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  • Michel Barnier : respect, rigueur, clarté

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.10.24

     

    J’ai longtemps considéré Michel Barnier comme un gentil Monsieur des montagnes, survolant d’un téléphérique, juste au-dessus de la mer de brouillard, les préparatifs des Jeux d’Albertville. Compétent, c’est sûr, mais un brin ennuyeux, gentleman d’une autre époque. Je me suis totalement trompé. En quelques signaux bien sentis, en quelques paroles justes, droit dans la cible, et surtout avec une tonalité de douceur et de respect qui nous change tellement des zigomars et des gueulards, le Monsieur austère m’a conquis. Voilà, au milieu d’une scène politique française ravagée par les surexcités des chaînes privées, où nul ne peut placer cinq mots consécutifs sans se faire immédiatement rabrouer par la meute d’en-face, l’irruption d’un homme d’un autre temps. Il parle clair, sur un ton d’une douce fermeté. Il refuse toute polémique. Il veut rassembler. Il veut convaincre. On peut assurément discuter de la pertinence du choix, par Emmanuel Macron, d’un homme issu d’un parti chétif à l’Assemblée. Mais enfin, maintenant l’homme est là, pour un certain temps. Il faut le laisser travailler.

     

    Ce ton nouveau, apaisant, la France en avait tellement besoin. Ces dernières années, partout l’arrogance, partout la démesure. Une France insoumise qui exige hystériquement, tout l’été, qu’une dame bien précise, inconnue au bataillon, issue de ses rangs, soit nommée à Matignon. Dans tout le pays, elle promène l’impétrante, comme une marraine de Comices agricoles, afin d’imposer son choix, comportement totalement contraire à la Constitution de la Cinquième, qui laisse au seul Président le choix du locataire de Matignon. A l’autre extrême, un Bardella, pendant la campagne des législatives, qui s’enivre de futur simple, « Quand je serai Premier ministre », à la fois grenouille de la fable, et Perrette avec son pot-au-lait. Dans les deux cas, comportements immatures, excès de jouvence pour l’un, délire factieux pour les autres.

     

    Enfin, tel Malherbe, Barnier vint. Austère, mais aimable. Rassembleur. Portant, quand il le faut, le verbe à la hauteur de l’anthologie : « Madame, plus vous serez agressive, plus je serai respectueux ». Mais enfin, ami lecteur, c’est exactement de cela que la France avait besoin ! Non en termes de choix politiques, mais en guise de style. Dans son Discours de politique générale, chahuté à l’Assemblée, avec parfois une vulgarité rare, par les surexcités de la France insoumise, l’homme demeure d’un calme impérial, cite de Gaulle et Mendès France, use d’un français sobre et clair, efficace, jamais technocrate dans le choix des mots, toujours simple, cordial. Un grand moment de la vie parlementaire française.

     

    Michel Barnier réussira-t-il ? Ce sera infiniment difficile, Dans la faune politique, tous sont contre lui, à sa droite comme à sa gauche. Mais les Français, n’en pouvant plus des Guerres de Religion, commencent à sentir poindre les promesses d’une nouvelle tonalité. Alors oui, je pense à Henri de Navarre, entrant dans Paris, par le Pont-Neuf, le 22 mars 1594. Preuve que, moi aussi, j’ai mon grain de folie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Retour de l'Etat

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.24

     

    Un domaine, plus que tout autre, illustre le retour galopant des Suisses au besoin d’Etat : la santé. Jeudi 26 septembre, c’était la traditionnelle ritournelle, désespérante, des hausses de primes. Jamais, depuis la création de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal), au milieu des années 1990, le système suisse des soins n’a coûté aussi cher. L’envolée constante des primes n’est que le reflet de ce phénomène, c’est à lui qu’il faut s’en prendre.

     

    J’ai suivi à l’époque, au Parlement fédéral, les travaux ayant donné naissance à la LAMal. Déjà, je dénonçais un paradoxe qui apparaissait comme un péché originel : d’un côté on voulait une assurance obligatoire, ce qui est très bien, et de l’autre il fallait que chaque Suisse s’affilie à une Caisse en concurrence féroce avec les autres. D’un côté, l’intérêt commun. De l’’autre, ce fameux libéralisme sauvage qui fait tant de mal, depuis plus de trois décennies.

