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Le seul, le vrai pouvoir, est là

 
Sur le vif - Mardi 02.05.23 - 08.39h
 
 
Je suis profondément républicain. Je l'étais déjà en Mai 68, j'allais sur mes dix ans, je détestais la rue, je soutenais de Gaulle. Et toute ma vie, j'ai rejeté l'anarchie, y compris venant de gens particulièrement séduisants à mes yeux, poètes notamment.
 
Bref, très tôt dans ma vie, j'ai été très mûr. Politiquement, je n'ai pas eu d'enfance. J'allais à la Bibliothèque municipale, le jeudi ou le samedi, avec un ami, nous avions onze ou douze ans, il lisait "Contes et Légendes" de tel pays, moi je lisais le Monde, la NZZ, le Journal de Genève. Il me fallait du réel. Je voulais tout savoir de l'Histoire allemande, l'Histoire de France, l'Histoire suisse.
 
Cette maturité, pour dire qu'on ne me soupçonnera pas d'être un rêveur de la dissolution du pouvoir, ce qu'était le grand Léo Ferré, que j'ai eu l'honneur de voir six fois sur scène.
 
Et pourtant, cher amis. Plus je vieillis, plus je déteste le pouvoir. Tout pouvoir, d'où qu'il vienne. Le pouvoir exécutif, en politique, derrière lequel je lis, en absolue transparence, la comédie des ambitions personnelles. Mais tous les autres pouvoirs aussi, patriarcat, mandarinat, et tant d'autres.
 
Je ne déteste pas les gens qui exercent le pouvoir. Non, je déteste le pouvoir qui s'instille en eux, ce venin qui de l'intérieur les corrompt, les salit. Il les isole. Il les rend aveugles et sourds. Il les noircit de sa malédiction primale. C'est valable pour nous tous, je ne m'exclus en aucun cas du portrait.
 
Alors voilà, avec les années, l'homme vieillissant devient moins mûr que l'enfant de dix ans qu'il était. Moins vieux. Tellement plus ouvert à la beauté du monde.
 
Et puis, quoi ? Il me suffit d'écouter onze secondes Martha Argerich, dans n'importe quelle oeuvre, pour me dire : "Le vrai, le seul pouvoir est là". Dans le miracle de cette partition. Dans l'absolu génie de l'interprétation. Dans ce salut à la mort, comme d'autres saluent le soleil, dans l'aube d'un été.
 
 
Pascal Décaillet

Commentaires

  • "La beauté du monde", je l'ai vue tout récemment dans la rétrospective du peintre belge Léon Spilliaert organisée par la fondation de l'Hermitage à Lausanne. Là, dans ce cadre superbe et devant l'oeuvre singulière, forte et mélancolique de cet artiste méconnu mais essentiel car précurseur, j'ai repensé aux trois exigences que j'associe à l'Art : l'incarnation, la transcendance et la verticalité. Elles sont au rendez-vous de Léon Spilliaert pour laver son âme des scories postmodernes. (L'exposition est visible jusqu'au 29 mai.)

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