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  • DIP : Mai 68 à l'envers

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.12.15

     

    Avec ses 11'673 employés, le DIP (Département de l’Instruction publique) est le premier employeur du canton. A ce titre, il est, avec la Santé publique, l’un des postes les plus onéreux de l’Etat. Sa tâche est immense, reconnue par tous d’intérêt public, primordial même : former nos enfants dès le plus jeune âge, écoles primaires, secondaires, apprentissage, Université, etc. Transmettre la connaissance, le savoir-faire, la compétence. Des dizaines de milliers d’élèves, donc des milliers de profs, des spécialistes, du personnel administratif : on n’a rien sans rien. On ne construit pas une Ecole de qualité sans un appui massif de la manne publique.

     

    Tout cela, sur le principe, l’immense majorité des gens en conviennent. Qui de nous aurait intérêt à un affaiblissement de notre système de formation ? Seulement voilà, le temps est aux vaches maigres. Il faut faire des économies. Et on a clairement signifié au premier poste du budget cantonal qu’il devrait, comme les autres, en prendre sa part. Réduction de 5% de la masse salariale de l’Etat sur trois ans, loi « Personal Stop » qui gèle la création de nouveaux emplois : au sein du DIP, on voit venir ces échéances, même si la seconde est combattue par référendum, et l’inquiétude grandit. D’où la participation, le 10 novembre et le 1er décembre, aux journées de débrayage de la fonction publique. Il y avait du monde dans les rues, c’est vrai, mais n’oublions jamais que les manifestations de la fonction publique, aussi joyeusement organisées soient-elles, sont parmi les moins populaires, aux yeux de l’opinion publique.

     

    Pourquoi ? Mais pour mille raisons ! Allez regarder ce qui se passe dans le privé, vous y trouverez une autre précarité ! Pas de garantie d’emploi, pas de travail à vie, pas d’annuité, à moins de bénéficier d’une convention collective qui le stipule. Moins de vacances, de congés. Des boulots plus tendus, liés au rendement. Une participation beaucoup moins généreuse de l’employeur à la caisse de pension. Et en plus, comme contribuable, on doit renflouer le deuxième pilier des employés de l’Etat ! Ça fait beaucoup. Largement assez pour n’apitoyer que très modérément les employés du privé sur le sort de ceux de l’Etat. Ne parlons pas des indépendants, des petits entrepreneurs, qui mettent tout dans leur boîte, craignent de tomber malades, se démènent dans la jungle des charges sociales, etc.

     

    Alors voilà, l’esquisse de chienlit (oh, nous n’en sommes pas encore à Massu et Baden-Baden) qui a pu, çà et là, perler cet automne, profs qui débrayent, élèves qui contre-débrayent, ministre qui rompt la collégialité, climat de revanche droitière sur certains bancs libéraux du Grand Conseil, tout cela ne renforce pas l’autorité de l’Etat. Et lorsqu’on voit des élèves faire grève… contre la grève de leurs profs, on se dit qu’on assiste à un étrange Mai 68 à l’envers, où le pire désordre ne provient pas de ceux qu’on croit. Comme si la raison avait sauté une génération. Comme si la République prenait plaisir à nous montrer qu’elle n’est jamais exactement où on croit. Plus forte que les intérêts sectoriels. Mais toujours, du côté du besoin de transmission, de connaissance, en un mot d’élévation. Bravo les jeunes.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tiens, une élection normale !

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    Sur le vif - Mercredi 09.12.15 - 14.34h

     

     

    Les six conseillers fédéraux sortants réélus sans problème, le septième choisi dans le trio proposé par l’UDC, nous venons d’assister à une forme d’événement que nous avions un peu perdue de vue, depuis deux décennies : une élection normale. Prélude, peut-être, à une législature apaisée, en tout cas sous la Coupole fédérale, entre l’UDC et les autres partis, notamment le PLR, ce que nous annonçons ici depuis des semaines.

