Sur le vif - Vendredi 16.08.13 - 01.34h
Prodigieuse leçon que celle de Jacques Vergès, qui nous quitte à l’âge de 88 ans. La leçon d’un homme libre. La leçon d’un homme seul. La leçon d’un immense avocat, d’un courage exemplaire. Franchement, défendre les gens du FLN en pleine bataille d’Alger, alors que la grande majorité de l’opinion publique demeure favorable à l’Algérie française, et à la peine de mort, il fallait un cran difficile à imaginer aujourd’hui. Mieux : défendre Barbie à Lyon, la ville même où le nazi avait sévi, torturé Jean Moulin, envoyé à la mort les enfants d’Izieu, il faut là un goût de la posture minoritaire totalement au-dessus du commun.
Vergès nous rappelle que tout prévenu, même accusé des pires crimes, a droit à un avocat. Et que le rôle de l’avocat, parfois contre tous, contre la toile d’araignée de l’opinion publique, est simplement de défendre son client. Et que cette défense passe par la tentative, intellectuelle mais sans doute aussi spirituelle, de le comprendre.
À cela s’ajoute une puissance de persuasion hors du commun. Un verbe précis, rapide, fulgurant, un discours comme la foudre. Le génie du plaideur, à l’état pur.
Cet homme incroyable s’en va avec les innombrables mystères de sa vie, peut-être l’immensité d’une solitude, qui sait ? Des êtres, nous ne savons rien. De nous-mêmes, moins encore. Mais c'est, paraît-il, une autre affaire.
Pascal Décaillet