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  • Une piste Décaillet, précise et concrète, pour des économies au DIP

     
    Sur le vif - Mercredi 31.08.22 - 16.30h
     
     
    A quoi ça rime, dans la Genève de 2022, de demander encore soixante millions de francs pour construire de coûteuses annexes à des bâtiments scolaires ? A quoi ça rime ?
     
    Je me souviens des années soixante, j'étais enfant, les écoles poussaient comme des champignons, mais c'était normal : tout poussait ! C'étaient les années Chavanne, le baby-boom, les Glorieuses, les vagues migratoires, il fallait construire. Je me souviens que mes parents n'étaient pas d'accord : mon père, ingénieur en génie civil, entrepreneur, se réjouissait de cette croissance ; ma mère, profondément conservatrice, y voyait un emballement fatal. Leur dialectique, profondément, est restée enracinée en moi : j'oscille entre les deux visions, il faut la croissance, mais il faut la maîtrise.
     
    Mais construire des bâtiments scolaires, en 2022, 2023 ! A quoi ça rime ? Nous avons, à Genève, des tonnes de bureaux vides. Des locaux commerciaux, vides. Des anciens ateliers, vides. Beaucoup d'entre eux sont en parfait état d'hygiène et de propreté.
     
    La démographie scolaire se remet à galoper ? Eh bien, que le DIP se fasse locataire de ces espaces vacants, plutôt que réclamer soixante millions pour construire !
     
    L'essentiel, c'est l'école. Nous croyons en l'école. Je crois, de toutes mes forces, en l'école. Mais l'école, à la base, ça n'est pas un bâtiment. C'est un principe de transmission, d'un humain à l'autre. Cela peut se faire n'importe où, pas besoin que l'Etat soit propriétaire des lieux. A l'Uni déjà, il y a 45 ans, nous avions des séminaires de littérature allemande moderne disséminés un peu partout, et la transmission se passait parfaitement. Nous regardions les textes, par les plafonds. Nous écoutions la musique des mots.
     
    Je demande à la classe politique d'activer l'idée que je lance ici : amener le DIP à louer des locaux vides, plutôt que repartir dans des constructions somptuaires.
     
    L'école, à la base, ça n'est pas un bâtiment. De même que l’Église, à la base, oui l'ecclesia des tout premiers chrétiens, ça n'était pas une bâtisse. C'était juste l'Assemblée des fidèles. Le mot grec était le même que celui qui, cinq siècles avant le Christ, désignait à Athènes l'Assemblée des citoyens, j'ai presque envie de dire la Landsgemeinde.
     
    L’Église, l'école : une assemblée d'humains. Où doit souffler l'esprit. Pas la structure.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Rerum Novarum

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 31.08.22

     

    Homme de droite, profondément marqué par la philosophie de cette pensée politique, je ne suis pour autant pas d’une droite libérale. En tout cas pas, au sens où, depuis la chute du Mur de Berlin (1989) et la remise en cause mondiale de l’Etat, l’entendent les ultras, les dérégulateurs, les boursicoteurs, les surexcités du profit à court terme. Le radicalisme suisse, celui de 1848, des Grandes Ecoles, des institutions, des chantiers gigantesques qui ont percé les Alpes, de l’industrie, de l’artisanat, des PME, m’inspire davantage, je ne l’ai jamais caché.

    Dans ces conditions, je m’étais opposé, il y a 25 ans, à la privatisation du marché de l’électricité, mascotte des ultra-libéraux de l’époque, des ennemis de l’Etat, bref de tous ceux qui cherchaient le profit à court terme, souvent au détriment de l’intérêt général. Sans être socialiste (le Ciel m’en préserve !), il m’apparaissait que des valeurs comme l’eau, l’énergie, parmi d’autres, devaient être reconnues dans l’universalité de leur utilité à l’humain. Donc, extraites de lois du marché. Je pense la même chose de l’agriculture.

