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  • Asile : une proposition irresponsable

     

    Sur le vif - Mardi 06.01.15 - 14.58h

     

    Il n’est pas question ici de sous-estimer l’ampleur de la tragédie syrienne. La masse des réfugiés doit nous sensibiliser, en Suisse comme ailleurs. Et les cris d’alarme du HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés) doivent être entendus. Mais pour autant, il ne faut pas accepter n’importe quoi. C’est hélas le cas de la proposition de faire accueillir cent mille réfugiés syriens par la Suisse, émanant de 500 personnes et 27 organisations.

     

    Comment ont-ils pu nous sortir ce chiffre ? En quel honneur un pays de huit millions d’habitants devrait-il consentir un tel effort ? La moindre règle de trois, effectuée en cinq secondes, obligerait l’Allemagne, pays de 80 millions d’habitants, à accueillir dans la même proportion un million de réfugiés syriens. Et la France, entre sept et huit cent mille. Que notre petit pays donne l’exemple, d’accord. Qu’il maintienne sa tradition d’accueil, d’accord. Qu’il déploie même, en cas de tragédie intense (nous y sommes, avec la Syrie), des efforts d’exception, d’accord. Mais désolé, Mesdames et Messieurs les signataires de cette lettre, la Suisse n’a pas à porter seule le poids de la misère du monde.

     

    Dès lors, articuler un tel chiffre relève soit de l’inconscience, soit de la pure et simple provocation. En allant chercher dans des algèbres aussi stratosphériques un nombre aussi disproportionné, les signataires de la lettre, et les « 27 organisations » discréditent leur démarche. C’est dommage, profondément. Parce que la situation en Syrie est catastrophique, mérite notre mobilisation et nos efforts. Mais dans une échelle qui reste à la mesure de la taille et de la démographie de notre pays.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La traversée qu'il nous faut

     

    Sur le vif - Lundi 05.01.15 - 14.33h

     

    Cette fois oui, un projet qui va dans le bon sens. Après la parenthèse erratique de l’épisode de l’initiative de petite traversée, qui avait surtout permis à l’UDC de faire parler d’elle en période électorale à l’automne 2013, mais représentait une vision dépassée de la mobilité à Genève, ceux qui veulent une traversée peuvent se réjouir. Avec 11'700 signatures, voici maintenant une initiative proposant le seul tracé possible, celui d’une grande traversée, une traversée du lac, en amont, de nature à désengorger vraiment le trafic en ville, et boucler enfin la ceinture autoroutière de Genève. En la mettant en lien avec la seule vision de mobilité qui vaille, le réseau français. Oui, enfin, pour une fois, sur du concret et non sur du vent, envisageons le « Grand Genève ».

     

    Je dis bien : « ceux qui veulent une traversée ». Une partie de la population n’en a jamais voulu aucune, ni petite ni grande, ni de la rade ni du lac. Ceux-là demeureront dans leur conviction, qui se doit d’ailleurs d’être respectée. Mais c’est bel et bien à l’intérieur du camp des partisans du principe de traversée que la bataille de la nouvelle initiative va se jouer. On espère, notamment, que l’électorat UDC saura se montrer bon joueur, et ne pas « faire payer » aux initiants d'aujourd'hui l’échec de son propre projet, en septembre 2014. Ce genre de vendetta au sein de la droite desservirait à coup sûr l’intérêt supérieur de la mobilité à Genève.

     

    Reste que rien n’est joué. Il faudra d’abord gagner l’initiative devant le peuple, c'est loin d'être réalisé. Et puis, si c’est le cas, il faudra s’assurer que tout cela n’est pas du vent. Solidité du financement. Rôle régalien de l’Etat comme maître d’œuvre d’une grande infrastructure d’intérêt public. Refuser l’esbroufe et la facilité de « partenariats » avec le privé, où la République perdrait la main. Surtout, faire de ce projet immense l’affaire de tous. Pas seulement les initiants d’aujourd’hui. Pas seulement le PLR, le PDC, les Verts libéraux, le patronat, bref la droite économique. Mais le projet de tout un canton, intégrant toutes les formes de mobilité, y compris celles que prônent les opposants d’aujourd’hui. Par pitié, ne pas penser ce projet comme un autel à la bagnole, une ode à la bagnole, dans la liturgie recommencée de la bagnole.

