Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La grève de trop



Édito Lausanne FM – Mercredi 14.11.07 – 07.50h


Ils dont des centaines de milliers, peut-être même des millions, nos voisins français, qui vont devoir, dès ce matin, se casser la tête, par un froid glacial, pour aller travailler, ou faire leurs courses, ou aller voir des proches à l’hôpital, ou emmener leurs enfants à l’école.

La grève. Ce grand mot, frémissant, cette ultime menace surgie du dix-neuvième siècle, de cette Révolution industrielle où des gosses, dans des usines, bossaient jusqu’à douze heures par jour, ce mot-là, aujourd’hui, par l’abus de ceux qui le brandissent, court le risque d’être, pour longtemps, dévoyé.

La réforme du régime de retraite, qui prévoit de prolonger de 37,5 à 40 ans les années de cotisation pour toucher une retraite complète, concerne un demi-million de personnes. Il y en a dix-huit millions dans le secteur privé. Voilà donc, par des moyens d’un autre âge, et qui pourraient bien se retourner contre les premiers intéressés, la prise en otage de trente-six personnes par une seule. La prise en otage de la France entière par le gigantisme de centrales syndicales mesurant leur pouvoir en confisquant au peuple de France le droit, élémentaire, d’aller et venir, se déplacer. Il y a là quelque chose qui ne va pas.

Dans les rapports sociaux, on a l’impression que la France, si éclairée dans tant d’autres domaines, en est encore au temps de Germinal et de Zola. Avec une mythologie de la grève et du conflit, comme la récurrence d’un passé qu’on voudrait, à chaque fois, re-convoquer : les mineurs à la fin du dix-neuvième, les grandes grèves de 36, sous le gouvernement de Léon Blum, les avancées sociales – bien réelles – du gouvernement de Gaulle à la Libération.

Sans compter l’extrême complexité d’un code du travail auquel personne ne comprend rien. À cela s’oppose, par exemple, notre tissu, depuis sept décennies exactement, de conventions collectives en Suisse. Des contrats sur le terrain, par secteurs, et non parachutés d’une centrale omnipotente. Le règlement des conflits, au maximum, par la négociation. Ainsi, dans la construction, le bel exemple de Genève, où le ministre des Affaires sociales, François Longchamp, discrètement et sans tapage, a réussi à trouver une solution locale, certes provisoire mais bien négociée, dont le pays pourrait s’inspirer.

Non, cette grève française, en 2007, et quels qu’en soient les motifs, est d’un autre âge. Ceux qui l’organisent devront en assumer toutes les responsabilités. Dans un pays dont le premier défi est de travailler plus, oui plus, cette immense démonstration de force par la paralysie apparaît comme totalement dépassée. Germinal, c’était hier.

Les commentaires sont fermés.