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Le PLR et la religion du Livre

 

Sur le vif - Lundi 27.06.11 - 12.17h

 

Le livre est l'objet que je préfère au monde. Les petites librairies, des lieux de rare bonheur, où l'invitation au voyage est permanente. Lire en campagne, ou en montagne, à l'ombre d'un arbre, avec juste un crayon à papier, pour les notes en marge, intensifie mon goût de vivre. Malgré tout cela, je comprends et soutiens le combat de Philippe Nantermod contre le prix unique du livre. Parce qu'il est un combat pour la cohérence, pour la lisibilité, justement au sein d'un parti - on l'a vu avec le nucléaire - où certains des repères fondamentaux s'évaporent joyeusement.

 

A tort ou à raison, l'idéologie libérale-radicale défend le principe de concurrence. Pour moi, c'est, à bien des égards, à tort : en de multiples domaines, dans lesquels j'inclus la santé, une communauté humaine a le droit de décider, démocratiquement, que certains secteurs sont d'intérêt public, et doivent échapper à la tyrannie du marché. Pour le livre aussi, bien sûr : le débat est ouvert, et c'est tant mieux. Mais enfin, il y a la cohérence : ces libéraux-radicaux, qui se montrent purs et durs, à l'excès, face à tout protectionnisme agricole, ou en matière de caisses-maladie, pour prendre deux exemples ultra-sensibles, au nom de quoi viennent-ils nous brandir, un peu comme une exception dans une grammaire latine, une régulation sur le livre ? Pourquoi cette entorse à leur propre idéologie ?

 

En guise de réponse, j'ai ma petite idée. C'est le côté « bourgeois livresque » de ce parti. On veut bien être libéraux, et même ultra, pour les paysans, les infirmières, et les assurés-maladie, on veut bien soumettre ces deniers aux aspects les plus odieux du marché lorsque la logique tourne à vide et ne défend plus l'humain. Mais le livre, Monsieur, c'est autre chose. Le livre, outre qu'en grec, il se dit «Bible », c'est notre éducation, nos bibliothèques, nos signes extérieurs d'ascension sociale. C'est ce qui nous a construits, ce qui nous différencie de la plèbe. Alors, par reconnaissance, et pour pouvoir continuer de vivre ce privilège intense de perdre son temps chez les petits libraires (en effet mille fois plus compétents que les employés des grandes surfaces), la bourgeoisie veut bien consentir à une exception. Dans ce monde de brutes qu'elle est, au demeurant, première à cautionner.

 

Je dirai oui au prix unique du livre le jour où une réflexion beaucoup plus globale sera initiée, en Suisse, sur les limites du libéralisme. En matière de santé (en cessant d'envoyer à Berne le lobby des assureurs). En matière agricole. Et aussi, dans les zones frontalières, en instillant un peu (comme l'a enfin demandé le Conseil d'Etat genevois) de protection aux résidents, ce qui ne signifie pas fermer les frontières.

 

Oui, le jour où cette réflexion sera lancée, je m'intéresserai à mes amis les libraires. Mais là, comme ça, sans cohérence, au milieu de rien, je ne suis pas d'accord.

 

Pascal Décaillet

 

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