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  • Révolution conservatrice

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 30.08.13


     
    Il y a, en Suisse, au niveau fédéral comme dans la plupart des cantons, trois grands courants politiques : la gauche, la droite PLR et PDC, et puis une autre droite, représentée par l’UDC. Ces trois blocs en ont pour un moment à vivre ensemble : aucun des trois ne va disparaître dans les années qui viennent, tout au plus s’affaissera-t-il lors d’une échéance électorale pour mieux revenir quatre ans plus tard. On sait à quel point cette division en trois doit être infiniment précisée par les nuances internes à chacun des blocs (gauche dure, socialistes, Verts pour les premiers ; droite libérale, républicaine, familiale et sociale pour les deuxièmes ; droite nationale ou populaire pour les troisièmes), mais enfin ces blocs sont bien là, ils constituent notre paysage politique.


     
    Le grand événement, en Suisse, de ces vingt dernières années, est l’émergence et la montée vertigineuse de l’UDC blocherienne. L’ascension fut certes stoppée en 2011, mais tout de même, la masse est là, impressionnante. UDC dans la plupart des cantons, MCG à Genève, Lega au Tessin, il y a dans notre pays, sous des expressions différentes, la place pour des idées conservatrices, sociales, protectionnistes, toutes choses que le dogme libéral récuse et vilipende. Que cela plaise ou non, c’est ainsi : cette autre droite existe, elle est là, structurée sous une même bannière nationale, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. A cette époque, où je commençais ma carrière au Journal de Genève, cette famille de pensée se retrouvait, en fonction des traditions cantonales, chez les radicaux ou au PDC. Si ces deux partis n’avaient pas, ces trois dernières décennies, laissé filer les ailes conservatrices de leur électorat, l’UDC aujourd’hui n’en serait pas là.
     


    Être conservateur, social, ouvert aux préoccupations des petites gens, sensible à la protection de l’emploi local contre certains effets dévastateurs de la libre circulation, n’a rien de scélérat. Et vous pourrez, tant que vous voudrez, insulter ces compatriotes en les traitant de fascistes ou de xénophobes, rien n’y fera : ils continueront de penser ce qu’ils pensent, rejetant autant le libéralisme de casino et d’enrichissement indécent des uns que le socialisme de nivellement des autres. Ils continueront de plaider pour une agriculture proche des consommateurs, une politique familiale dynamique, un encouragement aux PME plutôt qu’aux multinationales. Et ceux d’entre eux qui estiment, pour l’intérêt supérieur du pays, qu’un minimum de régulation des flux migratoires est nécessaire, vous ne les ferez pas taire en les injuriant. Si vous vous imaginez, partis de gauche ou de la droite PLR-PDC, que le succès de ce troisième bloc est juste une parenthèse, un cauchemar passager, vous vous leurrez : une lame de fond profonde de la politique suisse veut cette révolution conservatrice. Cette dernière ne fait peut-être que commencer.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Faites-nous aimer la politique !

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    Publié dans GHI - 28.08.13


     
    Les des enjeux majeurs, pour les 476 candidats au Grand Conseil et les 29 au Conseil d’Etat, n’est pas seulement de faire campagne, être élus puis faire le meilleur boulot possible au service de la République. Non, il y a un défi plus important que tout cela : ils doivent, tous partis, tous sexes et tous âges confondus, nous donner le goût de la chose publique. Car la politique, pendant ces semaines électorales d’automne, ce sont eux qui vont l’incarner. Pour ma part, je remplirai à la main, comme je le fais depuis l’âge de vingt ans, la liste du Grand Conseil, puisant dans (presque) tous les partis ceux que j’estime les meilleurs. Je vais vous faire une confidence : il m’est parfaitement égal qu’ils soient de gauche ou de droite, jeunes ou vieux, hommes ou femmes. Mais je veux puissamment des gens qui, par leur action, leur rhétorique, la flamme qui les anime, nous donnent envie de croire à la politique. J’y crois depuis l’âge de sept ans et demi. C’est une belle et grande chose que la gestion de la Cité. Il faut y envoyer les meilleurs.


