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  • Le cadavre brandi, comme dans le Cid

     

    Sur le vif - Lundi 29.07.19 - 14.41h

     

    Pour la France, il ne saurait exister de "guerre de 39-45". C'est une fiction, une reconstruction.

    La France, avec l'Angleterre, a déclaré la guerre à l'Allemagne le 2 septembre 1939, suite à l'invasion de la Pologne. En vertu du vieux Traité d'alliance franco-polonais. "Mourir pour Dantzig", vous connaissez la chanson.

    Du 2 septembre 1939 au 9 mai 1940, ce furent plus de huit mois de "Drôle de Guerre". La France et l'Allemagne, officiellement en guerre, mais (hormis l'affaire de Narvik), pas de réels combats. Autour de la Ligne Maginot, on se scrute, on s'observe, des patrouilles nocturnes échangent des coups de feu, c'est tout.

    Le 10 mai 1940, c'est la Blitzkrieg. L'une des plus foudroyantes manœuvres offensives de tous les temps. Pays-Bas, Belgique, puis passage de la Meuse, puis mouvement sur l'Ouest, direction Dunkerque : l'armée française, contrairement à une légende tenace, s'est plutôt bien battue, elle a fait ce qu'elle a pu. Mais elle avait face à elle le génie de la guerre de mouvement.

    Le 22 juin 1940, c'est l'Armistice. Demandé par la France. La scène, très pénible, du wagon de Rethondes, en Forêt de Compiègne. Le même qu'en 1918 !

    Il faut bien comprendre une chose : contrairement à la grande légende gaullienne (que, dès le début de l'adolescence, j'ai longtemps tenue pour mienne), affirmant que "par la France libre, la France combattante n'a jamais cessé d'exister", l'Armistice du 22 juin 1940 met bel et bien fin à la guerre franco-allemande. C'est la fin d'une guerre, la troisième en 70 ans : les Allemands avaient gagné la première partie (1870), les Français avaient gagné la revanche (1918), les Allemands gagnaient la belle.

    Il n'existe pas, pour la France, de "guerre de 39-45". Il existe une guerre de 39-40, qui s'est soldée par un Armistice en bonne et due forme, sollicité par le perdant, qui d'ailleurs a réussi à sauvegarder sa Marine (c'est Churchill qui la détruira à Mers el-Kébir, le 3 juillet 1940 !), et à préserver (jusqu'en novembre 42) une Zone libre, au Sud de la Loire : ça n'était pas gagné d'avance, les Allemands auraient parfaitement pu pousser jusqu'à la Méditerranée.

    Cet Armistice a été dûment signé par les deux parties. Il n'est pas tellement plus dur, pour la France totalement vaincue, que le Traité de Versailles ne n'avait été, en 1919, pour une Allemagne nullement touchée sur son territoire.

    Bref, la légalité, c'était l'Armistice.

    Il est fort facile, a posteriori, de considérer que tout le monde aurait dû voir les choses comme de Gaulle, avec sa "guerre qui continue", fin juin 1940. Mais qui était-il, ce Général de Brigade à titre temporaire, à ce moment-là ? Un parfait inconnu du grand public ! L'homme à qui les Français ont fait confiance, l'homme qu'ils ont longtemps adulé, ça n'était pas le jeune Général, mais le vieux Maréchal. Il a fallu attendre l'été 44 pour que l'opinion publique se retourne vraiment.

    Il y a donc une guerre de 39-40, troisième du genre en 70 ans, perdue par la France. Une défaite immense ! "L’Étrange Défaite", dont parle le génial historien Marc Bloch. Puis, à partir de la Libération (fin août 44), jusqu'à la Capitulation du Reich (8 mai 1945), la France officielle est à nouveau en guerre contre l'Allemagne. Et elle sera (de façon fort supplétive) dans le rang des vainqueurs. Mais en aucun cas cette présence "du bon côté", en mai 45, ne peut, ni ne doit historiquement effacer l'événement principal : l'ampleur inimaginable, morale avant même que d'être militaire, de la défaite de juin 1940.

