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  • L’ordre règne à Berne

    On attendait la révolution, ce fut finalement la bonne vieille concordance pépère, au rendez-vous. Polie, courtoise, lissée, fédérale. Austère, comme la gouvernante d’un pasteur luthérien, dans une ville minière de Prusse. En novembre. Bref, j’ai nommé Didier Burkhalter.

    Exit le challenger Schwaller, envoyé par Darbellay pour reconquérir le siège perdu, naguère, par Ruth Metzler. Exit le libéral « décomplexé » Lüscher. Place à la raison. Place à la mesure. Place au flot de langage qui jamais ne déborde. Endigué comme la troisième correction du Rhône. Jamais un mot trop haut. Jamais un mot trop fort. Place à Didier Burkhalter.

    Une fois de plus, le génie du système suisse a fonctionné : trois mois pour éliminer les meilleurs, trois mois pour gommer les aspérités, ratisser ce qui dépasse, couper toute excroissance de désir. Trois mois pour permettre à Fulvio Pelli de monter l’un des one-man-shows les plus saisissants de l’histoire politique de l’après-guerre : la mise en scène, digne des plus belles pages de Gabriele d’Annunzio, de son propre suicide politique. En technicolor. La reconquête de Fiume, mais à l’envers, où finalement Fiume dévore le conquérant.

    La démocratie chrétienne, qu’a-t-elle fait, dans ce théâtre-là ? S’est-elle contentée d’errer, comme une dame en noir, une veuve en folie, une douce sorcière aux yeux tremblants ? Non ! Dans son pari, elle a certes échoué, pour une simple question, toute bête au fond, toute physique, de masse critique, ce qui est apparu dès le deuxième tour du scrutin, hier à Berne. Mais la démocratie chrétienne suisse, menée par un chef étonnant de désir et d’invention, a montré, pour la première fois depuis le paléolithique, qu’elle était capable de relever des défis. D’attaquer. Se montrer impertinente, non-convenable, presque mal élevée. Surréaliste même, face à l’évidence de son infériorité numérique. Bref, dans ce combat-là, elle a fait autre chose que nous ennuyer. C’est déjà fort louable.

    Reste la seule question : ce combat doit être le dernier. L’ultime avatar du Sonderbund. La dernière distraction fratricide de la grande famille du centre droit en Suisse. Mêmes valeurs. Même représentation du monde. Même rejet, à la fois, de la gauche et de la droite qui veut exclure. Alors, fini les crêpages de chignons ! Terminado ! The end ! Il y aura bien sûr des cicatrices, comme dans toutes les batailles. Mais elles se refermeront plus vite que prévu. Car la seule dynamique, désormais, est celle de l’union. C’est cela, la grande leçon de ce 16 septembre 2009.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Vraie campagne ou songe d’une nuit d’été ?

     

    Edito pour le Giornale del Popolo - Publié en page une, ce lundi 14.09.09


    Plus que deux jours ! Elle aura été longue, cette campagne pour la succession de Pascal Couchepin. Haletante. Spectaculaire. Chaotique. Après-demain, 16 septembre, soit trois mois et quatre jours après la démission du conseiller fédéral valaisan, nous saurons enfin qui, à sa place, assumera le septième du pouvoir exécutif fédéral. Jamais, sans doute, la vacance d’un siège n’aura autant échauffé le verbe, aiguisé les joutes et les débats.

    Il est vrai que le partant, comme son prédécesseur Jean-Pascal Delamuraz en 1998, laisse un grand vide. Parce qu’il est une bête politique, un tempérament, une nature. Aussi, parce qu’au-delà de ses choix politiques, il aura finalement acquis la stature d’un homme d’Etat, ce qui n’est pas si fréquent. Ce vide, en l’état, ni Urs Schwaller, ni Didier Burkhalter, ni Christian Lüscher ne pourront immédiatement le combler. A celui de ces trois-là (ou un autre, peut-être !) qui sortira des urnes, il faudra des années pour s’installer, se patiner, se corser : on ne devient pas, vraiment, conseiller fédéral du jour au lendemain.

