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  • Les joujoux, les poux

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    Commentaire publié dans GHI - 30.05.18

     

    En politique, tout a un sens, à commencer par les mots. Ainsi, le nom des Départements : celui de l’Instruction publique devient « Formation et Jeunesse ». Il garde sa titulaire, Anne Emery-Torracinta, mais change bizarrement de nom, tout en perdant la culture et le sport.

     

    Ce nouveau nom est malvenu. Non que « Formation et Jeunesse » ne constituent pas un beau duo, ni une belle ambition, où l’étude se mêle à l’apprentissage. Mais franchement, les puissants penseurs qui ont cru bon de renoncer à une charge historique, intellectuelle et affective aussi lourde que les mots « Instruction publique », ont fait preuve de légèreté.

     

    Pourquoi ? Mais parce que les mots ont un sens, justement ! Ces deux-là nous rappellent les figures de Jules Ferry, le père de l’école gratuite et obligatoire en France, et d’André Chavanne, 24 ans conseiller d’Etat à Genève (1961-1985), l’homme de la démocratisation des études. Deux références, dont l’une qui fleure les pupitres à encrier (que votre serviteur connut encore, à ses débuts), la craie sur les tableaux noirs, les fleuves avec leurs affluents, les dates des Traités, la jouissance de la grammaire, complexe, truffée d’exceptions, avec ses joujoux et ses poux.

     

    Nous flottons, me sifflerez-vous, dans l’ordre du symbole. Oui. Eh bien, soyons symboliques ! Reconnaissons aux mots le poids qui est le leur. Entrons dans l’avenir, bien sûr, mais avec le fumet et l’encens d’un passé sans lequel nous ne serions rien. Désolé, mais « Instruction publique », c’était mieux.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Thierry Apothéloz : l'espoir d'un nouveau Contrat social

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.05.18

     

    De Vernier au centre-ville de Genève, il se déplace à vélo. Thierry Apothéloz, l’éternel cycliste, n’a pas l’intention, m’a-t-il confié tout récemment dans les coulisses de Genève à Chaud, de changer de mode de locomotion à partir du 1er juin 2018, sous le futile prétexte qu’il devient conseiller d’Etat. Du côté du Bourg-de-Four et de la Grand-Rue, les Genevois s’habitueront donc à voir déambuler cet émule de Charles-Albert Cingria, l’un de nos plus grands écrivains, indissociable, lui aussi, de sa petite reine. C’est vrai qu’on imaginait difficilement le militant verniolan sortir d’une limousine noire, avec le chauffeur qui touche sa casquette en guise de salut, en lui tenant la porte.

     

    Thierry Apothéloz est un homme du peuple. Il a fait toutes ses campagnes sur ce thème, se revendique comme un petit gars des Avanchets ou du Lignon, n’essaye pas de fleurir son curriculum, il est comme il est. Puisse-t-il le demeurer ! Ça n’est pas gagné, parce que le pouvoir vous envoûte et vous embaume, il vous parfume de mille roses, vous fait croire à l’éternité. Résister à ces sirènes est très difficile. Nul d’entre nous ne peut jurer de ce qu’il pourrait devenir, le jour où le cercle des courtisans lui brandirait l’éclat de la majesté. Et pour Thierry Apothéloz, cela va être capital de demeurer en sa simplicité, car c’est la marque de fabrique que les Genevois, ceux qui l’ont élu, apprécient en lui.

     

    Chargé d’une partie du social (étrangement dépecé entre Mauro Poggia et lui), mais aussi de la culture et du sport, le nouveau conseiller d’Etat hérite de ce qu’il voulait. Il retrouve, au niveau cantonal, le dicastère qu’il a si longtemps mené à l’échelon de la deuxième ville du canton, Vernier, 35'000 habitants. C’est dire qu’il connaît la musique. Puisse-t-il, magistrat cantonal, se souvenir de ses quinze ans à l’exécutif verniolan, mais aussi de ses années à la tête des Communes genevoises. Puisse-t-il défendre la Commune, son autorité, sa petite magie de proximité, face aux appétits de jacobinisme cantonal, particulièrement flagrants dans la législature sortante.

     

    Puisse-t-il, surtout, trouver des majorités pour faire avancer Genève vers un nouveau Contrat social. Ce lieu du bout du lac, qui vit naître Jean-Jacques Rousseau, que serait-il sans le souci permanent d’inclure chacun de ses habitants dans l’aventure collective ? Puisse Thierry Apothéloz sortir l’aide sociale de son image de Mont-de-Piété, et l’affirmer comme un service de l’Etat, exigeant et moderne, ouvert, confiant dans la capacité des hommes et des femmes à relancer leur destin. C’est cela, l’enjeu majeur, au-delà des chiffres et des structures. Pour cela, il faut de l’invention, de l’imagination, et avant tout une sacrée dose d’humanisme. Ces qualités, j’ai cru depuis longtemps les percevoir chez Thierry Apothéloz. Il doit réussir, parce que la cohésion sociale est une condition sine qua non à l’épanouissement du canton tout entier. Non un luxe, mais une nécessité vitale, tout simplement.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Palestine, ça existe !

     

    Sur le vif - Mercredi 30.05.18 - 09.11h

     

    Ignazio Cassis se rend-il compte que ses déclarations, maintenues ce matin à la RSR, sur le Proche-Orient font de lui, en termes d'image en tout cas, l'allié objectif du colonialisme israélien dans les Territoires ?

     

    Maladresse, méconnaissance de l'Orient compliqué, ou (pire) prise de parti consciente pour l'un des camps ? Pour m'être rendu plusieurs fois sur place, je puis attester que la réputation de la Suisse, là-bas, est excellente auprès de toutes les parties en conflit, pour peu justement que notre pays ne favorise aucune d'entre elles. Et accorde à chacun le même degré de reconnaissance.

     

    Surtout, cela n'intervient pas à n'importe quel moment. Il existe un plan, entre les Etats-Unis et Israël, pour jeter au panier la question palestinienne. Et, dans la foulée, faire la guerre à l'Iran. Donald Trump, sur cette question, laisse les milieux évangéliques américains, alliés avec les traditionnels soutiens d'Israël aux Etats-Unis, exercer sur lui une profonde influence. Soucieux de sa réélection en 2020 ?

     

    En attendant, la Suisse doit impérativement demeurer dans sa position de respect et d'amitié envers tous les antagonistes du conflit israélo-palestinien. Il existe des liens avec Israël. Il en existe aussi avec la Palestine, et les multiples composantes de ses aspirations à l'affranchissement. On sait à quel point, depuis 1948, Israël s'ingénie à monter les unes contre les autres. Par exemple, le Hamas contre les vieilles institutions du Fatah. Les ferments internes de dispersion ont toujours été les pires ennemis de la cause palestinienne.

     

    Dans ces circonstances, les propos de M. Cassis sur les réfugiés palestiniens constituent une grave erreur politique. Au moment où la plus grande puissance de la planète œuvre, avec Israël, à une évacuation historique de ce dossier, les Palestiniens, plus affaiblis que jamais, aux confins du désespoir, ont besoin d'entendre de notre pays des mots de reconnaissance et d'amitié. Et non des mots qui vont dans le sens des puissants, des colons et des dominateurs.

     

    Pascal Décaillet