Chronique publiée dans le Nouvelliste - Jeudi 10.02.11
Sur le site « Commentaires.Com », de mon confrère Philippe Barraud, l’écrivain et historien Jean-Jacques Langendorf, qui vit à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Vienne, donc au fin fond de l’Autriche, limite Moravie, raconte une anecdote aussi révélatrice que savoureuse. Une équipe de l’émission « Mise au Point », de la TSR, s’est rendue à quatre personnes chez lui (preneur de son, cameraman, directeur de production et journaliste), pour recueillir son sentiment sur le rôle des armes dans la culture suisse. Nuits d’hôtel, trajets avion, voiture de location, je vous épargne les forfaits repas et autres indemnités. Langendorf leur livre une causerie à la mesure du personnage, on l’imagine donc magistrale, sur une dizaine de minutes. En visionnant l’émission, il constate – avec un certain dépit – que son propos est ramené à un peu plus d’une minute, « totalement amputé et réduit à deux anecdotes insignifiantes ».
On espère vivement que Roger de Weck, l’homme qui adore donner des leçons, tous azimuts, sur la noblesse et la mission du « service public », prendra connaissance de cette anecdote. Je viens, comme l’immense majorité des lecteurs de cette chronique, de payer ma concession Billag pour un an, Fr. 462.40, et il ne m’est pas indifférent de savoir où va mon argent. Je ne suis pas ennemi d’un domaine public dans l’audiovisuel. Pour promouvoir les débats politiques (sans en gommer, par ukase, la dimension de confrontation), mais aussi la connaissance du monde, la culture. Mais pas pour que la TSR achète des séries américaines, cela ne relève pas du service public. Ni pour que d’improbables quatuors aillent se promener aux confins du Saint-Empire pour une minute d’émission.
Pendant que « Mise au point » chemine au pays des Habsbourg, il existe d’admirables radios et TV locales ou régionales, Canal 9, Léman Bleu ou La Télé, qui triment autrement durement pour tenter, jour après jour, de parler à leur public. Avec des hauts et des bas, chacun jugera. Mais avec des coûts de production incomparablement plus raisonnables que ceux de la SSR. Ces gens-là ne viennent pas faire la leçon patricienne sur le service public. Ils accomplissent, simplement, leur travail. Au service du public.
Pascal Décaillet