     

    Une élection normale ? C’est loin d’être toujours le cas ! Et il n’y a pas à mythifier un passé, qui aurait été plus sage : le grand Tschudi, socialiste bâlois élu en 1959, n’était pas le candidat officiel des socialistes (c’était Bringolf) ; le radical vaudois Georges-André Chevallaz, lui aussi, avait grillé la politesse en 1973 au Genevois Henri Schmitt ; le socialiste bâlois Otto Stich à la Zurichoise Lilian Uchtenhagen en 1983; sans parler de la tragi-comédie Brunner-Matthey-Dreifuss en 1993; les exemples sont nombreux.

     

    Élection normale : pour la première fois depuis la montée en force de l’aile Blocher, l’Assemblée fédérale fait l’économie d’un psychodrame : en 1999, Christoph Blocher, non élu, cite Plutarque, et nous donne « rendez-vous à Philippes ». En 2003, il ravit la place de Ruth Metzler, en 2007, c’est la conspiration autour de Mme Widmer-Schlumpf, en 2011 la Grisonne est réélue, donc pas de deuxième conseiller fédéral UDC.

     

    Élection normale : l’heureux élu, Guy Parmelin, n’est autre que le premier conseiller fédéral vaudois non-radical depuis Henri Druey, dans la toute première équipe de 1848. Il est aussi le premier UDC romand à occuper un tel poste. C’est important, pour la progression du curseur, au sein des familles de droite, dans notre vie politique suisse. Cela parachève l’ancrage de l’UDC en Suisse romande, lui donnera des relais, permettra d’éviter l’immense erreur de la lecture ethnique : « UDC = Suisse alémanique ». En clair, comme parti national, ayant été capable de présenter des candidats dans trois régions linguistiques de notre pays, l’UDC s’affirme non seulement comme le premier parti du pays, mais commence à étendre ses réseaux avec un œcuménisme qui rappelle les très riches heures du Grand Vieux Parti.

     

    Élection normale : nous sortons de l’ère d’une double opposition qui a trop longtemps plombé les esprits. La première, sémantique, fondamentale, sur le degré d’ouverture du pays, entre Jean-Pascal Delamuraz et Christoph Blocher, scellée par le verdict du 6 décembre 1992. La seconde, chaotique, clochemerlesque, entre deux coqs de combat, Pascal Couchepin et Christoph Blocher.

     

    Élection normale : à supposer qu’en plus de ce pas franchi, le PLR et l’UDC parviennent, dans la législature 2015-2019, à entrer ensemble, par des concessions mutuelles, dans le fond du dossier de la mise en application du 9 février 2014, alors, comme ils sont d’accord sur quasiment tout le reste, nous aurions là le début d’une normalisation fructueuse, au sein de ces deux grands courants de la droite suisse. Une telle perspective fait blêmir de peur la gauche : elle pourrait en effet la mettre en minorité, sur les principaux sujets de législature fédérale, pour les quatre ans qui viennent.

     

    En attendant, même si le nouvel élu n’est pas Merlin l’Enchanteur, souhaitons-lui bonne chance. Il en aura besoin.

     


    Pascal Décaillet

     

     

  • UDC - PLR : un adverbe pour la réconciliation

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    Sur le vif - Dimanche 06.12.15 - 17.09h

     

    « Unilatéralement ». C’est l’adverbe qui a frappé, vendredi, tout observateur avisé de la politique suisse, je l’ai déjà relevé dans mon commentaire, le jour même. L’idée que le Conseil fédéral puisse, le cas échéant (si aucun accord « à l’amiable » n’intervient avec Bruxelles), mettre en œuvre « unilatéralement » une politique migratoire suisse, choisie par la Suisse, dans l’intérêt supérieur de la Suisse, fait du bien à entendre de la part de M. Burkhalter, qu’on a connu, disons, plus prudent et plus gentiment multilatéral dans ses tonalités.

     

    Cet adverbe est à double usage. Externe : il signifie à l’Union européenne que la Suisse en a assez de se faire mettre sous pression par une instance dont elle n’est même pas membre. Il pose notre pays, face à l’Europe, comme ce qu’il est : un Etat souverain, qui définit lui-même ses orientations politiques, y compris dans le registre migratoire. Et puis aussi, bien sûr, une finalité interne : « unilatéralement », c’est un mot qui sonne plus UDC que PLR, le Conseil fédéral fait de la politique, il tient compte du message délivré par le peuple lors des élections fédérales, le 18 octobre dernier. Il aurait tort de ne point le faire : on ne construit de bonne politique qu’à partir des réalités.

