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Sur le vif - Samedi 12.10.24 - 18.10hJ'aurai largement l'occasion de vous expliquer, dans les semaines qui viennent, en quoi consiste Efas, le réforme du financement des soins, sur laquelle le peuple suisse se prononcera le 24 novembre.Mais j'aurai du boulot ! Nous commençons après-demain, lundi 14 octobre, avec un premier débat de GAC. Je demanderai à mes invités de s'astreindre, plus que jamais, à l'impératif de clarté qui est la règle no 1 de tout débat politique.En l'espèce, ce sera difficile. Depuis dimanche dernier, dans le GRAND GAC, j'ai entendu quatre fois un politique ou un confrère journaliste tenter de nous résumer Efas. Je m'occupe de santé depuis bientôt quatre décennies, j'ai couvert la genèse de la LAMal à Berne il y a trente ans, j'ai suivi toutes les étapes depuis. Je ne suis donc pas, je pense, le citoyen suisse le plus profane pour saisir les enjeux de ce domaine. Eh bien, en quatre tentatives d'explications, JE N'AI PAS ENCORE COMPRIS UN TRAÎTRE MOT de ce que veut Efas ! A peine puis-je entrevoir un équilibrage entre le financement de l'ambulatoire et celui des hôpitaux.Même encore à l'instant, j'ai écouté l'ouverture de Forum sur ce thème. On comprend que l'UDC s'est réunie à Aarau. On comprend que Thomas Bläsi a contribué à la victoire du OUI, alors qu'initialement (avant de donner in extremis la liberté de vote), les instances dirigeantes du parti étaient pour le NON. On comprend cela, c'est bien, je félicite d'ailleurs Thomas Bläsi de cette victoire. Mais, désolé, ON NE COMPREND TOUJOURS PAS CE QU'EST EFAS !Alors, j'aime autant vous le dire, si la classe politique entend faire campagne sur Efas , d'ici le 24 novembre, en continuant d'aligner des mots-barrages, on peut oublier Efas ! Quand le peuple ne comprend pas, quand c'est trop complexe, il vote NON, et il a mille fois raison.J'ai rédigé hier, vendredi, mon commentaire politique de GHI à paraître mercredi : il s'en prend justement à la mascarade des mots, depuis plus de trente ans, lorsqu'on débat de la politique de santé en Suisse. Qui, par exemple, dans le grand public, comprend le mot "ambulatoire", qui recouvre pourtant une réalité simple ?Vous prenez "ambulatoire", vous le multipliez par cent autre mots-barrages, et vous commencez à comprendre que l'un des scandales majeurs de l'assurance maladie, en Suisse, est la technocratie de son jargon.J'y reviens mercredi, dans GHI. D'ici là, parlons d'Efas, puisque nous votons le 24 novembre. Mais de grâce, soyons simples et clairs ! Au diable les mots techniques, ils sont les complices des puissants, à commencer par les possédants économiques, pour nous empêcher de voir la réalité des rapports de forces !Le camarade Décaillet, qui a lu Marx et le considère comme l'un des plus grands analystes des rapports de pouvoir, vous adresse son salut.Pascal Décaillet
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Infinie noirceur
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.10.24
L’Histoire est tragique. Tout comme la vie des nations : chacune se bat pour sa survie, pour s’imposer, c’est une lutte sans merci. On l’a vu pendant la crise du Covid : dès que vient poindre un danger vital, la « communauté internationale », cette vaste fiction, retourne en fumée. Chacun pour soi !
Cette cruauté de l’Histoire, il faut absolument, dès l’école primaire, l’enseigner à nos élèves. J’ai eu cette chance, il y a très longtemps (années 60), avec des maîtres qui nous exposaient l’Histoire des batailles, des traités, des réels intérêts économiques. Enfants, nous étions initiés à un parfait cynisme, dans le meilleur sens du terme, celui d’une lucidité dans la froideur réaliste. Adolescent, j’ai découvert la Guerre du Péloponnèse : Thucydide, il y a 25 siècles, nous décortique les vrais enjeux de la rivalité des impérialismes d’Athènes et de Sparte. Un peu plus tard, j’ai lu Karl Marx, extraordinaire analyste des mouvements révolutionnaires au 19ème.
