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  • Mort d'un génie

     

    Sur le vif - Dimanche 27.05.18 - 09.35h

     

    Pierre Bellemare, une très grande voix de la radio. Il avait la tessiture. Il avait le rythme. Il avait les silences. Il avait les ruptures de tempo, pour briser la monotonie. Il parlait droit devant lui, penché en avant, plongé dans le cœur vivant du micro. Il parlait, on l'écoutait. Il parlait, on le comprenait. Il parlait, il nous atteignait. Par sa voix, par le seul miracle des syllabes, il racontait, évoquait, restituait. C'est cela, un homme de radio. C'était cela, Pierre Bellemare.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean Romain, humaniste et républicain

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.05.18

     

    La Présidence du Grand Conseil, ça n’est pas toujours un cadeau. Le rôle d’un député c’est de parler, prendre position, croiser le fer. Et là, justement, celui que ses pairs ont, pour un an, élu au perchoir, doit se la coincer. Sur le fond des débats, il ne peut dire ce qu’il pense. Tout au plus a-t-il le droit d’arbitrer, mesurer le temps de parole, faire la police. Et aussi, hors de l’enceinte, tenir son rôle en inaugurant des tonnes de chrysanthèmes. Quelque chose, au fond, de très honorant, et en même temps d’incroyablement frustrant. Comme un grand joueur de foot à qui on dirait : « Pour un an, tu seras arbitre ». J’ai regardé attentivement, depuis des années, le visage de chaque Président de notre Parlement cantonal, au moment où il siège au perchoir : toujours, quel que soit l’homme ou le parti, ce singulier mélange de dignité et de tristesse. On a quand même l’impression que l’éminent personnage, du haut de sa chaire arbitrale, se dit qu’il pourrait être ailleurs, dans sa vigne ou sur sa piste de pétanque, sur ses pâturages ou les rives du lac. Dire que la fonction rend jovial serait exagéré.

     

    Et c’est là qu’intervient Jean Romain. Elu ce mardi 15 mai, brillamment (81 voix), pour déclarer, pendant un an, « Il vous reste dix secondes, votre temps est écoulé, vous n’avez pas la parole, nous sommes en procédure de vote, pas d’opposition, adopté », etc. Chez cet homme de verbe et d’intelligence, un an pour arborer sa sagesse tout en mangeant son chapeau, écouter pérorer des bretteurs moins saillants, soupirer en son for, avaler sa barbe, vitupérer l’époque, proclamer la pause, saluer les personnalités de la tribune, un an ! Son boulot, il le fera bien. Puisse-t-il, en plus de la perfection horlogère qu’implique la conduite des débats, y laisser poindre, juste pour l’étincelle, quelques fragments de lumière dans la nuit arctique de la loi en gestation. Quelques pointes d’humanisme. Quelques comètes d’humour. Juste pour nous rappeler qu’il est Jean Romain, professeur de philosophie à la retraite, essayiste, écrivain, amoureux des lettres et de la pensée, et non Jules Tartempion, simple passant.

     

    Pour le reste, Genève peut se féliciter d’avoir, pour un an, un humaniste et un républicain au perchoir de son Parlement. Humaniste, par sa culture, son goût de la chose écrite, son attachement à la Grèce ancienne, sa passion pour les mots. Républicain, car Jean Romain est viscéralement un radical. Il aime l’Etat, n’en rejette pas l’idée comme archaïque, il a le sens de l’institution, il n’a rien à voir avec les têtes brûlées ultra-libérales qui ont fait tant de mal (ça va mieux maintenant) autour de l’an 2000. Un rien d’atavisme, que vous me pardonnerez, me conduira, comme pour Guy Mettan, à saluer son origine valaisanne, le sens de l’image et de la formule, la chaleur de la sève au cœur de chaque artère. Bref, à mon ami Jean Romain, qui porte haut la mémoire et l’exigence, je souhaite une excellente année présidentielle.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Intelligence collective

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    Commentaire publié dans GHI - 16.05.18

     

    La jeunesse ne saurait, en politique, être tenue pour une catégorie à part, ce serait faire preuve d’un communautarisme générationnel qui n’a pas sa place en République. Nous sommes tous des citoyennes ou des citoyens, c’est cela qui compte, quels que soient nos âges, nos origines, nos idées. Pour une fois, cependant, je veux dire ici quelque chose sur les jeunes, en politique, du moins ceux que je connais, à Genève.

     

    Je leur donne, comme vous le savez, très souvent la parole. Et je dois dire qu’ils m’impressionnent. Mieux que leurs aînés, en tout cas mieux que ma génération, ils sont capables de mener des débats de façon courtoise et respectueuse, sans rien renier à leurs idées, ni en atténuer les antagonismes. Disons qu’à la rhétorique de l’opposition systématique aux propos de l’adversaire, ils préfèrent souvent celle de la construction commune, par intelligence collective, d’une pensée, autour d’un thème.

     

    J’ignore d’où vient cela, peut-être de l’école. Nous étions, à tant d’égards, une génération plus frontale. Le maître, face aux élèves. Les bretteurs, érigés comme des coqs les uns contre les autres. Dans les débats, aujourd’hui, avec des jeunes de 20 à 25 ans, on peut percevoir autre chose, comme le besoin de s’enrichir par le propos de l’autre. Non par défaut de confiance en soi, mais par souci de bâtir quelque chose ensemble. Arbitrer ce genre de débats constitue pour moi un honneur. Et un bonheur.

     

    Pascal Décaillet