    La France, notre grand voisin et ami, dont l'Histoire m'est si chère, s'est-elle jamais remise de "l’Étrange Défaite" de 1940 ? Pour ma part, je pense que non. Tout au plus le génie du verbe et de la Geste gaullienne a-t-il réussi à brandir son cadavre, comme dans la légende du Cid. Mais en juin 1940, quelque chose, pour toujours, s'est évanoui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Béglé multiplié par 246

     

    Sur le vif - Lundi 29.07.19 - 10.55h

     

    Si chaque élu aux Chambres fédérales avait le dixième de l'énergie de Claude Béglé, le dixième de sa curiosité, de son réseau, de ses antennes, de son ouverture au monde, de sa capacité à dialoguer, de ses connaissances linguistiques, de sa puissance de travail, oui, si notre Parlement, c'était Béglé multiplié par 246, notre pays ne se porterait pas trop mal.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Plus européen que la Suisse, tu meurs !

     

    Sur le vif - Samedi 27.07.19 - 17.34h

     

    Minoritaire, la Suisse ? Vous plaisantez ! De la Baltique au Sud de la Sicile, deux des langues parlées en Suisse, l'allemand et l'italien, sont parlées. Deux de nos langues nationales, pour longer l'éperon central du continent européen !

    Des rivages les plus occidentaux de la Bretagne, avancés dans l'Atlantique, jusqu'aux bords de l'Oder, à la frontière entre Prusse et Pologne, deux de nos langues nationales : le français et l'allemand.

    Au coeur du continent, à la croisée de ses langues, de ses religions, de ses philosophies, la Suisse.

    Il n'y a pas de pays plus européen que la Suisse. Toutes les grandes secousses historiques du continent, toutes ses grandes structurations, furent aussi les nôtres : la romanisation, la christianisation, la féodalité, l'imprimerie, l'humanisme, la Réforme, la Contre-Réforme, les Traités de Westphalie (1648), les Lumières, la Révolution française, l'épopée napoléonienne, la Restauration, le Printemps des Peuples en 1848, le Kulturkampf, la Révolution industrielle.

    Certes, au vingtième siècle, la Suisse n'a pas eu à s'impliquer dans les deux conflits mondiaux. Ce qui a pu donner l'impression d'une insularité heureuse. Mais c'est une illusion : si la Suisse doit impérativement demeurer souveraine et indépendante, cela ne signifie nullement qu'elle puisse agir comme si elle n'était pas intrinsèquement européenne. Peut-être l'un des pays les plus européens !

    La Suisse peut parfaitement demeurer hors de l'Union européenne, négocier âprement le statut de ses relations avec Bruxelles, défendre ses intérêts supérieurs. Elle le peut, et selon moi, elle le doit. Mais en aucun cas elle ne peut nier la profondeur historique, philosophique, de son enracinement dans l'identité européenne.

    Observons l'Europe. Voyageons-y. Visitons-la. Apprenons ses langues, tiens mon prochain grand chantier sera le grec moderne. Pénétrons-nous de sa culture. Prouvons à nos frères et soeurs du continent qu'on peut se sentir immensément européen, jusqu'au bout des ongles, jusqu'aux tréfonds de l'âme, sans être partie prenante de cette structure provisoire, évolutive, soumise à tant d'imprévisibles mutations, qu'on appelle, administrativement, l'Union européenne.

    Ne méprisons pas ceux qui en font partie, ils résultent d'autres Histoires, l'universel n'existe pas, tout surgit des particularismes locaux.

    Ne les méprisons pas. Mais à l'inverse, ne les sublimons pas de cette appartenance. Que chacun vive sa vie. Que chacun aille son chemin. Le nôtre n'est ni meilleur ni pire qu'un autre. Mais il est le nôtre, et nous l'aimons.

     

    Pascal Décaillet