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  • EFAS : je rumine un OUI

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.10.24

     

    La réforme du financement des soins, résumée dans l’acronyme « EFAS », sera soumise au peuple suisse le 24 novembre. C’est un paquet complexe, fruit de quatorze années de travail parlementaire. Ses chances de passer sont tout, sauf garanties : lorsque le peuple ne comprend pas, ou se trouve placé face à un objet touffu, il vote NON. Et il a bien raison.

     

    Mais les lois de la communication ne doivent pas nous dissuader d’entrer intellectuellement dans le projet. J’ai pris le temps de me livrer à cet exercice, en profondeur, et j’ai trouvé à EFAS quelques vertus. En uniformisant le financement des soins (hospitaliers, ambulatoires, longue durée), il peut permettre des économies. Ça n’est pas le Pérou. Ça n’est pas le projet du siècle. Mais ça n’est pas rien, pour autant. Bref, je rumine un OUI.

     

    Surtout, je m’étonne : en vertu de quels critères le Conseil d’Etat genevois, à majorité de droite, recommande-t-il le NON ? On sait que le ministre de la Santé lance le grand chantier d’une Caisse publique, et il a raison. Mais dire OUI à EFAS n’est nullement antinomique d’un OUI, plus tard, à un système où l’Etat retrouve enfin son rôle.

     

    Bazarder EFAS, qui a des qualités modestes mais réelles, dans l’idée de ne pas griller, pour plus tard, la Caisse publique, est une erreur. Dans le domaine de la santé publique, toute bonne idée doit être saisie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Industrie allemande : un long suicide, depuis 35 ans

     
     
    Sur le vif - Dimanche 27.10.24 - 10.30h
     
     
     
    L'industrie allemande a nourri, sur place, mes rêves d'enfant. De mes visite d'usines, notamment dans la métallurgie, en ces années aujourd'hui si lointaines, sont nés les torrents de désir qui furent mythes fondateurs d'une partie de ma vie. Jusqu'à l'âge de 14 ans, je voulais devenir ingénieur en mécanique, et travailler dans une usine en Allemagne. Ce ne fut, au final, pas exactement mon trajet, mais la puissance des rêves demeure. Dans l'archaïsme des mes désirs.
     
    Aujourd'hui, en automne 2024, l'industrie allemande se porte mal. Oh, elle n'est pas à terre, loin de là, l'Allemagne demeure la quatrième puissance économique du monde, et la première d'Europe. Mais les carnets de commandes, notamment dans la métallurgie, dans les moteurs, dans l'automobile, dans la machine-outil, sont à la baisse. Les matières premières importées de l'étranger peinent à arriver en Allemagne. Aujourd'hui, octobre 2024, le mot "essoufflement" n'est plus assez fort. Il faut parler de récession.
     
    J'inscris le présent texte, ainsi que de nombreux qui vont suivre, d'ici au 9 novembre, dans mes réflexions, de plus en plus obsédantes, sur le 35ème anniversaire de la chute du Mur. Alors, pour aujourd'hui, ne prenons que cet exemple, celui de l'industrie, celle qui fut si puissante, si enviée, en Europe. Enviée par les Français. Enviée, beaucoup plus encore, par les Britanniques, que la Révolution industrielle allemande, dès le milieu du 19ème siècle, inquiétait de plus en plus, jusqu'à la fin des années trente. Et cela, tous régimes confondus.
     
    Ce qui terrorisait les Britanniques, Churchill (deux fois Premier Lord de l'Amirauté, les deux fois ce fut catastrophique) au premier rang d'entre eux, c'était la création, dès les années 1880, d'une puissance navale allemande, civile comme militaire, capable un jour de rivaliser avec eux sur la Baltique et en mer du Nord. La Seconde Guerre mondiale a donné aux Anglais l'occasion de régler quelques vieux comptes économiques avec la puissance industrielle allemande. Peut-être le bombardement britannique de Hambourg, juillet 1943, vous dit-il quelque chose.
     
    Revenons à ces 35 dernières années. Le déclin de l'industrie allemande provient des choix stratégiques des Allemands eux-mêmes, dès la chute du Mur. Les Allemands ont poussé à l'expansion de l'Union européenne vers l'Est, pour y implanter des site de production industrielle, et les contrôler. Soyons clairs : en Pologne, en Hongrie, d'innombrables usines sont dirigées par des Polonais, des Hongrois, mais le capital est, en majorité, en mains allemandes. Les dizaines de milliers de camions polonais que vous voyez sur les autoroutes allemandes, notamment en ex-DDR, sont des camions allemands. A plaques polonaises.
     
