Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • La leçon de Jacques Vergès

    verges_jacques_old.jpg 

    Sur le vif - Vendredi 16.08.13 - 01.34h

     

    Prodigieuse leçon que celle de Jacques Vergès, qui nous quitte à l’âge de 88 ans. La leçon d’un homme libre. La leçon d’un homme seul. La leçon d’un immense avocat, d’un courage exemplaire. Franchement, défendre les gens du FLN en pleine bataille d’Alger, alors que la grande majorité de l’opinion publique demeure favorable à l’Algérie française, et à la peine de mort, il fallait un cran difficile à imaginer aujourd’hui. Mieux : défendre Barbie à Lyon, la ville même où le nazi avait sévi, torturé Jean Moulin, envoyé à la mort les enfants d’Izieu, il faut là un goût de la posture minoritaire totalement au-dessus du commun.

     

    Vergès nous rappelle que tout prévenu, même accusé des pires crimes, a droit à un avocat. Et que le rôle de l’avocat, parfois contre tous, contre la toile d’araignée de l’opinion publique, est simplement de défendre son client. Et que cette défense passe par la tentative, intellectuelle mais sans doute aussi spirituelle, de le comprendre.

     

    À cela s’ajoute une puissance de persuasion hors du commun. Un verbe précis, rapide, fulgurant, un discours comme la foudre. Le génie du plaideur, à l’état pur.

     

    Cet homme incroyable s’en va avec les innombrables mystères de sa vie, peut-être l’immensité d’une solitude, qui sait ? Des êtres, nous ne savons rien. De nous-mêmes, moins encore. Mais c'est, paraît-il, une autre affaire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Pascal (1927-2013) - Hommage

     

    Mardi 13.08.13 - 11.47h

     

    Il était bâti comme le commissaire Maigret. Solide, charpenté, épaules larges, physique de boxeur et de rugbyman, deux sports qu’il avait pratiqués dans son sud-ouest natal. Nous, la volée de la Maturité fédérale d’avril 1976, notre premier contact avec lui date du début de la Seconde, septembre 1973, il y a juste quarante ans. Pendant ces trois années scolaires, il allait être notre professeur, notre référence, mais à vrai dire beaucoup plus que cela : notre maître, au sens si puissant où l’entend Péguy dans les Cahiers de la Quinzaine, 1913. Ce lien profond, indescriptible, qui scelle la mémoire et ravive les sens.

     

    Entre le maître et l’élève, ce genre de maître en tout cas, s’établit une relation pour la vie, et sans doute aussi au-delà de la vie, d’où mon émotion, la nôtre, celle de toutes ces centaines de jeunes qui eurent le privilège de suivre ses cours. L’Abbé Pierre Pascal (1927-2013) vient de nous quitter à l’âge de 86 ans, dans ce diocèse d’Agen dont il était originaire et où il était allé passer sa retraite. Cet homme incroyable était, au sens le plus fort, le plus marmoréen, une figure. Je viens ici lui rendre hommage.

     

    Je l’ai connu de l’âge de quinze ans à celui d’un peu moins de dix-huit, autant dire les années qui marquent. Il nous a enseigné le latin, langue dont il avait une connaissance d’une incroyable intimité, en Seconde, mais avant tout le français, la branche phare, amirale, celle que tout adolescent un peu sensible aux textes, à la poésie, attend. À mes collègues, il enseignait aussi l’anglais. Sur les onze années (1965-1976) que j’ai passées à l’Institut Florimont, Pierre Pascal est, avec René Ledrappier, le professeur qui m’a le plus impressionné. Parce qu’à cet âge-là, qui est de musique et de poésie, mais aussi déjà d’angoisses, on a besoin d’un aîné qui vous prenne par la main, et, sans rien imposer, vous initie. Cette tâche, qui est celle du guide, il l’a accomplie au-delà de toute espérance.

     

    Mais surtout, quel homme ! Avec sa faconde de Gascon, ses histoires extraordinaires, ici la Résistance, là la loge d’une cantatrice, il nous racontait sa vie, ses vies, la boxe et le rugby, picaresque comme on n’en fait plus. Il nous faisait rire, rêver, ses cours étaient de ceux où toujours quelque chose surgit, il en était le centre, comment eussiez-vous voulu qu’il en fût autrement ? Il exagérait, inventait, déployait le roman de son existence, mais aussi a su nous parler avec maestria des grands courants de la littérature française, disons depuis Rabelais. Chacun de ses cours était une histoire, passait par le récit, était attendu comme tel par chacun de nous. Au fond, nous allions au spectacle. «Que diable va-t-il encore nous raconter aujourd’hui ? ».