     

    « Unilatéralement » : et si nous avions là l’adverbe qui pourrait marquer un début de réconciliation, voire de rapprochement, entre les deux grandes composantes de la droite suisse, l’UDC et le PLR ? Car enfin, il faut être bien jouvenceau, bien novice, dans l’observation de la vie politique de notre pays, pour ne vouloir voir qu’antagonismes entre ces deux partis. Le faire, c’est se rendre captif des psychodrames de caractères des deux coqs de la législature 2003-2007 qu’étaient, dans la même basse-cour, Christoph Blocher et Pascal Couchepin. Ou encore, pour prendre un antagonisme autrement plus sérieux, plus fondamental, demeurer prisonnier du fabuleux combat des chefs de 1992, entre Jean-Pascal Delamuraz (un homme d’Etat) et Christoph Blocher. Conflit tranché, dans le sens qu’on sait, par le peuple et les cantons, il y a 23 ans, jour pour jour.

     

    J’invite le lecteur à chausser d’autres lunettes pour considérer, depuis 1929 (Minger, premier UDC au Conseil fédéral) jusqu’à aujourd’hui, plus de 85 ans de coexistence Radicaux-UDC au sein du gouvernement de notre pays. On y trouvera infiniment plus de convergences que de différences. Bien sûr, le parti de Minger est plus proche du secteur primaire, agricole notamment, il veut davantage cadrer et diriger la condition économique de nos paysans, jusqu’au protectionnisme. De leur côté, les radicaux poussent à fond, depuis 1848, les secteurs de l’industrie d’exportation. Le rapport à la patrie n’est pas le même, non plus : émotif, instinctif, chez les uns (UDC), éclairé par les Lumières de la Raison (Vernunft) chez les autres (radicaux), partisans du Freisinn, ce mot très fort de la philosophie politique allemande, qui nous renvoie à la fois au libre arbitre et à la responsabilité individuelle.

     

    Mais enfin, avant que les relations PLR-UDC ne se détériorent à partir du titanesque combat de 1992, ces deux partis, avec aussi le PDC, se complétaient admirablement pour composer, dans leur diversité, les gammes de couleurs de la droite suisse. Aujourd’hui encore, à part la question, certes fondamentale, de notre politique migratoire, le champ qui réunit UDC et PLR est infiniment plus vaste que celui qui les sépare. Dans ce contexte, l’usage de l’adverbe « unilatéralement », par le Conseil fédéral vendredi, peut être interprété comme une amorce de main tendue aux vainqueurs du 18 octobre 2015. De la part de M. Burkhalter, c’est habile : c’est avec cette majorité-là, nettement renforcée du côté de la droite souverainiste, qu’il faudra vivre pendant quatre ans.

     

    Je répète enfin ce que j’ai annoncé ici avant-hier, juste après la conférence du Conseil fédéral : je ne ferai pas partie des ultras qui, parce que le gouvernement emprunte (assez maladroitement) à la droite économique et patronale, le mot « clause de sauvegarde », refuseraient impulsivement la main que je crois ici tendue. Parce que les enjeux ne sont pas seulement ceux d’une solution à trouver, au sein de la droite suisse, à l’affaire du 9 février 2014. Non, ils vont beaucoup plus loin : en instaurant, peut-être, après l’ère des psychodrames Blocher, une RELATION APAISÉE entre PLR et UDC, une nouvelle tonalité de dialogue, on se dit que cet adverbe, décidément, pourrait marquer un tournant. En filigrane de l’élection de mercredi matin, bien au-delà de savoir qui sera élu, dans le trio ou hors du trio, c’est bien là, l’enjeu structurel des prochaines années : apaiser, normaliser les relations entre deux grands partis de la droite suisse. Qui sont assurément différents, et le resteront. Mais ont sans doute mieux à faire que de se chercher noise à longueur d’année, pour le plus grand bonheur d’un adversaire commun qui s’en frotte les mains.

     

    Pascal Décaillet