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  • Droite élargie, horizons rétrécis

     

    Sur le vif - Samedi 20.12.14 - 17.36h

     

    Un budget dominé par la droite élargie, la gauche marginalisée, le PDC réduit à pleurnicher : tout ce qui s’est passé jeudi et vendredi en plénum était, d’un bout à l’autre, prévisible. Non depuis quelques semaines, mais depuis plusieurs années. Il faut lire la politique dans sa mémoire historique, placer l’événement sur sa ligne de continuité, renvoyer hors sujet les moralistes.

     

    Droite élargie : oui, maintenant, c’est fait. Mais il faut rappeler que l’émergence de cette nouvelle donne trouve ses racines dans la dernière législature, voire celle d’avant. Le vote final, hier, du budget, a constitué pour toute une génération politique une seconde douche glacée, après celle du 6 octobre 2013, ce dimanche de l’élection législative voyant à la fois les Verts s’effondrer et le MCG passer à 20 députés.

     

    Quelle génération ? Mais celle, parbleu, qui n’a cessé de s’imaginer le MCG comme une parenthèse de l’Histoire, un mauvais rêve, dont on allait bien se réveiller. Encore aujourd’hui, au lendemain du vote du budget, le chef du groupe PDC qualifie de « séditieux » un parti qui, jusqu’à nouvel ordre, fut porté par les voies démocratiques à son actuelle représentation parlementaire, les mêmes voies qui, le même jour, avaient envoyé beaucoup moins de députés PDC au Parlement. Il y aurait donc « sédition » quand le peuple préfère une formation rivale, s’étant engagée dans le même débat démocratique, l’ayant simplement gagné. Singulier diagnostic démocratique, Monsieur le Bon Docteur.

     

    J’ai été le tout premier, il y a plusieurs années, à parler à Genève de droite élargie. C’était encore sous le poids idéologique dominant de ces deux précédentes législatures, où M. Longchamp ne tarissait pas d’éloges sur son collègue M. Hiler, ce cher David, et où les Verts, tout heureux de collaborer à maintes facettes du pouvoir, s’employaient à briller dans l’ordre de l’illisible. Eh bien cette époque-là, entre l’active collaboration des Verts et les ultimes tentatives de charnière du PDC (j’allais dire « du MRP »), est révolue. Nous avons eu, avec cette affaire budgétaire, une démonstration de force de la mécanique de droite de la nouvelle législature : ensemble, le PLR, le MCG et l’UDC peuvent, s’ils le décident, faire ce qu’ils veulent.

     

    Pour autant, voyez-vous, je ne m’en réjouis pas. La droite élargie que j’appelais de mes vœux il y a plusieurs années, c’était pour mettre fin à cette indéchiffrable physique des fluides que, dans son seul intérêt, M. Longchamp faisait donner, établissant ses majorités avec l’active collaboration du centre. Eh bien cela aussi, c’est fini. Le même, devenu président à vie du Conseil d’Etat, ne rechigne pas une seconde à établir le levier des décisions avec l’appui de ces Gueux auxquels il n’a cessé de vouer tant d’arrogance. Il ne perd pas le nord, M. Longchamp : lorsque l’axe du pouvoir, ci-devant appelé « curseur » (M. Aellen me comprendra), se déplace vers la droite, il laisse faire. Et se tait.

     

    Je ne m’en réjouis pas, parce que la droite élargie que j’esquissais il y a plusieurs années n’avait pas vocation à s’articuler autour des forces de l’argent, de la domination par les puissants et les possédants, la mise à l’écart des plus faibles. Bref, je ne rêvais pas que cela se fît pour la plus grande gloire de l’idéologie libérale, bénéficiant désormais de l’appui de l’aile ploutocrate des Gueux. J’aurais aimé une droite élargie se fondant sur d’autres valeurs, autour de l’idée républicaine. Je ne tire donc, pour ma part, aucune satisfaction d’une nouvelle donne que, paradoxalement, j’avais été l’un des premiers, naguère, à appeler de mes vœux.

     

    On rappellera enfin, en cette période de Fêtes, que la seule quête de la prospérité individuelle n’apporte que peu de bonheur, si c’est pour enjamber dans la rue la masse des quémandeurs et des nécessiteux. On ajoutera que l’aventure républicaine doit se fonder dans l’espace commun, comme une construction collective. Et que le niveau de civilisation d’une société, comme chacun sait, se mesure à tout ce qu’on peut entreprendre pour les plus faibles, les plus fragiles. Je n’ai pas exactement perçu cette dimension-là dans les ultimes arbitrages sur le budget 2015 de l’Etat de Genève.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Deux hommes d'honneur

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.12.14

     

    Dominique Louis, Jean-François Duchosal. Le premier fut chef adjoint du Protocole à l’Etat de Genève, le second chef de la sécurité à l’aéroport. Les deux sont colonels. J’ai eu l’honneur de servir sous les mêmes drapeaux qu’eux, au régiment d’infanterie 3.

