Sur le vif - Jeudi 12.05.22 - 13.17h
Et voilà que les gentils Allemands forment les gentils Ukrainiens sur les gentils Panzers qu'ils viennent de leur livrer. Dans la redoutable Ecole d'Artillerie de Idar-Oberstein, en Rhénanie-Palatinat.
C'est ce genre de nouvelles qu'il faut prendre en considération, avec les lunettes de l'Histoire, la connaissance de l'évolution du réarmement allemand depuis trente ans, l'équation Allemagne-Ukraine entre 41 et 44.
Seulement voilà. Aujourd'hui, même les décrypteurs des conflits, dans les médias, se contentent de prendre acte de ce qu'ils ont à voir, juste au bout de leur nez. Dans leur jugement, nulle diachronie. Nul recours au temps long. Nul enchaînement de causes et d'effets. On se contente de prendre acte de la toute dernière agression (bien réelle, nous n'en disconvenons aucunement) en date. Un agresseur, un agressé. Le Bien, le Mal. Et vogue la galère !
Il se peut que nous n'ayez pas envie de vous pencher sur le front ukrainien, dans les années 41-44. Vous avez tort, mais libre à vous. Mais alors, s'il vous plaît, sur la méthode, la nécessité d'établir les chaînes de causes réelles, lisez absolument la Guerre du Péloponnèse. L'auteur n'est ni russe, ni ukrainien, mais grec. Il a torché ce bouquin il y a 25 siècles. Il s'appelle Thucydide.
Si vous ne lisez pas le grec, je vous recommande la traduction de Denis Roussel, précédée de la lumineuse introduction de Jacqueline de Romilly, dans la Pléiade. C'est un livre austère, difficile à lire et même passablement rasoir. Mais la méthode vous saisira, vous emportera par son éblouissante modernité : exposer les motifs apparents, donnés par les puissants, et démonter le mécanisme en allant chercher les causes réelles. Économiques, le plus souvent. Il y a 25 siècles !
Un autre, avec génie aussi, avait appliqué la méthode, 23 siècles plus tard, dans son analyse de l'Histoire et des mouvements sociaux. C'était un Rhénan, né à Trèves en 1818. Il s'appelait Karl Marx.
Pascal Décaillet