Sur le vif - Dimanche 13.02.11 - 09.55h
Il paraît qu’ils sont humanistes. Et les autres, la majorité écrasante des autres, ils seraient quoi ? Déistes ? Animalistes ? Végétaliens ? Des irradiés du Minéral ?
« Humanistes », c’est le mot, moutonnièrement utilisé, repris, copié, collé par les journaux romands pour qualifier le quarteron de protestataires qui, au sein du parti libéral-radical suisse, avaient fait savoir, par annonces dans les journaux, qu’ils n’étaient pas d’accord avec le projet de nouvelles lignes directrices de leur parti sur l’immigration. En Suisse romande, on n’a parlé que d’eux. Ils étaient Antigone, le parti national était Créon, ils étaient la pureté, le parti incarnait la souillure. Ils étaient les « humanistes ». Rien d’humain, à l’autre camp, n’était concédé.
Le problème, c’est qu’en Assemblée des délégués, hier à Zurich, c’est le coup de barre à droite qui a été choisi. À une majorité extrêmement claire. Pas la moindre ambiguïté. Le parti national a tranché.
Mais dans la presse romande, ce matin, on continue de parler des humanistes, ces sublimes perdants. On continue de leur donner la parole. Une parole qu’au final, on n’aura quasiment pas octroyée à l’autre camp, celui de la victoire écrasante d’hier, à Zurich. Car enfin, si le PLR entend durcir sa politique migratoire, c’est peut-être qu’il a des raisons. Bonnes ou mauvaises. Mais au moins, qu’on lui laisse le loisir de les exprimer.
Peut-être, cet épisode étant passé, pourrait-on s’interroger sur les véritables intentions de certains « humanistes ». Une piste, au hasard : à quel jeu joue tel candidat à l’exécutif genevois en multipliant les sujets de désaccord avec son parti national ? Et, surtout, en les rendant publics de façon si ostentatoire. Se forger un blason d’humanisme ? Ou, plus prosaïquement, s’imaginer qu’il ira ainsi quérir les voix d’une partie de la gauche municipale genevoise, le 17 avril prochain ? Si c’est son calcul, il se trompe : il arrive que la droite vote pour la gauche ; la réciproque est infiniment plus rare. Georges Pompidou l’avait expliqué assez fermement – en lui tapant sur les doigts – à son Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, au lendemain de son discours de 1969 sur la « Nouvelle Société ».
Au reste, il n’est pas sûr qu’on puisse durablement survivre en politique en multipliant les attaques contre son propre camp. Cela laisse des traces. Et il y a des gens qui ont de la mémoire.
Pascal Décaillet