Samedi 29.11.14 - 17.17h
L’homme seul me fascine, entendez l’humain dans sa dimension de solitude. Cette dernière, ne pas la confondre avec isolement : elle doit pour moi relever d’un choix, ou tout au moins d’une inclination profonde de l’âme. Être seul, ça n’est en rien rejeter l’autre, bien au contraire. C’est poser, pour un moment, la verticalité de son existence sur la terre. Au rendez-vous, il y a aura, au sens de la physique, la pesanteur, que serions-nous sans elle ? Mais il y aura une fierté d’être. Une clarté. L’homme qui prie est seul. L’homme qui meurt est seul.
L’homme seul est justement dans la totalité du monde, là où le grégaire n’en vit que le fragment. L’opposition n’est pas entre solitude et universel, mais entre l’universelle solitude et le compagnonnage corporatiste. J’affirme ici aimer les gens, mais à l’absolue condition de les rencontrer isolément, laissant au temps la mission de ciseler chaque contour, chaque destin humain. Ce que je rejette absolument, ça n’est pas le monde, mais le mondain. Perte de temps, de substance, fausses chaleurs. « Et vous, comment allez-vous, laissez-moi votre carte, déjeunons un de ces jours » : cela, je ne l’ai jamais pu, ne le pourrai jamais. Mais rencontrer dans les yeux, dans l’authenticité d’une souffrance, la sincérité d’une nostalgie, un humain, là je dis oui.
Je me demande souvent si la solitude n’est pas l’ombilic du monde, la note blanche, ou ronde, qui en musique marque la pause. Plus l’univers, autour de soi, est dense, urbain, jaillissant de mille clameurs, plus la nécessité du vide et du silence s’impose. Affirmer sa solitude, ça n’est en rien renier ce monde. Juste s’en extraire – un temps – pour mieux le vivre, mieux vibrer, mieux en percevoir la brûlante présence. En cela, la contemplation de l’apparente immobilité botanique, au-delà du sublime, m’apparaît comme la naissance de l’éloquence, justement dans le cœur retrouvé du silence.
Pascal Décaillet