Sur le vif - Dimanche 13.11.16 - 10.25h
Il est peut-être temps, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de considérer l'élection de Donald Trump autrement que sous le jeu des apparences, piège où sont tant tombés les médias, ne voulant voir en lui qu'un rouquin vulgaire, et le jugeant sur des critères moraux plutôt que politiques.
Trump a une vision. Et il a un programme. S'il parvient à les appliquer, notamment la grande ambition de rénover les infrastructures, annoncée dès le discours de victoire, c'est assurément l'accent d'un New Deal qui sonne à nos oreilles. Avec lui, la mémoire de l'un des plus grands Présidents de l'Histoire américaine, Franklin Delano Roosevelt (1933-1945).
Aucune comparaison, bien sûr, entre les deux hommes : juste une référence, qui affleure. Même si le rapport à l'Etat de FDR est très différent de celui que laisse entrevoir Trump, dans ses discours de campagne. Pour ma part, mon attachement au protectionnisme est viscéralement lié à très haute idée que je me fais, depuis toujours, de l'interventionnisme d’État. Ce qui me sépare totalement de tant de conservateurs américains, n'ayant jamais rompu avec le libéralisme. Situer Trump dans cette dialectique n'est, pour l'heure, pas facile.
Mais tout de même, rappelez-vous : la campagne électorale de 1932, trois ans seulement après le krach de Wall Street. Une Amérique saignée, en lambeaux, dévastée par la crise de 1929, partout la faillite, les familles déchirées, les suicides. Lire Steinbeck, absolument.
Dans ce climat, le candidat Roosevelt arrive avec le plus grand programme de relance économique de l'Histoire. Relance organisée par un prodigieux volontarisme d'Etat, construction de routes, politique industrielle, regard tourné (jusqu'au 7 décembre 1941) vers l'intérieur du pays, un peu moins vers le vaste monde. A ce programme, Roosevelt donne un nom : le New Deal. Nouvelle Donne, comme aux cartes.
Ce que veut Trump, c'est quelque chose, toutes proportions gardées et rien n'étant exactement comparable, qui ressemble à cela. 84 ans plus tard. J'ignore absolument s'il y parviendra, mais c'est cela qu'il veut, cela sa vision. La référence à Roosevelt est dans toutes les consciences, elle m'est immédiatement tombée dessus, alors que j'écoutais en direct son discours de victoire.
Pour placer toutes les énergies sur la réussite de ce pari, Trump devra appliquer une politique plutôt isolationniste qu'expansionniste, plutôt pacifique que belliciste, encore que dans ce domaine, il n'aura peut-être pas d'autre choix, ici ou là, que celui d'une guerre. Comme Roosevelt ! Arrivé en 1932, à des milliers de lieues marines de l'idée d'une guerre, FDR deviendra, les quatre dernières années de sa vie, le champion et le vainqueur de l'un des plus importants conflits de l'Histoire humaine. Parce que gouverner, ça n'est pas seulement appliquer un programme préconçu, mais tenter de répondre au tragique de l'Histoire.
Eh oui. Car deux mois et trois semaines après l'élection de Roosevelt, une autre, en Allemagne, le 30 janvier 1933, allait sceller le destin du monde.
L'Histoire est totalement imprévisible. Nul d'entre nous ne sait de quoi demain sera fait. Tout au plus, par quelques éclairs, pouvons-nous, parfois, y déchiffrer l'une ou l'autre correspondance. Pour cela, il n'est pas inutile de lire des livres. Des milliers de livres.
Bon dimanche à tous.
Pascal Décaillet