     
    Sept ans et demi ? Tout a commencé lors de la campagne pour la présidentielle française, en décembre 1965. Les héros s’appelaient Charles de Gaulle, François Mitterrand, Jean Lecanuet. Sur notre petit écran noir et blanc, je regardais tout, la passion était née. Chez moi, chez vous, chez n’importe lequel d’entre nous, elle passe par la vertu de l’exemple. C’est pour cela que Plutarque a écrit ses Vies parallèles, pour cela qu’il faut lire la vie des grands hommes, de Gaulle, Churchill, Willy Brandt, Mendès France, Louis XI, Bismarck, et des centaines d’autres. Car chaque parcours est à la fois chemin d’aventure individuelle et repères d’exemples. De même, dans une campagne électorale, chaque candidat  doit savoir qu’il incarne plusieurs choses : lui-même d’abord ; mais aussi son parti, sa famille de pensée ; au-delà de tout cela, il figure et représente la politique elle-même, son crédit, sa valeur d’exemple, la dose de foi qu’on peut ou non lui porter. L’enjeu est immense.


     
    Ce que je reproche à un mauvais candidat, ou un mauvais magistrat, c’est principalement qu’en n’étant pas au niveau, il contribue à ruiner le crédit même de la politique, dans lequel, depuis l’aube de mon enfance, je veux croire. Alors qu’un bon, ou un excellent, tiens un Delamuraz par exemple, au-delà de leurs options, réhabilitent la vertu, la nécessité de la politique dans la vie sociale des humains. Je pense à Chavanne, qui a tant fait pour l’école : on peut discuter de ses choix, mais il a affirmé la République au milieu de l’enjeu scolaire, c’est immense. Je pense à Willy Brandt qui s’agenouille devant le monument du Varsovie : c’est toute l’Histoire allemande qui s’incline devant le martyre de la Pologne. Delamuraz affrontant l’aile patronale de son propre parti dans la loi sur le travail, c’était l’Etat contre les clans.


     
    A tous les candidats, je dis : allez-y, foncez, faites campagne, défendez vos idées. Mais n’oubliez jamais que vous incarnez la politique elle-même. De votre comportement, de la hauteur de votre action, dépendra son crédit. Ou sa ruine.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Juste se montrer, c'est un peu court !

     

    Commentaire publié dans ma page GHI - Mercredi 28.08.13

     

    Une campagne, toujours, est un révélateur. Dis-moi comment tu mènes ta candidature, je te dirai qui tu es. Il y a les introspectifs, les timides, ou au contraire les bombeurs de torse, les matamores. Il y a les intellos, passionnés par les seules vertus de la raison et de l’argumentation, ou à l’inverse les instinctifs. Ceux qui puisent dans l’image, la séduction, le charisme. Et dans ce petit jeu, les personnalités se révèlent comme une photographie dans une chambre noire : certaines éclatent, d’autres demeurent en demi-teinte, c’est la loi parfois cruelle de l’exposition.

     

    Visuellement, il faut exister. Si l’électeur, en lisant votre nom sur la liste de votre parti, y associe un visage, vos chances d’élection seront plus grandes. Ayant parfaitement intégré cela, quelques petits malins ont passé leur été à multiplier leurs apparitions dans des réunions plus ou moins festives, juste pour être là, se faire prendre en photo, balancer l’image dans les réseaux sociaux. Puis passer à la fiesta suivante.

     

    Il n’y a pas à leur en faire grief : la multiplication des apparitions, comme celle des pains ou des poissons, fait partie du jeu. Mais il n’y pas, non plus, à en être dupe : se montrer pour se montrer, ne faire cyniquement que cela, sans que derrière l’image n’existe un contenu (ou si peu), c’est montrer bien peu de respect pour l’électeur. C’est prendre le citoyen pour un consommateur, qui ne réagirait que de façon subliminaire à la masse d’images qu’on lui aurait projetées. Efficace, peut-être, pour être élu, mais profondément méprisant pour l’essence même de la politique, qui est combat d’idées, projets de société, et non concours publicitaire.

     

    Citoyens, exigez des candidats que derrière leurs sourires de façade, ils aient de l’arrière-pays, de la vision du monde, du courage, du contenu. Servir la politique, c’est cela. Sinon, c’est juste se servir soi-même.

     

    Pascal Décaillet