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Les chiffres du destin



Edito Lausanne FM – 08.11.07 – 07.50h

C’est un peu une combinaison cabalistique qui serait inscrite dans les astres. Une date, fatidique, inéluctable, semblant porter en elle la tragédie et le destin. Cette date, c’est celle de demain : le 9 novembre.

Je cite de mémoire, et j’en oublie sans doute beaucoup : il se trouve que le 9 novembre aura été, pêle-mêle, la date de Brumaire, la prise de pouvoir par Bonaparte ; celle de ce jour où l’armée a tiré sur la foule, à Genève ; celle de la Nuit de Cristal, en Allemagne ; celle, dans le même pays, un demi-siècle plus tard, de la chute du Mur de Berlin.

Brumaire. Coup de force saisissant. Un homme de trente ans, déjà auréolé de mille victoires en Italie, en Egypte, met fin, en quelques heures, au régime du Directoire. Les grenadiers remplacent les parlementaires. Une nouvelle aventure commence, dans l’Histoire de France. C’était un 9 novembre.

9 novembre 1932, quartier de Plainpalais, Genève. L’armée tire sur la foule. 13 morts, 65 blessés. Surtout, la mémoire des Genevois, pour longtemps, meurtrie, lacérée même, par l’événement.

9 novembre 1938. Dans l’Allemagne hitlérienne, la Nuit de Cristal. Une immense opération de pogroms, à l’échelle nationale, organisée d’en haut, le feu dans les synagogues, les vitrines des magasins juifs cassées. L’un des jours de honte de l’Histoire allemande.

Et puis, si l’Histoire est tragique, il arrive aussi, parfois, qu’elle soit porteuse de bonheur et d’espoir. Le 9 novembre 1989, j’étais à la Radio Suisse Romande. Je préparais les bulletins d’actualité de l’après-midi, les flashes. Et, tout à coup, dépêche urgente, cinq étoiles : « L’Allemagne de l’Est ouvre toutes ses frontières ». Il y a deux ou trois moments, comme ça, dans une vie de journaliste, où vous restez tétanisé, quelques secondes, avant de réagir.

Et c’étaient Kohl, et Genscher, haranguant la foule dans cette nuit magique, devant la porte de Brandebourg. Et c’était surtout Willy Brandt, déjà malade, fatigué, le visage marqué, sa légendaire impassibilité atteinte par l’émotion. Willy Brandt, l’ancien chancelier social-démocrate, celui qui s’était agenouillé devant le monument du ghetto de Varsovie. Willy Brandt, l’honneur retrouvé de l’Allemagne.

En Histoire, les dates ne sont pas rien. Les combinaisons de chiffres, certaines récurrences, comme celle du 9 novembre, oui, nous donnent à réfléchir sur le hasard et le destin. Car si l’Histoire est tragique (ça, oui, à coup sûr, et elle le sera toujours), peut-être, parfois, comme certaines suites de martingale, est-elle aussi malicieuse. Et, très rarement, souriante, comme un croissant de lune, entre deux nuages.

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