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  • Le bras armé des USA

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.09.24

     

    Le plus insupportable, avec l’OTAN, c’est cette image d’organisation gentille, convenable, au service du Bien. Alors dans ces conditions, face à ce parapluie de la liberté, nous Suisses, pourquoi diable ferions-nous la fine bouche ? Tant de gens, dans notre pays, colportent cette image, sans se rendre compte qu’elle est un pur produit, depuis 1949, de la propagande américaine en Europe. Un cliché de la Guerre froide : à l’Ouest la liberté, à l’Est le monde grisâtre de la dictature. Dans son fameux discours de Berlin, en 1963, Kennedy n’avait-il pas parlé du « monde libre » ?

     

    Que la réalité soit infiniment plus complexe, cela n’effleure pas une seule seconde nos belles âmes atlantistes, toujours à vibrer sous les couleurs de l’Oncle Sam. Les mêmes ne disaient rien contre la guerre du Vietnam. Les mêmes se sont tus, contrairement à votre serviteur, en avril 2003, lors de l’agression américaine sur l’Irak. Pour eux, les monde se divise en deux : les Etats-Unis, c’est le Bien, tout le reste, c’est le Mal.

     

    Pour ma part, et cela remonte à mon rapport très ancien à la DDR (qui, à tant d’égards, valait tellement mieux que sa réputation), j’ai toujours refusé cette vision manichéenne du monde. Je n’ai rien contre les Etats-Unis, mais leur impérialisme, leur constante belligérance, doivent être condamnés. Or, l’OTAN, ça n’est pas une organisation gentille, ni amie. C’est le bras armé de la politique américaine en Europe.

     

    Pascal Décaillet

  • Suisse-OTAN : non, non et non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.09.24

     

    La souveraineté : c’est la seule chose qui vaille, la mère de toutes les vertus, la définition même d’une nation. Citoyen de ce pays, je milite, vous le savez, pour une Suisse indépendante et souveraine. Si j’étais Français, Allemand, Italien, je mènerais exactement le même combat pour mon pays. Ou bien on veut être un pays indépendant, et on doit être souverain. Ou bien on aspire à appartenir à un plus grand ensemble, et on accepte des domaines de délégation de pouvoirs, donc de subordination. Les peuples germaniques, formatés pendant des siècles par la très grande décentralisation du Saint-Empire, ont longtemps été pour cette deuxième option : on pouvait être dans une principauté, ou un royaume, mais accepter que certains grands arbitrages soient le fait de l’Empereur. Ce choix-là, la Suisse, dans son Histoire, l’a toujours refusé. Tout en entretenant les meilleurs rapports avec ses voisins, notre pays a constamment rejeté l’intégration à un grand ensemble, elle s’en méfie même viscéralement.

     

    C’est dans cette lecture-là, avec ce recul historique-là, que nous devons définir notre système de sécurité. Pendant toute l’année 1990, j’ai appartenu à la Commission Schoch (du nom d’un homme remarquable, Otto Schoch, Conseiller aux Etats radical des Rhodes-Extérieures d’Appenzell, hélas aujourd’hui disparu) à qui Kaspar Villiger avait confié la mission de repenser à fond le rôle de l’armée en Suisse. C’était juste après l’initiative du GSSA pour l’abolition de l’armée qui, le 26 novembre 1989, 17 jours après la chute du Mur de Berlin, tout en étant refusée, avait tout de même récolté plus d’un tiers des voix. Pendant tout 1990, nous nous sommes réunis une trentaine de fois, dans toute la Suisse, pour réfléchir, esquisser des scénarios. Déjà à l’époque, la question d’un rapprochement avec l’OTAN se posait. Déjà, je faisais partie de ceux qui disaient non.

     

    J’ai pensé à mon très grand bonheur d’avoir appartenu à la Commission Schoch en découvrant, ce jeudi 29 août, à quel point notre actuelle ministre de la Défense, Viola Amherd, avait instrumentalisé une autre Commission, voulue par elle, pour plancher sur nos stratégies de sécurité. A écouter nombre de ses membres, on a l’impression d’un groupe alibi, phosphorant pendant que la ministre, de toute façon, n’en faisait qu’à sa tête, multipliant les signes de rapprochement avec l’OTAN. C’est une erreur majeure : l’OTAN, ça n’est ni un club de gentils, ni une organisation amie, c’est juste le bras armé de la politique américaine en Europe. Or, les Etats-Unis, pays impérialiste et constamment belligérant depuis leur création en 1776, ne sont pas l’ami de la Suisse. Ils ne sont pas notre ennemi, certes, mais désolé, ils ne sont pas non plus notre ami. C’est cela, en parfaite froideur, en totale lucidité, que nous devons constamment avoir à l’esprit. En matière stratégique, nous ne sommes l’ami de personne. Nous devons parler à tous, aux Américains comme aux Russes, aux Palestiniens comme aux Israéliens. Mais au final, lorsqu’il s’agit de notre souveraineté, de notre sécurité suprême, nous ne devons compter que sur nous-mêmes.