    Les jouisseurs du profit sans entraves m’avaient traité de ringard, tout juste bon à lire et relire l’Encyclique Rerum Novarum, du Pape Léon XIII, qui, en pleine Révolution industrielle (1891), défendait en effet la valeur humaine contre l’oppression de la machine et du gain financier. Un quart de siècle plus tard, alors que les thèmes « eau » et « énergie » reviennent comme des comètes au premier plan, avais-je vraiment tort ? Chacun de vous en jugera.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La population ? Non : le peuple !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 31.08.22

     

    Lisons Zola, ou Jules Vallès. Lisons Jaurès. C’était le temps où la gauche s’occupait du peuple. C’était la Révolution industrielle, ses côtés les plus noirs, la machine qui broyait l’homme. Des enfants dans les mines. Des faubourgs de misère. Alors oui, il y avait la gauche, le socialisme principalement, mais aussi le communisme, celui d’avant la Révolution russe de 1917. Il y avait des gueules noires qui hurlaient leurs colères. Des syndicalistes, des vrais, qui organisaient la solidarité pour survivre. Des répressions policières, militaires parfois, d’une cruauté inimaginable. On tirait dans la foule. Il y avait des morts. C’était il y a un peu plus de cent ans.

     

    En Suisse, en France, dans nos pays d’Europe, la gauche, qu’est-elle devenue ? La réponse est terrible : on dirait que le peuple ne l’intéresse plus. Au point qu’elle n’utilise plus ce magnifique mot, « le peuple », elle le laisse à ceux qu’elle qualifie avec mépris de « populistes ». En lieu et place, elle dit « la population ». C’est un gravissime délit de langage, qui invite la triste, l’insipide démographie de constat, évacue la citoyenneté (le « démos » des Grecs), prend congé de toute la part d’émotion, certes manipulable, que contient ce mot, « peuple », quand il a le souffle de l’Histoire, celui des grandes conquêtes sociales, souvent dues justement à la gauche, celle d’il y a un siècle.

     

    La gauche suisse nous dit : « L’UDC nous a piqué le mot peuple, alors, laissons-le lui, traitons-les de populistes, drapons-nous de morale ». Elle a tort, à un point que nul ne peut imaginer : l’UDC a bien raison de se réclamer du peuple suisse, c’est d’ailleurs dans son nom en allemand, « SVP », mais la gauche, elle, se fourvoie en lui laissant ce mot, cet emblème, ce fleuron. Et en lui substituant le pitoyable vocable démographique de « population », qui évoque à la fois les statistiques sur la tuberculose à l’époque de Thomas Mann, les commissions d’experts sur le Covid, les recherches sur les taux d’allergies, pour thèses en médecine. Toutes choses prodigieusement enthousiasmantes, comme on sait. La gauche évacue le mot « peuple », elle abandonne le terrain. Tant pis pour elle.

     

    Bien sûr, le mot « peuple » est ambigu, j’ai publié une analyse détaillée, il y a vingt ans, sur ce thème, dans la Revue Choisir. Pour les uns, il évoque la masse générale des gens. Pour d’autres, dont votre serviteur, attachés au démos, il décrit l’énergie et l’implication citoyennes. En Suisse, ce peuple-là, sous cette acception, est une institution. Au même titre qu’un parlement, un gouvernement, un corps judiciaire. Mieux : en bout de chaîne, c’est lui qui décide. Il n’est pas la base, il est le souverain. Et cette prodigieuse conception, d’une incroyable modernité, qui remet à leur place les corps intermédiaires, les profs de droit, les moralistes, les apôtres du Bien, cette verticalité inversée, digne des rêves les plus fous des Jacobins et des Montagnards, la gauche d’aujourd’hui n’est même plus capable de reconnaître sa vertu. Elle laisse à l’UDC le monopole de cette lucidité citoyenne. La gauche a tort, immensément. Elle le paiera cher. Tant pis pour elle.

     

    Pascal Décaillet