En Histoire politique, je plaide pour une éducation au cynisme. Ni Bien, ni Mal, ni surtout la morale : juste initier l’élève à la réalité des rapports de forces. Dénicher les intérêts économiques sous le paravent des grands discours. S’affranchir des apparences. Cesser de voir partout des bons et des méchants. Voir l’humain, tel qu’il est, dans son rapport avec le pouvoir. Une infinie noirceur. C’est cela, le réel.
Pascal Décaillet
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Michel Barnier : respect, rigueur, clarté
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.10.24
J’ai longtemps considéré Michel Barnier comme un gentil Monsieur des montagnes, survolant d’un téléphérique, juste au-dessus de la mer de brouillard, les préparatifs des Jeux d’Albertville. Compétent, c’est sûr, mais un brin ennuyeux, gentleman d’une autre époque. Je me suis totalement trompé. En quelques signaux bien sentis, en quelques paroles justes, droit dans la cible, et surtout avec une tonalité de douceur et de respect qui nous change tellement des zigomars et des gueulards, le Monsieur austère m’a conquis. Voilà, au milieu d’une scène politique française ravagée par les surexcités des chaînes privées, où nul ne peut placer cinq mots consécutifs sans se faire immédiatement rabrouer par la meute d’en-face, l’irruption d’un homme d’un autre temps. Il parle clair, sur un ton d’une douce fermeté. Il refuse toute polémique. Il veut rassembler. Il veut convaincre. On peut assurément discuter de la pertinence du choix, par Emmanuel Macron, d’un homme issu d’un parti chétif à l’Assemblée. Mais enfin, maintenant l’homme est là, pour un certain temps. Il faut le laisser travailler.
Ce ton nouveau, apaisant, la France en avait tellement besoin. Ces dernières années, partout l’arrogance, partout la démesure. Une France insoumise qui exige hystériquement, tout l’été, qu’une dame bien précise, inconnue au bataillon, issue de ses rangs, soit nommée à Matignon. Dans tout le pays, elle promène l’impétrante, comme une marraine de Comices agricoles, afin d’imposer son choix, comportement totalement contraire à la Constitution de la Cinquième, qui laisse au seul Président le choix du locataire de Matignon. A l’autre extrême, un Bardella, pendant la campagne des législatives, qui s’enivre de futur simple, « Quand je serai Premier ministre », à la fois grenouille de la fable, et Perrette avec son pot-au-lait. Dans les deux cas, comportements immatures, excès de jouvence pour l’un, délire factieux pour les autres.
Enfin, tel Malherbe, Barnier vint. Austère, mais aimable. Rassembleur. Portant, quand il le faut, le verbe à la hauteur de l’anthologie : « Madame, plus vous serez agressive, plus je serai respectueux ». Mais enfin, ami lecteur, c’est exactement de cela que la France avait besoin ! Non en termes de choix politiques, mais en guise de style. Dans son Discours de politique générale, chahuté à l’Assemblée, avec parfois une vulgarité rare, par les surexcités de la France insoumise, l’homme demeure d’un calme impérial, cite de Gaulle et Mendès France, use d’un français sobre et clair, efficace, jamais technocrate dans le choix des mots, toujours simple, cordial. Un grand moment de la vie parlementaire française.
Michel Barnier réussira-t-il ? Ce sera infiniment difficile, Dans la faune politique, tous sont contre lui, à sa droite comme à sa gauche. Mais les Français, n’en pouvant plus des Guerres de Religion, commencent à sentir poindre les promesses d’une nouvelle tonalité. Alors oui, je pense à Henri de Navarre, entrant dans Paris, par le Pont-Neuf, le 22 mars 1594. Preuve que, moi aussi, j’ai mon grain de folie.
Pascal Décaillet