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Un enfant du paradis

 



Édito Lausanne FM – Vendredi 23.11.07 – 07.50h


Ils étaient six, hier soir, sur mon plateau. Six danseurs et danseuses. Tous avaient connu Béjart. La plupart avaient été choisis, un jour, par le maître, pour travailler avec lui. Le grand chorégraphe venait de nous quitter, quelques heures auparavant, certains venaient de l’apprendre, mais tous nous avaient fait l’amitié, tout de même, de venir sous les projecteurs, en parler.

Émotion, bien sûr. Mais contenue. Pendant que les hommages des officiels grêlaient sur les téléscripteurs, il y avait là six artistes, six professionnels, pour tenter une évocation. Rien d’exhaustif, juste quelques touches, sur le vif. Il y avait François, Yukari, Giuseppe, Cécile, Jean-François et Loris.

François Passard, d’abord, qui a connu Béjart en 1972, et qui travaille aujourd’hui au Grand Théâtre de Genève : « Il a donné un sens à ma vie ». Cécile Robin Prévallée, danseuse : elle avait été choisie, un jour, pour un spectacle. Elle évoque le feu de la première rencontre. Loris Bonani, danseur, ancien élève de l’école Rudra Béjart Lausanne : il nous explique comment un homme approchant les 80 ans peut encore, par la seule force de ses ondes, et sans plus pouvoir donner l’exact exemple physique, faire vibrer une chorégraphie. Le mystère de la transmission. L’initiation.

Jean-François Kessler, ancien danseur à l’Opéra de Paris, maître de ballet au Grand Théâtre de Genève, évoque la qualité mystique de ce lien. Comment Béjart, sans jamais rien asséner, révèle à l’élève sa personnalité propre. Me revient soudain cette phrase de Jean-Louis Barrault, cette archive radio de 1967, que l’émission Forums venait de rediffuser : « Un sixième sens lui a été poussé ». Barrault, oui, le Baptiste des « Enfants du Paradis », qui venait de monter, avec Béjart, 40 ans à l’époque, une version de la « Tentation de Saint-Antoine », de Flaubert.

L’homme au sixième sens était sans doute, lui aussi, un Enfant du Paradis. Cet homme, qui laisse en deuil la ville de Lausanne, mais aussi l’univers de la danse, avait eu des mots superbes sur le sentiment religieux. Converti à l’Islam, passionné de bouddhisme et de spiritualités orientales, il disait que toute les grands mouvements spirituels, en quelque point de rencontre cosmique, convergeaient.

De superbes mots, enfin, par ces jeunes orphelins de l’Oiseau de feu, sur la revalorisation du danseur masculin par Béjart : « L’homme qui a révélé l’homme à la danse ». Des mots comme une reconnaissance, dans toute la puissance éclairante de ce terme. Je te connais, je te reconnais, j’entrevois la flamme que tu m’as transmise.

Ce lien, magique, du disciple avec le maître. Ce lien d’un humain resté sur Terre avec un Enfant du Paradis.

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