     

    Je crois que j’aime les histoires d’hommes. Celles avec de la mélancolie, de la verve, de l’humour, du désespoir, du panache. L’histoire de ces deux hommes me plaît, parce qu’elles sont, l’une et l’autre, entièrement vouées à l’idée de servir. Son éloquence, sa faconde, Dominique Louis les a mises au service de l’intérêt public. Jusqu’à devenir, en 25 ans, un incomparable héraut de l’Escalade. Il n’a pas brillé pour lui-même, il a mis son talent au service d’une cause plus ample.

     

    Ses vacances, Jean-François Duchosal les passait le plus souvent en Afrique, dans des missions humanitaires bénévoles. Il y avait déjà, chez ce futur pèlerin, la quête spirituelle du moine-soldat. La seule jouissance de la matière ne le satisfaisait pas.

     

    Il existe, à Genève, pas mal d’hommes et de femmes comme Dominique et Jean-François. Dans cette cité du luxe et du paraître, il se pratique d’autres valeurs, qui furent tout autant portées par la Réforme, l’humanisme, puis l’ouverture aux catholiques, le service des armes et celui de l’école. Le don de soi. L’abnégation. L’émotion face à la bannière. A ces deux hommes, je dis merci. Ils sont pour moi des exemples.

     

    Pascal Décaillet

     

  • PAV : poudre aux yeux !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.12.14

     

    Le PAV : voilà une décennie qu’on nous balance des promesses. On nous fait miroiter des gratte-ciel dans un futur incertain. Une décennie de belles paroles, comme dans la chanson de Dalida, mais résultat : rien du tout ! Pas la moindre tour, même pas de chantier. Juste des maquettes. Des projets. Des accords-cadres, entre l’Etat et les communes. On brode sur l’avenir, on spécule. Mais on ne prend ni pelle, ni pioche. Rien. Le néant. Le quartier Praille-Acacias-Vernets, qu’on nous présentait il y a dix ans comme un nouveau Manhattan, présente exactement la même allure fin 2014 que fin 2004. Et en 2024, ils seront là, les gratte-ciel ?

     

    Le PAV, c’est comme le Grand Genève. La génération politique qui aura le moins construit depuis la guerre s’avère, par paradoxe, celle qui fait le plus valser les projets dans nos imaginaires. Elle joue avec nos désirs, flatte notre urbanité verticale, celle du héros de l’Amérique, de Kafka, entrant en rade de New York, l’une des premières pages les plus saisissantes de l’univers romanesque. En chacun de nous, il y a un révolutionnaire de l’urbanisme qui sommeille, alors allons-y, caressons ses rêves, excitons ses désirs, donnons-lui du building, densifions sa ville rêvée, ça ne coûte rien. Et ça apporte des électeurs.

     

    Oh, dans l’ordre du virtuel, elle est grandiose, Genève. On y truffe la Praille de tours, on y traverse rade et lac, on y construit des logements par dizaines de milliers, on y voit grand, jusqu’à abolir toute frontière avec la France, constituer une « région » dont la ville de Calvin serait la capitale naturelle. Séduisant, peut-être. Mais juste un rêve. Une projection. Quelques fragments de désir, échappés du réel. Evaporés. Le PAV, le Grand Genève, c’est cela : des gouvernants qui règnent par le perlimpinpin. Jeteurs de poudre ! Où l’espace politique devient le Grand Magic Circus. Avec des baguettes, des chapeaux dorés. Et nous, dans le rôle des pigeons.

     

    Où sont-ils passés, nos conseillers d’Etat constructeurs ? Nos Jaques Vernet, nos Christian Grobet, et même nos Philippe Joye ? Ces hommes-là n’arrivaient pas avec des projets mondiaux, mais avec de cartes de chantier, concrètes, structurées. Ils informaient la presse lorsque le projet était mûr, les négociations menées, les accords passés. Christian Grobet, dans son bureau de la rue David-Dufour, dépliait une carte pour quelques journalistes seulement, dont votre serviteur, et se livrait à un exposé incroyablement pointilliste, digne d’un chef de chantier, sur l’Alhambra ou le Goulet de Chêne-Bourg. C’était l’extrême contraire : la tyrannie de l’infiniment petit, à la merci d’un magistrat incapable de déléguer, mais animé d’un sens prodigieux du concret. Pour ma part, je préfère la rugosité de cette folie-là, à l’insoutenable légèreté des miroirs aux alouettes.

     

    Je propose ici, sur le PAV, un moratoire du silence. Tant que nos autorités n’ont pas totalement débloqué un projet, avec autorisations de construire et financement sonnant et trébuchant, elles se taisent. Parce que pour l’heure, chaque nouvelle parole, chaque nouvelle promesse, ne font que ruiner un peu plus le crédit de ceux qui les brandissent. De l’infini au zéro, il n’y a parfois que la courbe sublime de l’absurde. Le saviez-vous ?

     

    Pascal Décaillet