Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Beau dimanche pour les gentlemen

    Beau dimanche pour les gentlemen

     

    Le Conseil des Etats, ce doux salon de notables, pourra rester entre gentlemen, encore, pendant quatre ans. Grand vainqueur, le 21 octobre dernier, des élections fédérales (29% de suffrages), l’UDC n’y fera pas encore cette fois sa grande rentrée. Dans deux cantons-clefs qui devaient encore voter ce week-end, Zurich et Saint-Gall, deux stars du parti de Christoph Blocher viennent d’essuyer des camouflets qui appellent quelques leçons.

     

    Ces deux perdants sont tout, sauf n’importe qui. A Zurich, le président national du parti, Ueli Maurer, l’homme sous le règne duquel le parti fondé, il y a 90 ans, par le mythique Bernois Rudolf Minger, aura atteint son apogée historique. A Saint-Gall, l’enfant terrible du parti, le dauphin de Blocher, le si jeune et si populaire Toni Brunner, 33 ans, qui était sorti en tête du premier tour. Deux stars, oui, deux habitués d’Arena, des plateaux TV, deux figures de proue, deux hommes qui incarnent l’irrésistible ascension de la ligne Blocher.

     

    Ces élections fédérales de l’automne 2007 nous amènent donc un paradoxe : comment le parti qui a si brillamment remporté la mise au National peut-il se montrer si timide, voire si mauvais, dans la course aux Etats ? Dans cette Chambre des cantons, il n’obtient, avec 7 sièges (Argovie, Berne, Glaris, Grisons, Schaffhouse, Schwyz et Thurgovie), même pas la moitié du PDC (15 sénateurs), qui continue de régner en maître sur le « Stöckli ». Et pourtant, en nombre de voix, le 21 octobre, le parti de Blocher fait à peu près deux fois mieux que la démocratie chrétienne ! Etrange inversion des rapports de forces, non ?

     

    Face à un tel paradoxe, on peut avoir deux réactions. Soit on se dit que, décidément, le Conseil des Etats ne sert à rien (c’est à peu près ce que Charles de Gaulle pensait du Sénat) ; soit on se félicite que nos ancêtres de 1848 aient pu inventer un aussi génial système de rééquilibrage des forces. Une chose est sûre : si l’idéologie UDC progresse dans les consciences (voir l’étonnante votation cantonale thurgovienne de ce week-end sur les naturalisations, UDC pur sucre), le peuple n’est paradoxalement pas encore prêt à élire n’importe où des personnalités, fussent-elles célèbres, de ce parti. Dans les élections majoritaires, qui impliquent des personnages rassembleurs, l’UDC a encore beaucoup de peine.

     

    A l’inverse, les candidats rassurants à l’extrême, nuancés, courtois, sachant vivre, un rien ennuyeux, oui les gentlemen de club anglais, les Schwaller et les Burkhalter (Fribourg et Neuchâtel) y sont plébiscités. Comme s’il y avait une Chambre pour les rapports de force (le National), et l’autre, les Etats, pour l’accommodante rotondité du vivre ensemble. Pourquoi pas, au fond ? Le grand défi de l’UDC, pour les quatre ans qui viennent, sera de proposer au peuple, pour les Etats, des personnages capables d’inspirer cette confiance. Au risque de s’embourgeoiser, et donner libre cours au pire cauchemar des dirigeants de l’héroïque ascension de ces dernières années : devenir – horreur et calamité – un parti comme un autre.

     


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Et maintenant, Madame Maury Pasquier!

    Après Fabienne Bugnon, c’est maintenant Liliane Maury Pasquier qui décide de « débloguer ». Qu’on partage ou non ses options, voilà donc, une nouvelle fois, une femme de valeur, conseillère aux Etats brillamment élue, qui, lassée d’un flot de commentaires « isolés et désolants », préfère quitter le terrain.