     

    Une dernière remarque, plus politique, qui s’adresse à l’Entente. Voyez, Mesdames et Messieurs, que les initiatives ont du bon. Elles permettent, lorsque tout est bloqué dans la classe politique, de faire redémarrer la machine en s’adressant au suffrage universel. Encore une fois, c’est loin d’être gagné. Mais au moins, la démarche est bonne. Le projet est bon. La vision est juste. Pour le reste, advienne que pourra. Pour ma part, je ne verrai pas cette traversée. Mais j’ai des enfants. Je suis né et je vis au bord du lac. Et surtout, j’aime Genève.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pour une démocratie directe inventive, créatrice et dérangeante

     

    Sur le vif - Dimanche 04.01.15 - 17.24h

     

    Mon vœu le plus cher, pour mon pays en 2015, est celui d’une démocratie directe vivante et inventive, qui continue de permettre au plus grand nombre (quatre millions de votants potentiels) de faire valoir ses vues. Par exemple, par le biais d’initiatives populaires. Non seulement ces dernières ne sont pas de trop, comme on essaye de nous le faire croire, mais elles donnent au corps électoral de l’ensemble des citoyens l’occasion de s’exprimer sur des sujets que les élus parlementaires ont négligés. Au final, le souverain tranche. Il dit oui ou non, oui au 9 février, non à Ecopop. Il arbitre plutôt sagement, je trouve, instinctivement garant de l’équilibre des décisions, sur le long terme. Ce suffrage universel vaut tous les corps intermédiaires, toutes les assemblées de notables, toutes les cléricatures d’intérêts, tous les lobbys de l’économie et de la finance.

     

    En 2015, je plaiderai encore et toujours pour un système où le suffrage universel prime sur les décisions parlementaires, par exemple par l’usage du référendum. Les élus, dans les Grands Conseils cantonaux ou aux Chambres fédérales, sont là pour faire des lois et contrôler les exécutifs (c’est déjà une vaste et noble tâche). Ils ne sont pas là pour s’approprier la parole politique, monopoliser un débat qui doit, tout au contraire, être celui de la totalité des citoyennes et citoyens de notre pays.

     

    L’initiative et le référendum ne sont pas absolument pas des corps étrangers à notre démocratie, des intrus, comme on tente de l’accréditer. Ils en font totalement partie. Ils sont dûment prévus et codifiés dans notre ordre constitutionnel. Ces droits extraordinaires, que tant de voisins nous envient (à commencer par nombre de nos amis français, fatigués de ce système où tout vient d’en haut), ne s’usent que si on ne s’en sert pas. Chaque fois qu’on en fait usage, au contraire, c’est la vitalité de notre pays qui en sort gagnante : nos quelque quatre millions de citoyennes et citoyens sont largement assez mûrs, assez adultes pour discerner le bon grain de l’ivraie. Pourquoi leur intelligence collective aurait-elle moins de bon sens, d’instinct de l’intérêt supérieur du pays, que celle de 246 élus fédéraux ?

     

    Les droits populaires, en Suisse, sont de plus en plus attaqués par la classe et la caste politique, le lobby des élus qui n’a jamais pu supporter cette concurrence du suffrage universel. Ils ont tort. Il s’agit pour le corps des citoyens de le leur signifier. En leur rappelant qu’ils ne sont là que pour deux choses (faire des lois, qui d’ailleurs peuvent être corrigées en référendum, et contrôler l’action du gouvernement). Qu’ils le fassent déjà, ce boulot, plutôt que de tournicoter entre eux dans un jeu de miroirs autiste et consanguin. Le leur signifier, aussi, en faisant vivre par l’exemple le droit d’initiative et de référendum : en Suisse, le débat politique appartient à tous les citoyens, il n’a pas à se laisser confisquer par les seuls parlementaires.

     

    J’invite mes concitoyens à la plus grande méfiance face au discours visant à discréditer notre démocratie directe. Partout en Europe, les peuples se réveillent. De France, d’Allemagne, on se prend à imaginer des systèmes qui, tout en respectant le génie propre à chacune de ces nations, permettent aux citoyens d’influencer davantage, d’en bas, la prise de décision politique. En France particulièrement, le corps des citoyens n’est convoqué aux urnes que pour élire, très rarement pour décider sur des sujets thématiques. Lorsque c’est le cas, le débat est dévié par un plébiscite, pour ou contre le président en place. Lorsque le peuple, comme en mai 2005, dit non au Traité européen, on lui dit qu’il n’a rien compris, mal voté, et on tarabiscote le système pour imposer autrement le Traité. Cela, les Français en ont assez. Le pouvoir citoyen, dans les années qui viennent, ils risquent d’être amenés à l’exiger plutôt durement : nous sommes peut-être à l’aube, dans ce pays, d’un bouleversement en profondeur – et dans la douleur – du système.

     

    Pour l’heure, nous Suisses, vivons notre démocratie. Jetons-nous dans le débat d’idées, n’en laissons en aucun cas le monopole aux élus, déposons des textes qui suscitent la discussion dans l’ensemble du pays. N’ayons pas peur de secouer une classe politique qui brille trop souvent par sa léthargie. Décidons des grands contours de notre destin à l’échelle de quatre millions. Laissons nos élus faire des lois, contrôler les gouvernements et les administrations. Mais le débat politique doit être le nôtre. Celui des plus de quatre millions de citoyennes et citoyens de cette magnifique démocratie. A tous, je souhaite une année politique vivante, inventive, surprenante et dérangeante.

     

    Pascal Décaillet