Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 9

  • Trop d'impôts

    Chronique parue dans le Nouvelliste du 08.11.07

     

    L’UDC, dans son programme de législature présenté mardi par le chef du groupe aux Chambres fédérales, le Bâlois Caspar Baader, accompagné pour l’occasion du Jurassien Dominique Baettig, le hussard qui vient d’arracher à la vieille démocratie chrétienne son siège historique au National, le dit très clairement : les Suisses payent trop d’impôts. Faire baisser la pression fiscale sera l’un de ses trois objectifs majeurs pour les quatre ans qui s’annoncent. A cela s’ajoutent d’hallucinantes disparités d’un canton à l’autre : une étude de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève, par exemple, révélait lundi que les habitants du bout du lac payaient deux fois plus d’impôts que la moyenne suisse !

     

    L’UDC, à droite, n’est certes pas le seul parti à tenir ce langage, mais c’est assurément celui qui l’assume avec le plus de clarté, donnant le ton, dans ce domaine, à une décrispation du discours aussi bienvenue que salutaire. Longtemps, en effet, en Suisse, et sans doute depuis la guerre, il était comme tabou, sauf à passer pour un mauvais citoyen, de remettre en cause le poids, fût-il éreintant, de la fiscalité sur les individus, les ménages, les entreprises. C’est que toutes ces joyeuses ponctions étaient pour la bonne cause : les écoles, les hôpitaux, les routes, les tunnels, la sécurité. Pour le mieux-vivre, la cimentation sociale, on payait, on faisait confiance à l’Etat pour gérer au mieux l’argent du peuple.

     

    Aujourd’hui, ce lien de confiance est sérieusement entamé. Il y a eu trop d’abus, dans trop de domaines de gestion publique, à la Confédération, dans les cantons, les communes, les grandes régies, trop d’argent dépensé sans compter, souvent pour engraisser les intendances et les apparatchiks, sauvegarder les prés carrés. Sans compter les placards dorés. La relation du contribuable avec l’Etat s’en trouve altérée. Et ceux qui gèrent les deniers publics, de plus en plus, doivent s’attendre à répondre de leurs choix.

     

    En clair, il ne suffit plus que l’Etat se plante au centre de tout, en proclamant : « Je suis l’Etat ! ». Il y a, de plus en plus, une volonté citoyenne de reprendre le dessus, ne plus se laisser traire ni tondre sans broncher, rappeler que l’argent avec lequel certains édiles font joujou n’est autre que le patrimoine des familles, qu’il aurait pu être investi autrement, dans la croissance. En déclarant la guerre à la pression fiscale, l’UDC épouse les préoccupations d’innombrables concitoyens. Dans ce domaine, elle voit juste.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La plaie, la cicatrice

    Chronique parue dans la Tribune de Genève du 08.11.07


    Il y aura 75 ans demain, l’armée suisse, à Plainpalais, tirait sur la foule. Le 9 novembre, cette frémissante date, fille de la tragédie et du destin, qui fut à la fois Brumaire, Nuit de Cristal et chute du Mur, aura donc aussi, et au fer rouge, marqué la mémoire genevoise. Le revoilà, ce temps des passions, que nous fait si bien revivre Claude Torracinta, dans son documentaire, tout récemment rediffusé.

     

    13 morts, 65 blessés. En comparaison internationale, surtout pour l’époque, l’événement reste à vrai dire bien modeste. Heureux pays, heureuse ville, n’en finissant plus de commémorer ce qui hélas, chez nos voisins, relèverait du banal : fusillés du Mont-Valérien, déportés de Drancy, martyrs italiens des Fosses ardéatines, millions d’Allemands morts au combat. Cela, juste, pour rappel des dimensions.

     

    Alors, pourquoi la plaie, la cicatrice ? D’autres armées, si souvent, ont tiré sur leur propre peuple, c’est monnaie courante, à commencer par Clemenceau qui fait donner la troupe contre les Vignerons du Midi ; et tant de grèves, dans tant de charbonnages, ou de houillères, par les fusils matées.

     

    Mais c’était la Suisse, et c’était Genève. En tirant, c’est le corps social qu’on a lacéré, ce qui nous unit et nous rassemble, l’essence même de la Suisse, sans laquelle ce pays ne serait rien. C’est cela qui fut grave. Car sans le lien, sans la solidarité, notre pays est mort. Et c’est cette grande peur-là, dans la mémoire du 9 novembre 1932, qui, à chaque fois, s’empare de nous, et nous saisit.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les chiffres du destin



    Edito Lausanne FM – 08.11.07 – 07.50h

    C’est un peu une combinaison cabalistique qui serait inscrite dans les astres. Une date, fatidique, inéluctable, semblant porter en elle la tragédie et le destin. Cette date, c’est celle de demain : le 9 novembre.

    Je cite de mémoire, et j’en oublie sans doute beaucoup : il se trouve que le 9 novembre aura été, pêle-mêle, la date de Brumaire, la prise de pouvoir par Bonaparte ; celle de ce jour où l’armée a tiré sur la foule, à Genève ; celle de la Nuit de Cristal, en Allemagne ; celle, dans le même pays, un demi-siècle plus tard, de la chute du Mur de Berlin.

    Brumaire. Coup de force saisissant. Un homme de trente ans, déjà auréolé de mille victoires en Italie, en Egypte, met fin, en quelques heures, au régime du Directoire. Les grenadiers remplacent les parlementaires. Une nouvelle aventure commence, dans l’Histoire de France. C’était un 9 novembre.

    9 novembre 1932, quartier de Plainpalais, Genève. L’armée tire sur la foule. 13 morts, 65 blessés. Surtout, la mémoire des Genevois, pour longtemps, meurtrie, lacérée même, par l’événement.

    9 novembre 1938. Dans l’Allemagne hitlérienne, la Nuit de Cristal. Une immense opération de pogroms, à l’échelle nationale, organisée d’en haut, le feu dans les synagogues, les vitrines des magasins juifs cassées. L’un des jours de honte de l’Histoire allemande.

    Et puis, si l’Histoire est tragique, il arrive aussi, parfois, qu’elle soit porteuse de bonheur et d’espoir. Le 9 novembre 1989, j’étais à la Radio Suisse Romande. Je préparais les bulletins d’actualité de l’après-midi, les flashes. Et, tout à coup, dépêche urgente, cinq étoiles : « L’Allemagne de l’Est ouvre toutes ses frontières ». Il y a deux ou trois moments, comme ça, dans une vie de journaliste, où vous restez tétanisé, quelques secondes, avant de réagir.

    Et c’étaient Kohl, et Genscher, haranguant la foule dans cette nuit magique, devant la porte de Brandebourg. Et c’était surtout Willy Brandt, déjà malade, fatigué, le visage marqué, sa légendaire impassibilité atteinte par l’émotion. Willy Brandt, l’ancien chancelier social-démocrate, celui qui s’était agenouillé devant le monument du ghetto de Varsovie. Willy Brandt, l’honneur retrouvé de l’Allemagne.

    En Histoire, les dates ne sont pas rien. Les combinaisons de chiffres, certaines récurrences, comme celle du 9 novembre, oui, nous donnent à réfléchir sur le hasard et le destin. Car si l’Histoire est tragique (ça, oui, à coup sûr, et elle le sera toujours), peut-être, parfois, comme certaines suites de martingale, est-elle aussi malicieuse. Et, très rarement, souriante, comme un croissant de lune, entre deux nuages.