     

    Dire que ce système est un échec relève de l’euphémisme. Laisser-aller, absence de transparence, course au profit, le résultat est catastrophique. Nous devons maintenant, à Genève comme en Suisse, prendre au sérieux les modèles collectifs, où l’Etat ait son rôle à jouer. Je ne prône pas ici le travaillisme britannique de l’immédiat après-guerre. Mais une chose est certaine : la page du libéralisme déraciné doit être, sans attendre, tournée.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Radicalisme oui, libéralisme non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.24

     

    Radicalisme oui, libéralisme non. Les plus avisés d’entre vous ont pu se rendre compte que c’était là ma position. Non pour appartenir à un quelconque parti, cela ne m’intéresse pas, mais pour tenter de résumer près d’un demi-siècle de passion politique. Oh, naguère, à l’époque d’un Olivier Reverdin, qui fut mon professeur de grec, et du Journal de Genève, où j’ai fait mes premières années comme journaliste, existait sous nos latitudes un libéralisme de haut niveau, qui pouvait se réclamer d’un Benjamin Constant, ou d’un Tocqueville. Mais ce vent mauvais, détestable, qui souffle sur notre Europe continentale depuis la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), et ce prétendu « triomphe du capitalisme », qui ne laisserait le champ à nulle alternative ! Oui, ce libéralisme ultra, exclusivement financier, mondialiste, déraciné des nations, je le combats depuis le début. Depuis 1989.

     

    Oh, bien sûr, il reste quelques admirables défenseurs du libéralisme philosophique, responsable, à commencer par l’excellent conseiller national Cyril Aellen, mais la masse des ultras est majoritaire. Elle a souillé le libéralisme, elle n’en a retenu que l’aspiration au profit immédiat, elle en a oublié la dimension de responsabilité individuelle, de libre-arbitre (Freisinn), de défense des grandes valeurs de la Raison dialectique (Vernunft). Surtout, elle a laissé au vestiaire, avec une vulgarité sans pareil, l’essentiel du champ où doit, depuis la Révolution française, s’exercer la politique : l’Etat.

     

    Les radicaux, eux, n’ont jamais oublié l’Etat. Les Fazy à Genève, les Druey en Pays de Vaud, les Barman en Valais, ont articulé toute leur action politique autour de l’Etat. Oh, surtout pas l’Etat tentaculaire des socialistes, avec des cohortes de fonctionnaires. Non, l’Etat fort, solide, efficace là où il doit l’être, économe de son propre fonctionnement, rigoureux à l’extrême dans la gestion des derniers publics. En écrivant ces lignes, je pense très fort à l’homme qui a le plus marqué mes quarante ans de journalisme, et que j’ai eu la chance de fréquenter dans mes années bernoises : Jean-Pascal Delamuraz. Il avait, puissamment, le sens de l’Etat.

     

    Entre radicaux et libéraux, je veux dire les libéraux tels qu’ils ont tourné depuis plus de trois décennies, nulle fusion n’est possible. Dès lors, à Genève par exemple, ne nous étonnons pas de voir des radicaux émigrer sous d’autres bannières, moins prestigieuses que le PLR, mais plus adaptées, selon eux, à leurs exigences politiques. Si vous observez attentivement la vie des Communes, vous saisirez le phénomène. Le radicalisme, le grand mouvement historique qui a fait la Suisse moderne, est d’essence populaire, « cassoulet » disait même Pascal Couchepin. Il est tissé de petits entrepreneurs, d’indépendants, de commerçants, qui sont assurément pour la liberté d’entreprendre, c’est même leur raison de vivre. Mais qui inscrivent leur horizon d’attente dans la quête d’un Etat fort. Et non dans la primauté des actionnaires sur les forces de production. Ai-je été assez clair ?

     

    Pascal Décaillet