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Liberté - Page 909

  • M. de Senarclens : un parfum de rue des Granges

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     Sur le vif - Samedi 26.09.15 - 19.00h

     

    Un parfum de rue des Granges. Le fumet d’un autre temps, celui où le bonheur patricien se jouait, à Genève, de toute concurrence dans la galaxie des droites. Il fallait être libéral, ou avoir l’élémentaire politesse de ne point être. Radical, c’était déjà limite, on voulait bien leur laisser la nostalgie bonapartiste, celle de Fazy, ou l’ivresse si raisonnable de se réunir en des Cercles cryptés – ou peut-être des Cryptes circulaires – pour cogiter puissamment, en commune liturgie, sur les thèmes du progrès, de la géométrie et de la mort.

     

    Un parfum de rue des Granges, oui, émane de l’interview donnée à la Tribune de Genève, édition de ce matin, par le président du PLR, Alexandre de Senarclens. Il y défend les bilatérales, soit. Il refuse de voir l’insignifiante faiblesse de cette immense plaisanterie appelée, dès la votation de 2002, les « mesures d’accompagnement », soit. Il proclame Genève canton modèle en matière de contrôles du travail, soit. C’est faux, mais soit.

     

    Un parfum de rue des Granges, lorsque le sourcilleux défenseur du libre-échange évoque l’élection au Conseil des Etats. Du haut de son Parnasse libéral, il y exclut toute alliance avec l’autre droite du canton, celle qui, comme la sienne, pèse un tiers de l’électoral, l’UDC-MCG. Là encore, soit : chacun est libre d’envisager la bataille comme il veut. Mais là où l’éminent patricien pousse un peu, c'est que dans le même temps, il espère un « ralliement » de l’électorat de ces deux partis.

     

    C’est beaucoup demander, Monsieur le libéral. Si l’on sollicite le soutien d’autrui, dans la vie, la meilleure méthode n’est pas nécessairement de commencer par l’exclure. Encore moins de le traiter de Gueux. Mais enfin, vous faites comme vous voulez, c’est vous le grand stratège. Simplement, vous rouleriez pour Mme Maury Pasquier et M. Cramer, vous ne vous y seriez assurément pas pris autrement. Longue vie à ces deux éminentes personnalités de gauche sous les augustes boiseries du Stöckli.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Campagne 2015 : que du bonheur !

     

    Commentaire publié dans GHI - 23.09.15


     
    Il fut un temps où le candidat se devait d’être un individu différent des autres. Il parlait d’une estrade, haranguait la foule. Il y avait une voix, il y avait un rythme, un tonus, un tempérament. Il y avait un message. Pour lui, on organisait un meeting. Il arrivait du fond de la salle, comme le célébrant d’une messe. Il dispensait la parole, maudissait, bénissait, il était lui-même le verbe, on l’écoutait.


     
    Aujourd’hui, plus rien de tout cela. Que fait le candidat ? Il ne songe qu’à se fondre dans la similitude avec l’électeur. Il ne lui dit plus : « Du haut de mon autel, je te parle », mais « Je suis avec toi, comme toi, tu me touches, je te touche, nous posons sur le même selfie, j’ai ta main sur mon épaule, j’ai ta main dans ma main, je suis toi, mais n’oublie pas tout de même de voter pour moi ».


     
    Alors, quoi ? Alors, le « terrain », s’il vous plaît ! Alors, Russin ! Alors, Fête des Vendanges ! Alors, kermesses, tracteurs, rudes et sains travaux des champs, enfin pour la photo. Alors, se montrer. Non face à la foule, mais au milieu d’elle. En tendre empoignade avec elle. Électeur, je suis comme toi. Je suis ton semblable, je bois dans le même verre, je trinque sous les mêmes cieux. Je souris aux mêmes femmes. Aux mêmes hommes. Je caresse les mêmes chiens.


     
    Le message ? Disparu. Volatilisé, dans l’invisible fermentation de cette liturgie commune. Fini, le contenu. Fini, le discours. Aux orties, l’élévation du verbe, celui qui cisèle l’individu, sculpte la différence. Non, tous pareils. Tous au même endroit, au même moment. Tous à la même messe. Que du bonheur.


     
    Pascal Décaillet

     

  • 178 ambitions pour Berne

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    Publié dans GHI - Mercredi 23.09.15

     

    Il y a huit ans, j’avais donné la parole, sur Léman Bleu, aux 93 candidats au Conseil national. C’était déjà énorme, déjà une folie. Cette année, nous invitons chacun des 178 candidats à une interview en direct de cinq minutes, face à votre serviteur. La séquence s’appelle « Les Yeux dans les Yeux ». Retrouver chaque soir ces hommes et ces femmes, de tous âges et de tous partis, n’étant réunis que par une ambition commune, est pour moi un privilège. La densité de la séquence, l’intensité du ping-pong, le croisement de deux regards, la rencontre de deux visages, tout cela permet au public de faire la connaissance des personnes qui aspirent à siéger, à Berne, à la Chambre du peuple. C’est une expérience inédite. Elle n’a, à ma connaissance, jamais été réalisée avec autant de candidats, en direct TV. Genève innove.

     

    Expérience inédite, à finalité citoyenne : il y a tout de même une sacrée différence entre voir défiler 178 noms, désincarnés, sur les 26 listes que nous recevons à la maison, et avoir sur son écran 178 personnes vivantes, dans l’exercice du verbe et de l’argument, avec leurs sourires, leur aisance ou parfois leur gêne, leur répartie ou leur silence, leur faconde ou leur labeur, peu importe, 178 humains, c’est cela l’essentiel. Au moment où j’écris ces lignes, j’en ai déjà rencontré 60, c’est dire s’il y a encore du pain sur la planche.

     

    Que dire, après cette première soixantaine ? D’abord, l’émotion de la richesse humaine. Une très grande partie de ces 178 candidats sont, en arrivant sur le plateau, de parfaits inconnus, pour le public comme pour moi. Cinq minutes plus tard, nous voilà enrichis d’une rencontre. Un style, un visage, une voix, un rythme, un caractère. Les humains ne sont pas des robots, mais des êtres d’émotion, de mémoire, de fragilités blessées, et tout cela, sur l’écran, se devine, s’entrevoit. N’imaginons surtout pas que le corps électoral ne veuille retenir que les plus forts, ceux qui bombent le plus le torse, encre moins ceux qui s’écoutent parfaitement argumenter, comme dans des syllogismes de lycée. Non, le public retiendra un sourire, un éclat, une étincelle, que sais-je ?

     

    Grande richesse humaine, donc, que celle de ces rencontres. S’il y a un bémol, c’est sur la connaissance des dossiers. Je suis sidéré de constater à quel point les gens qui postulent pour Berne sont, pour nombre d’entre eux, dans une très grande ignorance de la chose fédérale. Je ne parle pas ici du Quiz, dont tout le monde a bien compris qu’il était juste une vingtaine de seconde de détente commune,  à la fin de l’entretien, et que connaître ou non la réponse n’était pas l’essentiel. Non, je pense au minimum de connaissances nécessaires sur la Suisse. Son Histoire. Ses institutions. Ses partis politiques. Les grands enjeux des sept Départements fédéraux. Les deux ou trois grands défis (assurances sociales, migrations, transition énergétique, agriculture, exportations, etc.) qui nous attendent pour la législature 2015-2019.

     

    Là, oui, il y a une marge de progression. En attendant, bonne chance à tous, sans exception. Je respecte beaucoup les personnes qui osent se porter candidates. Sur 178, il n’y aura que 11 élus. Les 167 autres, eux aussi, méritent notre considération.

     

    Pascal Décaillet