Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.11.24
Depuis la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), nous avons eu 35 ans de tyrannie des néo-libéraux en Europe. Les ultras. Ceux qui nous ont annoncé la « victoire définitive du capitalisme » (l’une des pires fadaises de la fin du vingtième siècle), la « fin du communisme », la fin prochaine des nations, des frontières, au profit de conglomérats continentaux, voire d’une « gouvernance mondiale ». Surtout, la fin de l’Etat, au profit du nouveau Veau d’or, le « marché », sanctifié. En clair, une apologie de la seule réussite individuelle, à la californienne, à la berlusconienne, la fin de tout projet collectif. La fin de tout ce que notre vieille Europe a construit, en vingt siècles, avec les grands Ordres chrétiens, puis la Réforme, puis la Révolution française, les Constitutions républicaines, la protection des ouvriers, des plus faibles, en un mot la civilisation, contre la jungle.
Je suis un homme de droite. Mais, de toute mon énergie, j’ai toujours violemment rejeté cette droite-là. En clair, je suis d’une droite non-libérale. Pour la nation. Pour les patriotes. Mais aussi, pour la cohésion sociale, la répartition des richesses à l’intérieur de la communauté nationale, la protection des faibles. Je n’ai, de toute ma vie, jamais établi la moindre différence entre les humains en fonction de leur richesse, de leur pouvoir (quelle horreur, le pouvoir !), de leur statut social. Je m’adresse à tous de la même manière. En économie, je place au premier rang ceux qui produisent, donc les paysans, les ouvriers, les artisans. Et ma reconnaissance s’adresse en priorité à ceux qui exercent les fonctions les plus modestes. Je ne supporte pas l’arrogance des possédants, ni celle des puissants. Ai-je été assez clair ?
Il est temps, en Suisse comme ailleurs, d’affirmer, haut et fort, l’existence d’une droite non-libérale. Attachée à notre magnifique patrie suisse, à son fédéralisme, à sa démocratie directe, aux droits du peuple, à nos langues, nos textes, nos rebelles, notre nature, nos paysages. Tout cela définit un horizon commun, là où le néo-libéralisme, chantre apoplectique de la réussite individuelle, n’entrevoit que l’enrichissement personnel par écrasement d’autrui. Non, non, et non ! La droite suisse, tout en défendant l’indépendance et la souveraineté, doit absolument maintenir l’idée d’un projet collectif pour le pays. En aucun cas, la gauche ne doit avoir ce monopole. Car le combat politique est choc de visions, cliquetis étincelant d’idées antagonistes, c’est cela la démocratie, et surtout pas le calme plat. Un pays sain est un pays où on s’engueule, à l’interne, pas celui où on roupille !
Pensez à Franz Weber, pour moi l’un des plus grands Suisses de l’après-guerre. Pensez à cet homme, ses saintes colères, sauver Lavaux, sauver Delphes, sauver la part en nous de beauté, de sacré, d’oraculaire. Il était, lui aussi, une Pythie. L’étrange prêtresse de Delphes qui secouait les consciences. Nous avons besoin, en Suisse, de ces voix-là, rebelles et sacrées.
Pascal Décaillet