     

    Comme je l’ai fait (sans succès, malheureusement) pour Fabienne Bugnon, je demande à Liliane Maury Pasquier de rester. Surtout ne pas partir. Surtout ne pas donner raison aux lâches, aux anonymes, aux pseudonymés masqués qui semblent n’avoir nulle autre occupation que d’insulter tout le monde. Nul texte original, jamais, nulle idée propre. Juste parasiter celles des autres. Reprendre une partie de leur texte – vieux réflexe de prof – le mettre en exergue, le démolir. Ce ne sont pas des blogueurs, mais des métablogueurs, des punaises ne vivant que du sang et de la sève des autres.

     

    J’ai, pour ma part, dès les premiers jours, posé trois conditions à la publication de commentaires sur mon blog :

     

    1) Aucune insulte.

     

    2) Rester dans le sujet traité par mon papier initial.

     

    3) Signer. Cela signifie un nom et un prénom.

     

    Un blog qui se saborde, a fortiori celui d’une éminente personnalité publique, c’est, à chaque fois, une micro-victoire pour le fatras et le fracas des crapoteux. Madame Maury Pasquier, je vous demande de rester.

     

     

     

     

  • Un enfant du paradis

     



    Édito Lausanne FM – Vendredi 23.11.07 – 07.50h


    Ils étaient six, hier soir, sur mon plateau. Six danseurs et danseuses. Tous avaient connu Béjart. La plupart avaient été choisis, un jour, par le maître, pour travailler avec lui. Le grand chorégraphe venait de nous quitter, quelques heures auparavant, certains venaient de l’apprendre, mais tous nous avaient fait l’amitié, tout de même, de venir sous les projecteurs, en parler.

    Émotion, bien sûr. Mais contenue. Pendant que les hommages des officiels grêlaient sur les téléscripteurs, il y avait là six artistes, six professionnels, pour tenter une évocation. Rien d’exhaustif, juste quelques touches, sur le vif. Il y avait François, Yukari, Giuseppe, Cécile, Jean-François et Loris.

    François Passard, d’abord, qui a connu Béjart en 1972, et qui travaille aujourd’hui au Grand Théâtre de Genève : « Il a donné un sens à ma vie ». Cécile Robin Prévallée, danseuse : elle avait été choisie, un jour, pour un spectacle. Elle évoque le feu de la première rencontre. Loris Bonani, danseur, ancien élève de l’école Rudra Béjart Lausanne : il nous explique comment un homme approchant les 80 ans peut encore, par la seule force de ses ondes, et sans plus pouvoir donner l’exact exemple physique, faire vibrer une chorégraphie. Le mystère de la transmission. L’initiation.

    Jean-François Kessler, ancien danseur à l’Opéra de Paris, maître de ballet au Grand Théâtre de Genève, évoque la qualité mystique de ce lien. Comment Béjart, sans jamais rien asséner, révèle à l’élève sa personnalité propre. Me revient soudain cette phrase de Jean-Louis Barrault, cette archive radio de 1967, que l’émission Forums venait de rediffuser : « Un sixième sens lui a été poussé ». Barrault, oui, le Baptiste des « Enfants du Paradis », qui venait de monter, avec Béjart, 40 ans à l’époque, une version de la « Tentation de Saint-Antoine », de Flaubert.

    L’homme au sixième sens était sans doute, lui aussi, un Enfant du Paradis. Cet homme, qui laisse en deuil la ville de Lausanne, mais aussi l’univers de la danse, avait eu des mots superbes sur le sentiment religieux. Converti à l’Islam, passionné de bouddhisme et de spiritualités orientales, il disait que toute les grands mouvements spirituels, en quelque point de rencontre cosmique, convergeaient.

    De superbes mots, enfin, par ces jeunes orphelins de l’Oiseau de feu, sur la revalorisation du danseur masculin par Béjart : « L’homme qui a révélé l’homme à la danse ». Des mots comme une reconnaissance, dans toute la puissance éclairante de ce terme. Je te connais, je te reconnais, j’entrevois la flamme que tu m’as transmise.

    Ce lien, magique, du disciple avec le maître. Ce lien d’un humain resté sur Terre avec un Enfant du Paradis.