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  • Le camp du Bien et le poison du sens

     
    Sur le vif - Jeudi 22.04.21 - 07.59h
     
     
    Joe Biden félicité par la presse française, parce qu'il "multiplie les dépenses publiques" ! Et de le comparer illico, alors qu'il vient d'arriver, au grand Roosevelt, entré en fonction il y a 88 ans sur la base de son New Deal, le grand programme de relance économique qui allait changer le visage de l'Amérique, dans les années trente.
     
    Cet accessit totalement prématuré à un homme qui n'a encore rien fait, mais ne fait pour l'heure que promettre, en rappelle un autre : le sommet absolu du ridicule atteint par le jury, lorsqu'il avait attribué le Nobel de la Paix à Barack Obama, au tout début de son mandat. Juste parce que l'icône, en termes de représentation et non d'action, convenait à la doxa du moment. Dans les faits, les huit années d'Obama auront été parmi celles où les États-Unis ont le plus bombardé, sur l'ensemble de la planète, souvent sur des théâtres d'opérations pas du tout médiatisés chez nous.
     
    Biden, Obama, même syndrome : à Trump, nos médias ne passaient rien ; à ces deux-là, les yeux de Chimène. Tout ce qu'ils font est génial, pour la simple raison qu'ils sont du camp du Bien. On refile à Obama le Prix qu'avait reçu Willy Brandt pour s'être agenouillé à Varsovie en décembre 1970, ce qui est l'un des plus grands gestes de l'Histoire allemande. On proclame Biden successeur de Roosevelt, l'homme qui avait sorti les États-Unis de la crise de 1929, et qui en fera avec la guerre la première puissance mondiale.
     
    Bref, non seulement on s'égare, mais on délire. On délivre des prix avant même l'action. On juge les élus non sur ce qu'ils font, mais sur ce qu'ils sont. Sur les vertus morales qu'on leur prête. On encense le Bien, au mépris de toute observation réelle des actes politiques. Bref, on intoxique. Et face à ce poison du sens, nul vaccin, hélas, n'est encore disponible.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les radicaux, la Patrie, l'amour du pays

     
    Sur le vif - Mercredi 21.04.21 - 15.18h
     
     
    Le grand parti qui a fait la Suisse, c'est le parti radical. Il a fait la Suisse moderne, celle de 1848, il a façonné nos institutions, il a lancé notre économie, et avec quelle incroyable vigueur, pendant les 43 années (1848-1891), où il était seul au pouvoir, eh oui sept conseillers fédéraux sur sept ! A ce parti, à ce qu'il a représenté dans notre Histoire, nous devons tous être reconnaissants.
     
    Mais, si le parti radical a tenu près de deux siècles, ça n'est pas seulement parce qu'il incarne les Pères fondateurs. Il y a autre chose : jusqu'à un très grand homme, que j'ai connu et fréquenté de près dans mes années à Berne, Jean-Pascal Delamuraz, le parti radical a été, en Suisse, le défenseur des classes moyennes.
     
    Oh, bien sûr, il y avait la Bahnhofstrasse. Les pontes zurichois de la finance. Mais enfin, sans une puissante assise populaire, ces chers colonels aux nuques raides ne seraient jamais allés très loin dans la présence radicale à Berne et dans les Cantons.
     
    Il y avait la Bahnhofstrasse, et il y avait le peuple. Il y avait les financiers, et il y avait les petits artisans, les commerçants, les indépendants, bref l'USAM. Il y avait la superbe zurichoise, confinant trop souvent à la morgue, et jamais aussi bien décrite qu dans le roman "Mars", de Fritz Zorn. Mais il y avait aussi le Carougeois Robert Ducret, le Vaudois Delamuraz, quelques grands Valaisans, minoritaires dans leur Canton, majoritaires à Berne, tels Pascal Couchepin.
     
    Et puis, il y avait tous les autres. Les quidams. Les inconnus. Ceux qui bossaient. Ceux qui, après la guerre, ont trimé dur comme fer pour reconstruire une prospérité suisse. Des pragmatiques. Des modérés. Des méfiants face aux idéologies. Des gens qui savaient écrire, compter, convaincre, bâtir. En pensant à eux, toute cette génération, je pense en priorité à mon père, Paul Décaillet (1920-2007), ingénieur, bâtisseur, infatigable bosseur. Il n'a jamais fait de politique, mais je crois bien qu'il devait être quelque chose comme radical. Ca allait de soi : on était ingénieur, on était bosseur, on était radical. Mais à quoi bon en parler ?
     
