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  • PAV : l'immatérielle tyrannie du néant

     

    Sur le vif - Vendredi 12.12.14 - 18.03h

     

     

    Je regrette le temps où l’un des sept dicastères de l’Etat s’appelait « le Département des Travaux publics ». Il y avait du concret, Grobet qui dépliait des plans pour quelques initiés (dont votre serviteur, naguère au Journal de Genève) au septième étage de la rue David-Dufour, il y avait des casques jaunes et des bottes boueuses. Il y avait l’odeur acide de la bière dans les baraquements de chantiers. Mon père était ingénieur en génie civil, il a beaucoup construit, toute sa vie. Enfant, je le suivais les samedis après-midi (nous finissions l’école le samedi 12h) sur les chantiers, j’adorais ça. Je voulais faire ce métier. Il aura fallu la lecture du Grand Meaulnes, un peu avant l’âge de quatorze ans, pour que le destin me détourne, avec la sainte douceur d’un ange gardien, vers d’autres horizons.

     

    A l’époque de Jaques Vernet, de Christian Grobet, et même à celle de Philippe Joye, les Travaux publics étaient quelque chose de merveilleusement concret, on pouvait toucher, tâter, il y avait des chantiers, des maîtres d’œuvre, des pelles mécaniques, du bruit et de la poussière. Puis, il y eut Laurent Moutinot, homme débonnaire et sympathique, mais dont l’équation personnelle avec le principe de construction n’éclatait pas d’évidence.

     

    Puis, il y eut le PAV. L’érection fantasmée des grandes illusions virtuelles. On s’est mis à rêver la verticalité. On en a fait un slogan électoral, on a jeté des tonnes de poudre à des milliers d’yeux. On a baratiné, charmé, élucubré, séduit les salons, illuminé les cocktails. Mais d’immeuble, ou même de simple chantier, pas le moindre. Oh, des plans, à n’en plus finir, des maquettes, des concours d’architectes, du rêve lustré, brillantiné. Mais de concret, rien. Le PAV, pour l’heure, c’est un espace intermédiaire entre le zéro et l’infini, dans la galaxie du néant.

     

    Alors, pardonnez-moi, mais au moment où les uns reviennent avec une initiative, d’autres nous balancent un projet à 2,5 milliards dont personne ne détient le premier centime, cette idée de tyrannie du virtuel, qui m’habite depuis une bonne décennie, ne parvient toujours à s’extirper de mon esprit. Pour l’heure, puisqu’on parle d’argent, j’aimerais déjà que l’Etat se dote d’un budget 2015 en respectant la fonction publique, sans lui chouraver son annuité ni surtout couper dans la formation. Oui, déjà la garantie de ces quelques millions. Par décence pour ceux qui servent l’Etat, et pour l’idée que nous voulons garder, depuis Chavanne, de l’instruction publique.

     

    Déjà cela, oui. Et les 2,5 milliards de poudre aux yeux, toute cette insoutenable légèreté du virtuel, de l’immatériel, tous ces mots évaporés de leur substance, cela, par pitié, après. Une fois que vous aurez honoré vos engagements. Parce que faire rêver le peuple avec des gratte-ciel, sans qu’il n’y ait rien derrière, même pas le quota le plus décemment élémentaire de logement social, c’est se foutre du monde.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Histoire suisse est passionnante !

     

    Commentaire publié dans GHI - 10.12.14


     
    De nombreuses voix s’élèvent, à juste titre, pour que l’Histoire suisse soit mieux enseignée, ou même soit enseignée, tout court. Totalement d’accord sur le fond, mais avec une importante précision. L’Histoire suisse qui compte, celle qui détermine nos sociétés actuelles, les rapports de force entre nos partis politiques, les relations de chaque canton à la question confessionnelle, ou à la laïcité (Genève, Neuchâtel), ne remonte pas à la mythologie du treizième siècle, mais à une période beaucoup plus récente. Par exemple, 1798. Ou 1848.


     
    Non qu’il faille faire l’impasse sur Sempach et Morgarten. Mais enfin, la société d’aujourd’hui, nos systèmes parlementaires, l’Etat fédéral (1848), notre démocratie directe (1891), le scrutin proportionnel (1919, dans le sillage de la grève générale de novembre 1918), la paix du travail (1937), les grandes assurances sociales (AVS, 1947), c’est dans les deux derniers siècles qu’ils ont vécu leurs enjeux décisifs.
     


