Un président de la Confédération pour deux ans : c’est tout ce dont a réussi à accoucher, hier, l’actuel Conseil fédéral pour la réforme de sa propre institution ! C’est une demi-mesure, même pas, c’est tenter de sauver le vieux système, vieilli et vermoulu, par un ultime lifting, la désespérance d’une cosmétique. Décidément, ce collège-là est à bout de souffle, et avec lui l’institution. C’est un autre système qu’il faut à la Suisse : un vrai gouvernement, cohérent, avec une épine dorsale idéologique, légitimé par une élection populaire. Nous en sommes loin, très loin, à des années-lumière.
Bien sûr qu’il faut un président sur une période plus longue. Deux ans c’est un minimum, il faudrait quatre. Mais là n’est pas l’essentiel. Le rallongement de la période présidentielle n’a de sens que s’il s’accompagne d’une révolution institutionnelle remplaçant les gouvernements de hasard d’aujourd’hui par des collèges cohérents, cimentés, charpentés. Et surtout, orientés sur une stratégie de législature : gouverner, c’est vouloir aller quelque part, ensemble, et non multiplier par sept les directions du bateau, voire ses dérives.
Gouvernements de hasard ? Bien sûr ! Dans ce pays-là, monsieur, on n’élit pas, on colmate les trous. Un ministre, au demeurant ni malade ni acculé par un scandale, décide de partir en pleine législature. Alors oui, on écope, on cimente la brèche : on élit un passant : parfois, cela donne tout de même, Dieu merci, des hommes d’Etat, parfois le passant reste passant. Et il passe. Et il n’en peut plus de passer. Il passe les murs, il passe les années, il passe et puis un jour il trépasse. En temps de paix, peinard, style Trente Glorieuses, ça peut à la limite jouer. En temps de crise, style secret bancaire, affaire libyenne, voire pire si entente, cela confine à la honte du politique. Est-ce cela que nous, citoyens de cette démocratie exemplaire qui n’a pas à rougir de ce qu’elle est, voulons ?
Ce système, bien sûr qu’un jour nous en changerons. Et, comme toujours, comme en 1798, comme en 1848, comme après la grève générale de 1918, nous agirons sous la pression d’une crise. Tout cela, à cause de l’impéritie, de la frilosité, du manque de vision des gouvernants actuels. Gouverner, c’est prévoir. Ce Conseil fédéral-là ne voit rien. Il est le plus mauvais depuis très longtemps.
Pascal Décaillet