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  • Ludwig, héros porteur du feu

     
    Sur le vif - Mardi 15.12.20 - 16.27h
     
     
    Je reviens à ma réflexion d'hier soir sur le Beethoven biographique. Je dis qu'il y a une vraie vie, et que c'est celle de la musique. Mais je comprends fort bien que le parcours biographique, les 57 ans de cette vie d'homme, entre 1770 et 1827, fascinent. J'ai moi-même, dès l'âge de douze ans, ayant commencé fort tôt à écouter les Symphonies (bien avant les Sonates, les Quatuors), donné dans cette fascination totale pour le destin de cet homme, toujours en mouvement.
     
    Les 57 ans de vie de Ludwig van Beethoven correspondent, avec une saisissante magie, à cette exceptionnelle période de l'Histoire allemande (dans laquelle on nous permettra d'inclure Vienne pour la musique), qui m'habite avec la plus démoniaque des présences. Fin de l'Ancien Régime, Révolution française, Consulat, Empire, début de la Restauration. Et influence considérable des idées révolutionnaires sur le jeune Beethoven. Il a lu Plutarque et Rousseau, il épouse les idées nouvelles, il ne sera déçu par Bonaparte qu'en 1804, lorsque le Premier Consul déposera sur sa propre tête la couronne impériale.
     
    Beethoven est, absolument, un homme de son temps. Il avance. Il devance. Il affronte le destin. Il s'émancipe des mécènes. Il fait constamment évoluer la forme musicale, aucune oeuvre ne ressemblant à la précédente. Il façonne. Il invente. Il transgresse les matrices du prévisible. Il cherche. Il trouve. Il ne se repose jamais.
     
    Il est l'homme de la Révolution. Non celle de la politique, qu'il admirait dans sa jeunesse. Mais celle de la constante remise en cause d'une forme musicale, dès que celle-ci deviendrait convention. Le chemin, entre ses premières compositions, très jeune, et les derniers Quatuors, est époustouflant. Des années-lumière. Un autre monde.
     
    Et c'est bien pourquoi j'invite, une fois consommée notre fascination pour le Beethoven biographique, à laisser un peu les 57 années de cette vie terrestre pour nous immerger dans l'étude musicologique de cette évolution, à nulle autre pareille. A la découverte de la vraie vie de cet homme - celle de tout compositeur - les chemins de création, entre la musique d'Ancien Régime (qu'il ne s'agit pas une seule seconde de dénigrer), et l'évolution vers "autre chose", qu'on appellera le Romantisme, la personnalisation, l'irruption du "je" dans la création musicale, tout cela est parfaitement connu, recensé par les musicologues. Quand j'écoute les derniers Quatuors, années 1820, composés par un homme sourd et isolé du monde, je me demande parfois si je ne suis pas en train d'entendre du Bartók, ou du Alban Berg, ou du Sibelius. Des auteurs du vingtième siècle !
     
    J'invite donc, tout en nous plongeant dans le Beethoven biographique, pour être en phase avec l'une des périodes les plus fastes dans l'Histoire des arts, des textes et des idées dans l'univers germanique, à une seconde immersion, vitale cella-là, et sans doute aussi baptismale, dans les chemins de création musicale de cet homme d'exception.
     
    Baptismale, oui. Promesse d'une autre vie. Au-delà du parcours entre une naissance et une mort. La vie de la musique elle-même. Portée par un personnage prométhéen, digne de Kleist. Ou de Friedrich Hölderlin. L'un et l'autre, contemporains de Beethoven. Époque de feu. Le temps des mythes et des récits. Le temps des héros.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Jennifer Covo : soutien total

     
    Sur le vif - Lundi 14.12.20 - 18.27h
     
    A l'issue d'une journée consacrée à tenter d'identifier l'un ou l'autre bobos (organiques, pas urbains !), je découvre l'ampleur du miasme contre ma consœur Jennifer Covo. Alors, deux ou trois choses :
     
    1) Il est parfaitement normal, lorsqu'on a face à soi un représentant du pouvoir, sur un sujet muni d'un fort enjeu, de mener une interview sans concession. Hier soir, face à Alain Berset, Jennifer l'a fait. Elle a eu parfaitement raison. Vous auriez préféré un entretien de complaisance ?
     