    Si vous racontez aux élèves l’Histoire de la Suisse d’aujourd’hui, l’essor industriel, la part du Capital dans les entreprises, le développement des banques, le réseau des transports, les conquêtes sociales, vous les passionnerez. Oui, j’affirme ici que le dix-neuvième et le vingtième siècles sont totalement déterminants pour comprendre l’état actuel du pays. En gros, depuis la Révolution française, cette immense rupture dans l’Histoire des hommes, qui n’a épargné ni la Suisse, ni les Allemagnes. Cette Histoire-là, jointe à celle des idées et de la presse, fera naître chez les jeunes des vocations. Canton par canton. Et tant pis s’il faut un peu moins mettre l’accent sur 1291.
     
     
    Pascal Décaillet

     

  • Oui au mariage pour tous

     

    Sur le vif - Jeudi 11.12.14 - 17.58h

     

    Dans l’espace public, notamment sur les questions de société, quand on s’engage, il faut être clair. Sur certains sujets, point n’est besoin de palabrer des heures : c’est oui, ou c’est non. Ainsi, ce que nos amis français appellent le mariage pour tous. Il y a ceux qui sont pour. Ceux qui sont contre. Eh bien pour ma part, je suis pour. Et, comme je n’ai pas l’habitude de camoufler mes opinions, je le dis. J’aurai contre moi bien des gens, bien des milieux, qui ont d’ailleurs parfaitement le droit d’être contre. Mais j’aurai manifesté un engagement sur la place publique. Je n’ai jamais écrit pour plaire. Ni pour faire plaisir.

     

    La cause homosexuelle a considérablement évolué ces trente dernières années. Il est maintenant acquis que nulle discrimination ne doit être à l’ordre du jour. Dès lors, appliquons-le, ce principe, à l’institution qui régit et codifie, devant la loi, l’union civile de deux personnes. Pourquoi les uns auraient-ils droit au mariage, les autres au seul PACS, qui n’apparaît que comme une étape intermédiaire, inachevée, sur le long chemin de la non-discrimination ?

     

    Je rêverais qu’en Suisse, cette égalité statutaire dans le mode d’union de deux êtres puisse s’acquérir, ou tout au moins se discuter, autrement dans que dans le fatras, le fracas et le tintamarre qui marquèrent, jusqu’à la caricature, le débat français. Chez nos voisins, on s’est insulté, étripé, on a hurlé par dizaines de milliers dans les rues, on a laissé resurgir les vieilles passions françaises sur les sujets de société, d’un côté des partisans cassants, de l’autre des opposants affichant les vieilles postures contre-révolutionnaires dont notre éminent voisin a le secret.

     

    Oui, je rêve qu’en Suisse, nous en venions un jour à empoigner ce sujet, dans la tradition de discussion qui est la nôtre. Avec des pour, des contre, un vaste débat national, et un beau dimanche une votation populaire. Ce jour-là, si j’ai la chance de le vivre, j’accepterai le résultat, quel qu’il soit, me réjouissant si le oui l’emporte, m’abstenant d’insulter les vainqueurs dans le cas contraire. Nous ne sommes pas un pays de la dichotomie, noir ou blanc, comme la France : républicaine ou royaliste, pour l’Eglise ou pour la Séparation, pour ou contre Dreyfus. Bien sûr, si le sujet parvient un jour au peuple, il faudra dire oui ou non. Mais je crois profondément que la Suisse, ce pays dont j’aime la secrète fragilité, pourra, le jour venu, vivre sur ce sujet un débat pluriel et enrichi, dans toute la polyphonie de nos résonances, de nos différences. Je suis sûr que notre tradition démocratique nous évitera le triste théâtre qui fut celui de la genèse de la loi Taubira.

     

    Vous me direz que ce sujet n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour en Suisse, au moment où le Parlement vient de se pencher sur un texte emberlificoté dont seul le PDC a le secret. Vous me direz cela, et vous aurez raison.  Pour lancer un débat, il faut que les esprits soient mûrs : le faire trop tôt ne sert à rien. Tout cela est vrai. Tout cela est juste et bon. Tout cela respire le raisonnable. Mais moi, je vous dis juste que je suis favorable à l’égalité du mode d’union entre couples homosexuels ou couples hétérosexuels. Je n’aborde pas ici la question de l’adoption. Le parti que j’ai pris, je le tiendrai et le défendrai. En espérant qu’un jour, le sujet soit saisi par le corps de mes concitoyennes et concitoyens, ce suffrage universel auquel vous connaissez mon indéfectible attachement.

     

    Pascal Décaillet