    Et l'Allemagne, depuis 35 ans, s'est habituée au petit jeu de cet impérialisme économique : entre Allemands, on se salit moins les mains, on laisse ce job aux gens de l'Est (tout heureux d'avoir du boulot), et progressivement on tourne l'économie allemande vers les services, la finance. Et, tout en maintenant sur sol allemand des sites aussi prestigieux que les usines principales de Volkswagen, ou Mercedes, on la grande chimie rhénane, on laisse délocaliser une quantité de PME moins connues, mais tellement performantes dans leur génie de niche, hyper-spécialisé.
     
    Ainsi, depuis 35 ans, au fil des années, l'Allemagne perd non seulement de sa capacité industrielle, mais, infiniment pire : elle perd, dès les rêves d'enfance ou d'adolescence des jeunes Allemands, la capacité à s'imaginer un épanouissement dans l'industrie. Oui, l'Allemagne, le pays du Romantisme, le pays de l'imagination industrielle, le pays qui gardait chez lui les forces de production, s'est laissé allé à l’hubris, la démesure, d'un Mittelland européen poliment germanisé, dont elle ne serait plus que l'état-major.
     
    C'est une dérive fatale. Un Allemand, pourtant, au milieu du 19ème siècle, un Rhénan de Trêves, observateur génial de la Révolution industrielle et de ses conséquences sociales, avait averti : "Le pouvoir appartient à celui qui contrôle les forces de production". Celui qui les contrôle, au plus près de la machine ! Pas celui qui, de loin, se ramollit en satrape de la délégation.
     
    Ce Rhénan translucide, les Allemands, depuis la chute du Mur, au lieu de le lire, l'ont, par arrogance, jeté à la poubelle. Il s'appelait Karl Marx.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Ultra-libéraux, foutez-nous la paix !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.10.24

     

    Depuis exactement 35 ans (chute du Mur de Berlin, 9 novembre 1989), je dénonce la dérive libérale de notre continent européen. Sous le prétexte, totalement fallacieux, de « victoire définitive du capitalisme », on nous a poussé la chansonnette d’un nouvel ordre mondial, fondé sur le marché, la réussite individuelle, l’abolition des frontières, la disparition des nations souveraines au profit de superstructures continentales. Les plus délirants nous ont même articulé la vieille chimère d’une gouvernance mondiale. Ces décennies-là, funestes, ont été celles des libéraux, partout en Europe. Même les sociaux-démocrates, comme le Britannique Blair et l’Allemand Schröder, ont cédé aux sirènes de cette réorganisation du monde par le désordre du marché triomphant.

     

    Le résultat ? Il est sous nos yeux, ici et maintenant. Perte de l’outil de production, délocalisé en Asie, parce qu’on a méprisé l’industrie, fermé les sites sans les rénover, au profit d’un monde de « services », tous plus évanescents les uns que les autres. On a lancé le mythe de la « start-up », on a encensé les entreprises qui commençaient, ou pire : celles qui annonçaient avoir l’intention de commencer. On a laissé des apprentis-sorciers, encore jeunes, s’endetter à n’en plus finir, pour finalement fermer leur boîte, la queue entre les jambes, après deux ou trois ans. En Suisse romande, une bande de snobinards lausannois, surexcités par la proximité d’une grande école, nous ont expliqué comment on allait faire l’économie autrement. Ils se sont gargarisés du mantra « innovation ». Il fallait à tout prix lancer sa boîte, sans le moindre fonds propre, « faire autrement », parler anglais, et virevolter dans le cocktails de « réseautage ». Fadaises ! Chimères ! Lamentable culte du Veau d’or ! Leurs « boîtes », trois ans après, plus personne n’en parlait. C’était du vent.

     

    Depuis bientôt 19 ans, je suis entrepreneur. Oh, ma structure est modeste, croyez-moi, mais c’est la mienne. Jamais emprunté un seul centime. Jamais « investi » un sou qui ne soit de moi. Je ne crois qu’à deux valeurs : un travail acharné, et une confiance profonde avec les partenaires. Pour moi, c’est cela, l’économie durable. L’antithèse du blingbling et du paraître. Il faut un savoir-faire, la passion et l’énergie de tracer un sillon, et des millions de gestes recommencés, précis, métronomiques, pour que le travail soit accompli avec qualité, dans les délais. Ces préceptes-là, qui relèvent d’une conception traditionnelle et humaniste de l’économie, s’appliquent à tous les métiers, sans exception. Depuis 35 ans, dans les milieux à la mode, ils font sourire. Aujourd’hui, ce sont les moqueurs ultra-libéraux qui rient jaune. Leur monde s’écroule. L’idée de travail, de nation, de cohésion sociale, d’Etat fort là où il doit l’être, mais aussi l’idée de frontière, de souveraineté nationale, tout cela revient au grand galop. Ultra-libéraux, foutez-nous la paix ! Et journalistes économiques, intéressez-vous aux entreprises qui durent, par seulement à celles qui commencent.

     

    Pascal Décaillet