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  • Le capitaine embusqué

     



    Édito Lausanne FM – Jeudi 15.11.07 – 07.50h



    Hier soir, à la Radio Suisse Romande, la conseillère nationale vaudoise Isabelle Moret s’est déclarée candidate à la vice-présidence du parti radical suisse. C’est le poste du « numéro deux romand », occupé jusqu’ici par le Valaisan Léonard Bender, radical canal historique, présenté d’ailleurs par Isabelle Moret, hier soir, comme un demi-dieu vivant de la politique suisse.

    Le parti radical suisse va très mal, il a évidemment besoin d’un renouvellement complet, et pas seulement à sa vice-présidence. Fulvio Pelli, le patron, a perdu les élections, il a perdu la guerre de la communication, il a passé trop de temps à regretter les temps anciens, il devrait céder la place. En attendant ce jour, comme le chante Brel dans « Zangra », toute énergie nouvelle est à saluer. Et la Suisse romande a beaucoup à apporter à ce parti trop longtemps prisonnier d’une aile zurichoise, héritée d’un « Freisinn » froid, n’ayant pas grand-chose à voir avec la tradition républicaine, plus populaire et à bien des égards plus sociale des radicaux romands. Cette lignée incarnée – et avec quelle panache – par Jean-Pascal Delamuraz, le dernier des grands.

    Seulement voilà, dans la démarche d’Isabelle Moret, il y a quelque chose d’étrange : pourquoi cette jeune et brillante élue ne porte-t-elle pas son regard, ses ambitions, plus haut et plus loin ? Pourquoi ne tenterait-elle pas d’arracher la présidence ? C’est cet échelon-là, devant l’opinion publique suisse et suite à l’échec du 21 octobre, qui est en cause. S’imaginer – comme le faisait hier soir Olivier Feller sur le plateau de Léman Bleu – que les ailes de la victoire viendraient en se contentant d’ « encadrer Fulvio Pelli pour la communication » apparaît un peu court.

    Voici donc le moment où vont surgir des têtes, des appétits, des ambitions. Le parti radical suisse a besoin de beaucoup plus que de simples aménagements de casting. Il a besoin d’un électrochoc. À cet égard, je signale au passage qu’il existe un homme de 29 ans, dévoré d’énergie intérieure et d’idées réformatrices pour la recomposition du centre-droit en Suisse. Il est membre de l’exécutif de la Ville de Genève, et me semble un peu jeune pour consacrer l’intégralité de son temps à la gestion des agents municipaux et des pompiers. Il s’appelle Pierre Maudet. Je ne vois pas très bien pourquoi, alors que le parti est en danger de douce et valoisienne satellisation, il n’appellerait pas, comme recours, cet homme qui, de toute façon, un jour ou l’autre, tiendra un rôle signalé dans l’univers de la politique nationale.

  • La grève de trop



    Édito Lausanne FM – Mercredi 14.11.07 – 07.50h


    Ils dont des centaines de milliers, peut-être même des millions, nos voisins français, qui vont devoir, dès ce matin, se casser la tête, par un froid glacial, pour aller travailler, ou faire leurs courses, ou aller voir des proches à l’hôpital, ou emmener leurs enfants à l’école.

    La grève. Ce grand mot, frémissant, cette ultime menace surgie du dix-neuvième siècle, de cette Révolution industrielle où des gosses, dans des usines, bossaient jusqu’à douze heures par jour, ce mot-là, aujourd’hui, par l’abus de ceux qui le brandissent, court le risque d’être, pour longtemps, dévoyé.

    La réforme du régime de retraite, qui prévoit de prolonger de 37,5 à 40 ans les années de cotisation pour toucher une retraite complète, concerne un demi-million de personnes. Il y en a dix-huit millions dans le secteur privé. Voilà donc, par des moyens d’un autre âge, et qui pourraient bien se retourner contre les premiers intéressés, la prise en otage de trente-six personnes par une seule. La prise en otage de la France entière par le gigantisme de centrales syndicales mesurant leur pouvoir en confisquant au peuple de France le droit, élémentaire, d’aller et venir, se déplacer. Il y a là quelque chose qui ne va pas.

    Dans les rapports sociaux, on a l’impression que la France, si éclairée dans tant d’autres domaines, en est encore au temps de Germinal et de Zola. Avec une mythologie de la grève et du conflit, comme la récurrence d’un passé qu’on voudrait, à chaque fois, re-convoquer : les mineurs à la fin du dix-neuvième, les grandes grèves de 36, sous le gouvernement de Léon Blum, les avancées sociales – bien réelles – du gouvernement de Gaulle à la Libération.

