Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.04.23
Depuis plus de trente ans, ils nous font la leçon, à vrai dire depuis la chute du Mur de Berlin (1989). Plus de trois décennies à nous bassiner avec leur divinisation du Marché, leur rejet des peuples, des nations et des frontières, leur culte du libre-échange des marchandises et de la libre-circulation, sans aucune entrave, des personnes. Oui, il faut remonter aux événements de Berlin, en cette nuit du 9 novembre 1989, le Mur entre les deux parties de la ville qui s’effondre, mais avec lui le Mur entre les deux Allemagnes, que j’avais arpenté de fond en comble dans ma jeunesse, et plus largement le Mur de fer, créé avec la Guerre froide, entre l’Est et l’Ouest. Bien sûr que ce fut une étape, capitale, dans l’Histoire européenne.
Vous étonnerais-je en vous affirmant qu’elle ne m’avait guère réjoui ? J’étais heureux, bien sûr, pour les libertés individuelles, pour les Allemands. Mais voyez-vous, passionné par la DDR (Allemagne de l’Est) depuis toujours, j’étais loin de ne trouver que des défauts à ce pays. Lui aussi, après 1945, s’était reconstruit, et sans Plan Marshall. Il avait bien sûr un régime autoritaire, parti unique, police politique insupportable (la Stasi). Mais, occupé par les Soviétiques, il n’avait eu d’autre choix que de « faire avec », bâtir un modèle certes aligné sur l’Est (vous croyez que la République fédérale ne l’était pas, tout aussi servilement, sur le capitalisme atlantiste des Américains ?). Il avait fait ce qu’il pouvait, avec, j’insiste sur ce point, une promotion exceptionnelle de la culture (théâtre, poésie, musique) et du sport. Un jour ou l’autre, dégagée du mépris de l’Ouest, l’historiographie de la DDR sera revue à la hausse. Modestement, j’y apporterai ma contribution.
Toujours est-il que l’arrogance ultra-libérale née de la chute du Mur est, vue d’aujourd’hui, un échec calamiteux. Pendant plus de trente ans, on a sanctifié le libre-échange, oublié la voix des peuples, délégué les pouvoirs des nations à des monstres continentaux ou mondialistes, méprisé l’industrie et la métallurgie, délocalisé les centres de production, privilégié le rendement des actionnaires plutôt que l’investissement dans l’outil de travail. Bref, on s’est méchamment éloigné de l’humanisme d’un Benjamin Constant, d’un Tocqueville, ou même, plus récemment, d’un Olivier Reverdin, qui avait été mon professeur. Eh bien toute cette arrogance s’effondre aujourd’hui. De partout en Europe, les peuples veulent être entendus. Ils veulent le retour du politique. Et cette aspiration puissante ne provient pas de la gauche, mais d’une autre droite que celle des libéraux. Une droite qui veut l’Etat, mais pas pour autant les armées de fonctionnaires défendues par la gauche. Une droite qui veut la liberté, la souveraineté des nations, le protectionnisme agricole, l’indépendance, l’attachement à la Patrie. Une droite joyeuse, populaire, soucieuse de cohésion sociale à l’intérieur des frontières. Cette droite-là, aujourd’hui, est en train de dépasser en force celle des libéraux. Et le mouvement ne fait que commencer. Excellente semaine à tous !
Pascal Décaillet