     

    Pierre Pascal n’était pas vêtu comme un abbé, Vatican II avait déjà relégué la soutane, mais avec une veste et une cravate, toujours impeccable, pas fâché de plaire, ce qui lui donnait un peu l’allure d’un entraîneur de rugby au moment de recevoir la Coupe, ou d’un gentleman-farmer, distingué, avec un zeste de parfum, dès les premières heures du matin : l’état ecclésiastique n’était pas pour lui synonyme de relâchement physique, ni vestimentaire. Et puis, il y avait ces fameux moments réguliers qu’il passait à la Radio Suisse Romande, pour enregistrer ces fameuses Minutes œcuméniques qui ont réveillé sous sa voix, avec la saveur de son accent méridional, de 1972 à 1981, des générations d’auditeurs, juste avant le journal de 7h. « C’est ton prof qui vient de parler ! », s’écriait ma mère, émue de la notoriété romande de ce personnage dont je parlais quasiment à tous les repas. Je trouvais magique, irréel, qu’un homme puisse faire de la radio.

     

    Je n’ai parlé ici que du professeur, et revis avec émotion ces années si déterminantes. Je pense à mes dix camarades de la volée avril 1976, mais aussi à tous ceux qui ont connu le Père Pascal. Comme enseignant, ou plus tard comme curé à Compesières, ou simplement comme ami. Il fait partie, comme René Ledrappier, de ces hommes qui vous marquent pour la vie. Une personnalité hors du commun. Tous ceux qui l’ont fréquenté, je crois, se reconnaîtront peut-être un peu dans ces quelques lignes. Hommage à lui, plus présent que jamais, dans nos mémoires.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un service pour tous, militaire ou non

     

    Sur le vif - Lundi 12.08.13 - 15.14h

     

    D'abord, se prononcer sur l'initiative du GSSA. Ce sera non. Ensuite, amorcer une vaste réflexion sur une refonte totale du système. Je serais partisan - je l'étais déjà lorsque j'ai appartenu à la Commission Schoch en 1990, nous avions siégé vingt-cinq jours, décentralisés dans toute la Suisse - d'une obligation pour tous de "faire quelque chose pour la communauté nationale". Et en effet, pas obligatoirement quelque chose de militaire. Certaines personnes n'aiment pas le métier des armes, à quoi bon le leur imposer ? Il y a tant et tant de manières, depuis l'aide dans les EMS à celle en faveur des personnes handicapées, en passant par les services civils, où je connais des gens très motivés, de "faire quelque chose" pour la collectivité.



    Pour moi, la vraie question est là. Le problème, c'est qu'il nous faut d'abord répondre à l'initiative du GSSA. Qui pose très mal les choses. Et, de facto, va nécessairement nous entraîner dans le traditionnel débat, dont la Suisse a la spécialité tous les vingt ans, pour ou contre l'armée. Le nom même du groupe des initiants dévoile son objectif final, ce qui rend quelque peu spécieuse sa prétendue finalité à ne s'en prendre qu'à l'obligation de servir. Il est clair que pour eux, la votation du 22 septembre n'est qu'une étape intermédiaire vers un objectif final clairement annoncé dans le libellé même de leur sigle: GSSA = Groupement pour une Suisse sans Armée. C'est au moins clair.



    Pour ma part, je suis favorable à une Suisse avec armée, mais encore et toujours à redéfinir, et là certains arguments du professeur fribourgeois interviewé par le Temps vont dans le bon sens. J'aurais même pu entrer en matière sur un socle professionnel, que je ne perçois pas comme une menace prétorienne pour le pays. Hélas, en posant la question de la seule obligation, en étant qui ils sont, en ayant le nom qu'ils ont, et en tentant de nous faire oublier leurs finalités suprêmes, les gens du GSSA nous font perdre un temps précieux. Il faudra d'abord refuser leur initiative, ce qui sera fait le 22 septembre. Et puis, seulement après, il faudra quand même aborder cette question d'un service pour tous, à la collectivité, un service de solidarité nationale, dont l'aspect militaire ne serait qu'une option parmi d'autres.



    Hélas, le GSSA oblige tous ceux qui veulent une réforme du système à une manœuvre en deux temps. D'abord, dire non. Puis, trouver un consensus national sur autre chose. De plus large. Où demeure le ciment, mais pas nécessairement par le choix des armes.

     

    Pascal Décaillet