    La puissance du parti radical, c'est de n'avoir jamais décroché des classes moyennes. Il les a défendues. Pour elles, il a permis la prospérité partagée. Pour elles, et pour l'ensemble du peuple, il a fait les grandes assurances sociales. Avec les autres partis, comme le remarquable compromis de 1947 sur l'AVS. Mais au premier plan d'entre eux.
     
    Le radicaux ont fait la Suisse. Ils ont fait les chemins de fer, les routes, les tunnels, les barrages, l'hydro-électrique, la chimie, l'industrie des machines, et j'en oublie. Ils n'ont pas toujours assez défendu le monde paysan, et je leur en veux. Ils ont donné à ce pays certains de ses plus grands hommes, je pense encore une fois à Jean-Pascal Delamuraz.
     
    Les descendants des radicaux, aujourd'hui, où sont-ils ? Leurs partenaires de fusion, en 2011, sont-ils vraiment les bons, en tout cas ceux d'entre eux qui se sont compromis dans l'ultralibéralisme des années 1990-2008, ceux qui voulaient démanteler l'Etat, privatiser jusqu'à nos âmes ?
     
    La seule chance de survie des radicaux, en Suisse, c'est de retrouver le feu de la défense des classes moyennes. Pouvoir d'achat, lutte pour une fiscalité du travail allégée, passion pour la formation, pour le savoir, la connaissance, la transmission. A quoi s'ajoute l'amour de la Patrie, sans lequel rien n'est possible, et dont nul n'a le monopole. Mais aussi la primauté aux nôtres, le goût de la frontière retrouvée, la passion pour l'indépendance et pour la souveraineté.
     
    Depuis trente ans, ces thèmes-là ne sont plus ceux des radicaux. Eh bien c'est un tort. La Suisse de 1848, moderne, institutionnelle, passionnée de savoir, n'a pas à laisser les grandes valeurs patriotiques aux seuls défenseurs des récits mythiques du treizième siècle. La Patrie est l'affaire de tous, sans exception. Elle est une affaire de raison (Vernunft), et une affaire de coeur. Elle s'adresse aux forces de la nuit comme à celles de la lumière. Elle est une petite mère, qui nous accueille et nous sourit.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Attaquons les géants !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.04.21

     

    La liberté d’expression ? Laissez-moi rire ! Tous la proclament, nul ne la défend. Je ne connais aucune personne au monde qui tolère vraiment, chez l’autre, une véritable capacité totale à exprimer ses opinions. Il y aura toujours un moment où la personne dira : « Halte, là tu exagères, tu dépasses la ligne, tais-toi ! ».

     

    C’est ainsi, c’est humain, c’est la vie. Il y aura toujours, quelque part, une zone ultra-sensible où le récepteur d’un message se braquera face à l’émetteur. Autour des questions de foi, d’adhésions spirituelles, de mœurs, de mémoire, d’appartenance communautaire, de souffrances. Chacun de nous, dans le mystère de son intimité, a sa part de fragilité, et peut se sentir choqué par les propos d’un autre. Cela doit être respecté.

     

    Et ne venez pas nous dire : « Moi, je suis au-dessus de tout cela, rien ne me touche, je suis capable d’une totale distance par rapport à mon être sensible ». Ceux qui nous produisent les apparentes libéralités de ce discours, ce sont souvent les premiers à craquer, réclamer la censure. C’est humain, c’est la vie.

     

    Alors, quoi ? Alors, exerçons notre sens critique. Attaquons les puissants, plutôt que les faibles. Dispensons-nous de remuer des souffrances, là où les plaies sont encore vives. Ne tirons jamais sur un humain à terre. Dénonçons les abus de pouvoir, là où ils sévissent. Soyons libres, dans nos têtes, oh oui libres. Mais alors, soyons David contre Goliath. Attaquons les géants, pas les fragiles de la terre.

     

    Pascal Décaillet