Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.05.23
A Genève, la droite est maintenant aux manettes, pour cinq ans. Sa nette victoire du 2 avril au Parlement a été complétée par une majorité reconquise, ce dimanche 30 avril, au Conseil d’Etat. Trois magistrats de l’Alliance de droite. Trois de gauche. Et, quelque part au milieu de ce beau monde, un Pierre Maudet qui se voit déjà en faiseur de majorités. Mais qui est tout de même, jusqu’à nouvel ordre, sur la plupart des sujets qui comptent (fiscalité, formation, économie), un homme issu de la pensée de droite. Radicale, républicaine, attachée à l’Etat, fort bien. Mais enfin, la droite. Moins nettement que le Grand Conseil, le gouvernement a tout de même basculé. La gauche est la perdante de ces élections.
Ne revenons pas sur les aspects tactiques de l’élection du 30 avril. Tout au plus, relevons que « l’Alliance » bricolée au dernier moment par des partis de droite si différents les uns des autres, ce bric et ce broc n’ont servi qu’à pérenniser (mais jusqu’aux artifices de quelle éternité ?) la survie de la démocratie chrétienne, ci-devant dénommée « Centre », à l’exécutif, alors que ce parti n’avait que timidement tutoyé le quorum à l’élection parlementaire. Elle a servi à cela, et s’est opérée au détriment total des deux partis souverainistes et populaires, l’UDC et le MCG. Alors qu’eux, au contraire du Marais opportuniste, ont nettement progressé le 2 avril. Il y a, dans ce système « d’alliances », quelque chose d’écœurant, avec toujours les mêmes dindons de la farce. Ce système, concocté dans les cuisines des états-majors, est le poison de notre démocratie. Un jour ou l’autre, il faudra en changer.
Sa victoire des 2 et 30 avril, la droite doit en faire quelque chose de fort. D’abord, dans les politiques publiques : mobilité, finances, fiscalité, formation, pouvoir d’achat, classes moyennes. Mais surtout, elle doit reconquérir la langue. En commençant, par exemple, par s’affranchir du sabir des Verts. Pendant cinq ans, on a entendu un ministre PDC de la Mobilité parler le langage de ses adversaires. On a entendu des gens de droite reprendre, en dociles enfants de chœur, la Sainte Liturgie des mots à la mode : « urgence climatique », « transition », « apaiser le centre-ville » (on se croirait sous Lyautey, au Maroc !). Méprisable droite molle, même plus capable d’avoir ses mots à elle. Perte de toute fierté, toute identité de droite, dans la profondeur et la richesse des ses propres racines philosophiques. Reprendre les mots de l’ennemi, c’est la soumission, à l’état pur.
Alors oui, nous voulons une droite cultivée sur ses propres valeurs, consciente de sa richesse historique et intellectuelle, fière d’elle-même, et non en génuflexion timorée devant les zombies et les prophètes d’Apocalypse. La bataille des mots, en politique, est essentielle. La droite doit retrouver le vocabulaire qui fait son identité, sa fierté. Elle doit non seulement faire à Genève sa politique à elle, et non celle de la gauche. Mais elle doit repartir à la conquête de la langue. C’est un enjeu majeur, parce qu’il touche à l’essentiel : le souffle de l’esprit.
Pascal Décaillet