    Sans compter l’extrême complexité d’un code du travail auquel personne ne comprend rien. À cela s’oppose, par exemple, notre tissu, depuis sept décennies exactement, de conventions collectives en Suisse. Des contrats sur le terrain, par secteurs, et non parachutés d’une centrale omnipotente. Le règlement des conflits, au maximum, par la négociation. Ainsi, dans la construction, le bel exemple de Genève, où le ministre des Affaires sociales, François Longchamp, discrètement et sans tapage, a réussi à trouver une solution locale, certes provisoire mais bien négociée, dont le pays pourrait s’inspirer.

    Non, cette grève française, en 2007, et quels qu’en soient les motifs, est d’un autre âge. Ceux qui l’organisent devront en assumer toutes les responsabilités. Dans un pays dont le premier défi est de travailler plus, oui plus, cette immense démonstration de force par la paralysie apparaît comme totalement dépassée. Germinal, c’était hier.

  • Le Ralliement ou la Mort



    Édito Lausanne FM – Mardi 13.11.07 – 07.50h

    Le parti radical est-il en danger de mort ? Ce grand vieux parti, qui a fait la Suisse moderne, lui a donné un nombre incroyable de grands hommes, ce pilier des institutions et de l’économie, a-t-il pour destin, comme l’entrevoit son meilleur spécialiste, l’historien vaudois Olivier Meuwly, de n’être plus, bientôt, qu’une chapelle respectueuse, et respectée, un Grütli laïque, un témoin, sous verre, de ce que fut la grandeur de la Suisse, entre 1848 et la fin du vingtième siècle ?

    Ce parti, dont l’Histoire me passionne depuis des décennies, vit des heures très difficiles, le coup de grâce ayant été donné avant-hier par l’échec de Charles Favre au Conseil des Etats, où les radicaux, depuis l’aube de la Suisse moderne, avaient toujours été présents. Qu’il se rapproche trop de l’UDC, et on dira qu’il perd son âme, joue les clones, se dilue dans une identité qui n’a rien à voir avec la sienne. Qu’il scelle alliance, forte et loyale, avec la vieille démocratie chrétienne (dont presque rien, au plan national, ne le sépare, et plus personne, aujourd’hui, ne se soucie du Sonderbund), et on lui fera grief d’un centrisme aussi lâche qu’improbable.

    Seule, pourtant, cette seconde solution est la clef de la survie. Une grande fédération politique, en Suisse, et sans tarder, regroupant les radicaux, les libéraux bien sûr, et les démocrates-chrétiens. Il y a deux ans et deux jours, invité à m’exprimer par un club de réflexion politique de Martigny, j’avais dessiné cette hypothèse, en évoquant la profondeur des racines historiques des uns et des autres. Le legs inestimable de la Révolution française, avec sa tradition républicaine, pour les radicaux; le message de lumière du pape Léon XIII, son Encyclique de 1891, « Rerum novarum », sur la Doctrine sociale de l’Eglise, cette réponse non marxiste, en pleine Révolution industrielle, à la condition ouvrière. Ce deuxième pan étant, bien sûr, l’une des origines, avec le Sillon, de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie chrétienne.

    Eh bien la richesse entremêlée de toutes ces racines, aujourd’hui, entre le socialisme et l’UDC, peut donner naissance à une grande fédération, libérale quant à l’économie, ouverte à l’Europe et au monde, se distinguant de l’UDC par son ouverture à l’étranger, à l’Autre, au sens large. Cette droite – car c’en est une – assumée comme telle, pourra rejoindre l’UDC dans sa lutte pour la responsabilité individuelle, l’économie de marché libre et compétitive. Elle ne la rejoindra pas, s’en distinguera même farouchement, dès que viendra poindre l’odeur du nauséabond.

    L’avenir du radicalisme ? C’est de cesser d’être radical tout seul, ce mot d’ailleurs ne veut plus rien dire au grand public, et n’est simplement plus compris par les gens. Non, l’avenir de ce parti, c’est d’apporter tout ce qu’il est, toute sa richesse, à quelque chose de plus grand, à la rencontre des attentes modernes du peuple suisse. Qui est conservateur sur le plan politique, libéral sur le plan économique, et qui n’est certainement ni renfermé sur lui-même, ni xénophobe.