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  • Martine, Valence, la guillotine

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    « Qu’on mette en place la procédure ! Qu’on les poursuive ! Qu’on les taxe ! Qu’on leur fasse payer des pénalités ! Et puis, qu’on saisisse les tribunaux ! ».

    Elle en a du talent,  Martine Aubry, dans le registre injonctif, façon Fouquier-Tinville, non ? Elle est pas belle, la rhétorique, quand elle va puiser ses ferments dans la justice de classe, la haine revancharde du salaud de riche. Aux doigts crochus, pendant qu’on y est, ça en rajouterait dans la saveur de l’évocation.

    Vous savez à quoi elle me fait penser, cette succession d’impératifs saccadée, anti-ploutocrates ? Au Congrès de Valence, 23 au 25 octobre 1981. Le régime Mitterrand-Mauroy au bout de son état de grâce, les capitaux qui s’évadent de toutes parts, et Quilès, le Robespierre aux yeux de feu, qui réclame « des têtes ». Des têtes, et encore des têtes. Je venais d’avoir 23 ans. Badinter, quinze jours plus tôt, venait de faire abolir la peine de mort, ce qui était pour moi une immense nouvelle. Et, là, tout à coup, « des têtes, encore des têtes ».

    Oui, ce jour-là, nous étions quelques-uns, pourtant loin d’être hostiles à François Mitterrand (nous ne goûtions guère l'orléanisme de Giscard), à avoir un peu frémi.

    C’était Valence, octobre 1981. Vous vous souvenez, Martine ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Merci, M. Broulis !

     

    Tribune de Genève - Lundi 31.08.09


    Monsieur le Président du gouvernement vaudois, j’aimerais vous dire merci. Vous n’avez peut-être pas deux langues, mais vous avez une parole. Vous n’avez peut-être pas lu Goethe, mais vos Années d’apprentissage compteront double.

    Vous incarnez, au pays de Druey et des pères fondateurs, une certaine idée du radicalisme, attachée à l’Etat, proche des gens, républicaine, ayant avec l’Argent un autre rapport que celui de la servilité. L’individu, la responsabilité, oui, mais pour mieux rejaillir sur l’intérêt de l’ensemble. Surtout, vous êtes un homme simple, sans arrogance. Et je crois que les Suisses, au plus haut niveau, auraient aimé cela.

    Vous êtes Vaudois, et pourtant le Valaisan de Genève que je suis reconnaît en vous quelque chose à partager, dans l’ordre de l’aventure commune des êtres. Vaudois, vous avez, en compagnie de MM Hiler et Longchamp, jeté des ponts avec notre canton, projetant vos visions sur l’ensemble de l’arc lémanique. Constructeur, vous l’auriez aussi été à Berne.

    A vous, mais aussi à Martine Brunschwig Graf qui sort de cette campagne grandie et sereine, je veux dire mon estime. Avec vos qualités humaines et politiques, l’un et l’autre, vous avez essayé. Il y avait plus de coups à prendre que de lauriers à glaner. Vous l’avez fait. Pour le reste, le destin a parlé. Mais était-ce là, vraiment, son ultime parole ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Hors du sérail, point de salut

     

    Dimanche 30.08.09 - 16.25h

     

    La démocratie suisse sent le renfermé. Un mode électoral du gouvernement fédéral qui n’a pas changé depuis l’époque des sentiers muletiers et des diligences. Un exécutif dépourvu de toute cohérence idéologique, où se côtoient la gauche bobo zurichoise (celle des galeries d’art contemporain et des sushis) et la droite nationaliste (celle de la proximité charnelle, à la culotte, dans l’étincelant périmètre de la sciure), sans que cette ahurissante contiguïté n’étonne grand monde. Des conseillers fédéraux qui décident eux-mêmes, en pleine législature, quand ils partent, n’y étant acculés ni par un scandale ni par la maladie. Non, juste la convenance. Des trous, des p’tits trous. Alors on écope, on colmate, on tâche de remplir, on pare au plus pressé, on n’étonne le monde que par la savoureuse complexité de la combinazione. Seule vraie reine : la coulisse.

    Ainsi, cet étrange pouvoir donné aux « groupes » de l’Assemblée fédérale. Que cette dernière élise le Conseil fédéral, est une chose. A modifier, certes, nous plaidons depuis tant d’années en ce sens, mais enfin pour l’heure, c’est ainsi. Mais au nom de quoi les groupes, en amont du plénum, s’arrogent-ils la toute-puissance de décréter qui peut rester candidat et qui ne l’est plus ? Nous avons, en Suisse, des partis politiques, ils ne sont pas illégaux. Pourquoi les candidats doivent-ils être ceux du groupe, et non ceux du parti ? Pourquoi ce bétonnage préliminaire, qui ferme à ce point le jeu ?

    Surtout, ces « auditions », à quoi riment-elles ? A l’époque des radios et TV, de l’internet, de l’information de masse, à quelle réelle nécessité cognitive ces examens oraux correspondent-ils ? Ces grands jurés, qui doivent vivre là leur heure de gloire, n’écoutent jamais la moindre émission, ne lisent jamais de journal, ne disposent pas de la toile, pour ne pas savoir exactement qui sont Mme Brunschwig Graf, MM Burkhalter, Lüscher et Broulis ?

    Comédie ! Rituel de pouvoir d’un monde parlementaire fermé sur lui-même, privilégiant les siens, la parité (ah, les Pairs), la semblance, et donc excluant ce qui vient du dehors, la différence, quitte à se couper des forces vives de la nation.

    Ainsi, on a presque pu croire que Pascal Broulis se présentait à un oral d’allemand. Prépositions à doubles cas, verbes irréguliers, particules modales, le tout sous le regard sourcilleux d’un cénacle qui doit se prendre, un moment, pour le grand juré du Goethe Institut.

    Il s’en souviendra, le président du Conseil d’Etat vaudois, de ce petit jeu de fourches caudines. Où on fait sentir à l’Autre qu’il n’est pas de ce monde. Pas du club. Il n’en a d’ailleurs pas les codes, pas les clefs, pas le langage.

    Il s’en souviendra, oui. Et le peuple suisse aussi, espérons-le, lorsque cet épisode, au milieu de beaucoup d’autres, sera évoqué pour démontrer à quel point il faut s’attaquer à un changement de fond de l’ensemble du système. Oh, pas tout de suite. Jamais tout de suite, en Suisse. Disons, tiens, dans dix mille ans.

    Ca vous convient ?

     

    Pascal Décaillet