     

    Pascal Décaillet

  • L'Allemagne n'a jamais été un pays libéral !

     
    Sur le vif - Mardi 03.09.24 - 16.04h
     
     
    Allemagne, années soixante. C'est l'époque où mon père, ingénieur, me fait visiter des usines, partout où il y en a. En Allemagne de l'Ouest, c'est le boum de l'après-guerre : la reconstruction est achevée, la prospérité est incroyable, de rutilantes limousines, de fabrication allemande, rivalisent de vitesse (non-limitée) sur les autoroutes. Ludwig Erhard, l'homme au cigare, l'homme du Miracle économique, a remplacé Konrad Adenauer le 16 octobre 1963. Le pays est un nain politique, mais un géant économique.
     
    Et c'est de ces années-là, voyez-vous, que date le grand malentendu : la santé économique allemande est telle qu'on l'attribue à un miracle libéral. C'est une erreur majeure ! Non seulement l'Allemagne, de toute son Histoire n'a jamais été libérale, en tout cas jamais au sens anglo-saxon, mais même dans ces années de vaches grasses, elle ne l'est pas ! L'Etat est là, puissant, il garantit la paix sociale, il pousse à la négociation contractuelle, il corrige les tentatives d'insolence capitaliste. Et puis, encore et toujours, il brandit Volkswagen comme le grand modèle de production industrielle à vocation sociale.
     
    Volkswagen ! J'ai eu la chance immense, en juillet 1972, de passer une journée entière à visiter ces prodigieuses usines de Wolfsburg, en Basse-Saxe, et d'en voir sortir des centaines de Coccinelles. J'en ai des pages entières, textes, photos et dessins, sur mon Tagebuch de l'époque. 52 ans après, je ne puis l'ouvrir à cette page sans une immense nostalgie.
     
    L'Allemagne n'est pas un pays libéral. Le capitalisme rhénan, étudié de si près, avec génie, par Karl Marx, dès ses premières années comme journaliste à la Rheinische Zeitung (Cologne), est investi d'une dimension sociale à des dizaine de milliers de lieues marines du modèle anglo-saxon. Pour comprendre de près ce phénomène, allez visiter les différents Musées sur les friches industrielle des charbonnages de la Ruhr, qui apparaissent dès la jeunesse de Marx, dans le sillage du Zollverein (1834). On vous y explique tout : l'investissement de capitaux prussiens sans lesquels rien n'aurait été possible, la défense des intérêts ouvriers par leurs propres corporations (avant même le socialisme et les syndicats de gauche), la création d'une totalité sociale et économique, au service de laquelle l'industrie doit se mettre.
     
    Ces quelques points, à eux-seuls, résument ce qui deviendra, codifié par les lois sociales bismarckiennes, à la fin du 19ème, le modèle allemand. Un modèle économique, certes. Mais indissoluble d'un modèle social.
     
    Dans ces conditions, la grande aventure de la DDR, entre 1949 et 1989, que l'arrogance ultra-libérale des années entourant la chute du Mur n'a cessé de nous décrire comme caduque, dépassée, s'inscrit au contraire, beaucoup plus que les errances ultra-capitalistes, dans un esprit profondément allemand. Nourri de Kant. De Hegel, avec son approche systématique. Et, n'en déplaise aux anti-communistes primaires, de Marx.
     
    Je reviendrai sur tout cela, largement. Mais nous avons là des éléments d'approche historique profonde, de nature à mieux nous faire comprendre ce qui se passe dans l'Allemagne de septembre 2024. L'Allemagne des deux scrutins régionaux d'avant-hier, Saxe et Thuringe. L'Allemagne, dans son rapport aux finalités de la production industrielle. Nous sommes très loin d'un pays libéral, à l'Ouest comme en ex-DDR. Nous sommes dans un système mixte, équilibré, passionnant. Un système où la protection sociale est constante. C'est l'une des clefs de ce qui se passe dans les cinq Länder de l'Est. Mais aussi, dans les régions les moins favorisées de l'Ouest. Les voitures rutilantes, sur les autoroutes, sont toujours là. Mais la masse des gens modestes ne cesse de croître. C'est cette autre Allemagne qu'il nous faut comprendre. Pour sortir autre chose que des banalités sur la situation politique actuelle.
     
     
    Pascal Décaillet