    Alors, qui ? Franchement, je n’en sais rien ! Ce qui est sûr, c’est que le paramètre des compétences techniques ne doit en aucun cas être le seul. Il ne s’agit pas d’élire un secrétaire d’Etat, ni un chef d’office, ni un spécialiste de la santé, ni un mathématicien des assurances sociales, ni un statisticien des primes maladie, mais bien un conseiller fédéral. Un homme avec une vision, du courage, une profonde ambition pour le pays, un vrai amour pour ce coin de terre, ses quatre langues, ses minorités, sa magique pluralité. Un homme capable de reprendre n’importe lequel des sept Départements. D’ailleurs, une rocade n’est pas impossible, des bruits bernois évoquant une reprise du Département fédéral de l’Intérieur par Micheline Calmy-Rey.

    Trouver un format, voilà ce qui devrait être la priorité. Un capitaine pour temps de crise ! Un vieux loup de mer, taillé pour les tempêtes, pas pour le calme plat. Alors, certains ont tenté des solutions alternatives, ont évoqué le nom d’un Dick Marty. Mais ils l’ont fait bien tard, et une candidature au Conseil fédéral ne s’improvise pas : sauf exception (Ruth Dreifuss, 1993), les écuries préparent (discrètement) leurs candidats depuis des années, et la dernière ligne droite (les semaines qui suivent l’annonce d’une vacance) n’est que l’aboutissement d’un long parcours souterrain. Sauf incroyable coup de théâtre, c’est donc bel et bien entre les deux candidats officiels du PLR et celui du PDC que tout, le 16 entre 8h et 10h, devrait se jouer.

    Reste que cette étrange campagne – d’un autre âge – laisse un goût amer. Celui d’une bataille qui, paradoxalement à l’époque d’internet et de l’information immédiate – se sera jouée dans de tout petits cercles de décideurs, parfaitement étanches, derrière le dos de la population suisse, qui n’a pas voix au chapitre dans cette élection. Théâtre de sérail, donc. Même pas théâtre : coulisses ! La Suisse, cette belle démocratie, exemple pour bien des pays environnants, ne mérite-t-elle pas mieux que le songe – même agréable et distrayant – d’un bel été ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le Maire, la Régente, l’Ukase

     

    Sur le vif - Mardi 08.09.09 - 10.05h

     

    C’est un si beau nom, « Pravda », ça veut juste dire « vérité ». Celle qui vient d’en haut. Comme la flamme, sur le Chemin de Damas.

    C’est doute dans cet esprit apostolique que le maire de Genève, Rémy Pagani, et la conseillère administrative Sandrine Salerno ont adressé, le 4 septembre dernier, une toute belle lettre, digne des plus torrides échanges de Valmont et Merteuil, à l’ensemble des fonctionnaires de la Ville. Pour leur dire, très amicalement, qu’ils doivent voter non aux baisses d’impôts soumises à votation cantonale le 27 septembre. Lettre que j’ai eue sous les yeux cette nuit, et qui m’a fait voir cent mille étoiles.

    Une lettre de l’employeur à l’employé. Celui qui vous paye. Celui qui juge et évalue votre travail. Celui qui peut vous virer. Celui qui doit veiller à la protection de votre personnalité. Une lettre, pour dire, dans la fonction la plus césarienne du mode impératif, « Votez non ! » (en exergue), puis « Votez et faites voter non ! », dans une conclusion au demeurant dépourvue de toute formule de politesse.

    Voilà au moins qui est clair. Et qui rappelle l’époque des régimes paternalistes, ou corporatistes, fort prisés dans le monde méditerranéen, péninsulaire ou lusitanien, autour des années trente. L’employeur te couve, il te choie, il te dorlote. En échange, juste un minime détail : tu votes juste.

    Ah, les braves gens ! Bonheur du cocon. Ne pas avoir à se casser la tête pour savoir comment répondre, de façon citoyenne, à un scrutin. Non. Juste appliquer les consignes du Maire et de la Régente.

    Elle est pas belle, la vie ?

     

    Pascal Décaillet