    2) Un Conseiller fédéral n'a pas à être ménagé. En tout cas, pas plus (ni moins) que n'importe quel interlocuteur. Ni plus, ni moins. Sur ce deuxième point, Jennifer a parfaitement fait son boulot.
     
    3) Elle l'a un peu cuisiné pour obtenir des réponses. Et alors ? Il ne s'agissait pas d'une causerie sur la vie et l’œuvre d'Alain Berset, ses goûts musicaux, ses oeuvres littéraires préférées. L'interview était exactement dans la tonalité qui sied à un entretien sur un enjeu d'actualité brûlante, fort et puissant, correspondant aux inquiétudes légitimes de l'ensemble de nos compatriotes.
     
    4) J'ai travaillé avec Jennifer Covo, pendant des années, à Léman Bleu. Plus exactement, nous ne travaillions pas ensemble. Elle était à la rédaction, comme journaliste. Et moi, venant du bureau de ma propre entreprise, j'arrivais le soir pour présenter Genève à chaud, comme producteur indépendant venant de l'extérieur, ce que je suis depuis quinze ans. J'ai rarement connu une consœur aussi compétente, soucieuse de précision, douée pour la présentation en direct, vive d'esprit, aimable avec ses collègues. Un rayon de soleil dans une équipe. Jennifer est pour moi un modèle de qualité, dans les métiers de l'audiovisuel.
     
    5) Je suis un partisan absolu des réseaux sociaux, vous le savez. Je m'y exprime moi-même fort souvent, les tenant comme un outil de travail précieux pour mon journal de bord, sur la politique, la littérature, la musique, tout ce qui compte pour moi. Mais là, en reprenant le fil de ce qui a été dit sur cette consœur à laquelle je voue une immense estime, je suis simplement ulcéré. La bagarre, oui, les combats d'idées oui. Mais pas ce tsunami sur une personne.
     
    6) Je dis à Jennifer qu'elle est une grande professionnelle. Je l'admire. Je lui apporte mon total soutien.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Juste le verbe. Juste le chant.

     
    Sur le vif - Dimanche 13.12.20 - 16.38h
     
     
    Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours été tourné vers l'Orient. Voyages familiaux, puis professionnels, vers le Proche-Orient, le monde arabe, la Grèce (innombrables), les Balkans, l'Afrique du Nord, la Turquie. Mosquées, Synagogues. Eglises orthodoxes des rites chrétiens d'Orient, syriaques, arméniens, coptes. Icônes byzantines. Grec néo-testamentaire. Dans ces pays-là, comme en Allemagne, je me sens dans une sorte de "chez moi", sous les apparences d'un ailleurs.
     
    En ce temps de l'Avent, je pense à ces trois Rois, "venus d'Orient". Porteurs de cadeaux. L'or, la myrrhe, l'encens. Denrées rares, sensuelles, précieuses. De ces passants étranges, fascinants, on ne sait presque rien. Depuis deux mille, ans, à leur sujet, on fantasme sur quelques lignes, toujours les mêmes, tirées des Écritures.
     
    Je pense à Martin Luther, et sa prodigieuse traduction de la Bible, en 1520. Lui aussi, un passeur. Il tire les mots des textes grecs, hébraïques. Il les transmute dans la langue véhiculaire de son temps, l'allemand du début du seizième siècle. Il invente des mots. Il invente la littérature allemande moderne. Et les plus grands musiciens, de Bach à Brahms (Deutsches Requiem), installeront leur musique sur cet allemand-là, ces mots-là. Luther est un Mage. Il encense les mots. Il prend les syllabes, les transforme en or.
     
    On peut aimer l'Orient tout en aimant passionnément les Allemagnes. Par la langue et par la musique. Il n'y plus ni Elbe, ni Jourdain. Juste le verbe. Juste le chant.
     
     
    Pascal Décaillet