela, aussi, la musique allemande, et autrichienne, contemporaine de Thomas Mann, je pense notamment à l’éblouissante « Verklärte Nacht », la Nuit transfigurée (1899), d’Arnold Schönberg.

     

    Vous ne lisez pas l’allemand ? Les traductions françaises foisonnent, et certaines sont excellentes. On parle toujours des monuments que sont les Buddenbrook et la Montagne magique (Der Zauberberg, 1924), mais l’œuvre de Thomas Mann est immense : « Der Tod in Venedig » (1912), qui sera mis en film par Visconti et en opéra par Benjamin Britten, Doktor Faustus (1947), et puis sa vie à lui, sa famille de génie, son frère Heinrich, ses enfants Klaus (le génial auteur de Méphisto), Golo, Erika, son rejet du Troisième Reich, ses années d’exil, son Prix Nobel en 1929. Mais tout cela, c’est encore le monument. Le tissu, plus présent jamais, qui nous reste, comme une relique de vie éternelle, c’est son œuvre : en elle, il faut pénétrer. Ces mots-là, ceux du magicien Thomas Mann, sont un corps vivant, palpitant, sous nos yeux.

     

    Pascal Décaillet