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Il est minuit, docteur Coué !

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 29.06.11

 

Ils nous disent que l'UDC est l'opposition, la seule vraie du pays. Et qu'avec ses 30%, elle n'est finalement pas si dangereuse : heureuse contrée, où l'opposition, normalement à 49%, se limiterait à moins d'un tiers ! Et qu'au fond, les 70% d'autres, ceux qui charrient des « valeurs communes », doivent demeurer, ensemble, sous les lambris du pouvoir. Cette théorie, tellement rassurante qu'elle pourrait être du docteur Coué, circule, jusqu'au plus haut niveau, parmi les têtes les mieux pensantes (laissons les autres) du PLR. Ce raisonnement, qui fait des socialistes et des Verts des alliés, et de l'UDC des ennemis, ne tient tout simplement pas la route. Il relève du sophisme. Il passe par pertes et profits la barrière gauche-droite. Il émane, surtout, de personnalités politiques qui n'avaient pas tant d'états d'âme face à la gauche, dans les années 70 ou 80, lorsqu'elles incarnaient, avant le phénomène Blocher, la droite suisse.

 

Rappelez-vous les radicaux des années 80. Omnipotents. Colonels. Banquiers. Administrateurs. Nuques raides. Militaristes en diable. Nucléaires. Machos. « Insubmersibles », qu'ils disaient. La vraie droite, c'était eux, têtes de béton de l'armée, copains de l'Afrique du Sud, épouvantails de la gauche. Peu ou prou, ce que l'UDC est devenue aujourd'hui : la droite à abattre. Ces héroïques officiers de la petite guerre, sans pareil pour le lustre du ceinturon et la réflexion de la guêtre, incarnaient la Suisse de « l'ail et du mauvais alcool », où l'employé d'arsenal était roi, poète et prophète : l'homme d'armes y apparaissait comme le laquais du financier. Suisse traditionnelle, juste la tristesse d'une caste, même pas la joie de vivre des UDC d'aujourd'hui, leur plèbe, leurs chants du terroir, leur jouissance tellurique, leur sentiment d'appartenance, « Gemeinschaft ». Oui, avec le phénomène Blocher, la Suisse des traditions a retrouvé comme une fierté d'être, une couleur, un bonheur populaire, qu'on ne percevait guère dans les heures très grisâtres des colonels.

 

Ils sont tristes pourquoi, aujourd'hui, les héritiers des colonels ? En vérité pour une seule raison: ils ne font, tout simplement, plus le poids. La Suisse, ils ne la dominent plus. Sur leur droite, ils se sont fait doubler, comme des puceaux. Alors, pour rester dans les majorités de pouvoir, ils s'inventent avec la gauche des « valeurs communes ». Dont serait exclue, ostracisée, l'UDC, tas de sauvages, « moins démocrates que nous », abuseurs de démocratie directe, verticaux de la prairie, capables de tenir séance debout, en plein hiver, dans l'improbable obscurité d'une clairière. Alors, les héritiers des colonels des années 80 se découvrent amis d'une gauche qu'ils auraient volontiers, il y a trente ans, étripée. L'essentiel : survivre, rester au pouvoir. Entre gens de bonne composition. Entre bourgeois. Rotary par ci, golf par là. Et après nous, le Déluge.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

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