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Liberté - Page 474

  • Covid : un peu de respect, SVP !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 11.11.20

     

    Voilà un sacré bout de temps que j’alerte l’opinion publique, ici et ailleurs, sur les tonalités rugueuses avec lesquelles, du haut de la hiérarchie sanitaire cantonale genevoise, on s’adresse aux personnes qui doivent se placer en isolement. On leur parle comme à des pestiférés ! La circulaire, venant de la Direction générale de la Santé, et intitulée « décision de placement en isolement » rappelle des périodes qu’on espérait révolues. Je ne conteste en aucun cas, ici, le fond de l’affaire, et invite chacun d’entre nous à se conformer aux règles. Mais nous sommes des citoyennes et des citoyens, pas des lépreux errants des temps médiévaux, avec leurs clochettes, et nous avons droit, quand on nous parle, à un minimum de respect.

     

    Ce minimum, la circulaire le piétine. Il faut voir comme on nous parle, comme le chante si bien Souchon, il faut soupeser toute la morgue dont l’autorité (sanitaire, en l’occurrence) peut faire preuve, lorsqu’elle se sent supérieure, s’adresse à nous d’en haut, cautionnée par une autorité politique de tutelle qui semble fermer les yeux. La circulaire est libellée exactement comme un acte juridique : « En fait », « En droit », puis… « Par ces motifs, la Médecin cantonale décide de l’isolement de Monsieur X, Madame Y, etc. ». Un peu plus loin, il vous est signifié, de manière encore plus charmante, que « si la mesure n’est pas suivie, elle peut être exécutée par voie de contrainte, notamment par un transfert dans un autre lieu approprié, si nécessaire avec l’appui de la police cantonale » !

     

    Cette circulaire est un scandale. A qui s’adresse-t-on ? A des malfaiteurs, des gens qui ont transgressé la loi, pulvérisé des records de vitesse sur les routes ? Non ! On s’adresse à des hommes et des femmes libres, contribuables (et payant en cela le salaire des fonctionnaires), qui n’ont rien fait du tout, si ce n’est que le destin, le hasard de cette saloperie de virus est tombé sur eux. De quoi être inquiet, fragilisé ! Le moindre des choses serait de s’adresser à eux comme un médecin à des patients, avec respect, empathie. Et non comme un garde-chiourme. J’aimerais bien avoir en face de moi l’auteur de cette circulaire, pour lui dire ce que je pense, pas vous ?

     

    Cette lamentable affaire doit nous amener à réfléchir. Sur la nature du pouvoir – tout pouvoir, d’où qu’il vienne – mais aussi sur le sentiment d’impunité qui semble habiter certaines hautes strates de la fonction publique, lorsqu’elles parlent aux administrés. Mais encore, sur la complicité ou l’aveuglement de l’autorité politique de tutelle : cautionne-t-elle ce ton, oui ou non ? Quant à la noirceur du pouvoir, elle est partout. Y compris – nous le découvrons, à la faveur de cette crise – dans le milieu des médecins. On avait déjà pas mal entendu parler de la verticalité des mandarins. Il nous reste à nous confronter aux pépins malvenus des mandarines.

     

    Pascal Décaillet

  • Réflexions sur l'uniformité de la presse en Suisse romande

     
    Sur le vif - Mardi 10.11.20 - 12.40h
     
     
    Depuis l'âge de seize ans (Watergate, 1974), je m'interroge sur l'unanimité de la presse romande en faveur des Démocrates.
     
    Il y a deux grands partis, depuis deux siècles, aux États-Unis, les Démocrates et les Républicains. Chacun a donné au pays son lot de grands hommes, de grandes lois, de grands Traités internationaux.
     
    Malgré cela, la presse romande roule systématiquement pour les Démocrates.
     
    Entre 1969 et 1974, elle n'a cessé de noircir Richard Nixon, et cela avant Watergate, passant sous silence ses percées diplomatiques avec la Chine, l'URSS et le Proche-Orient. L'ouverture de son administration au monde arabe lui a donné une capacité d'arbitrage que les États-Unis, dans cette région, n'ont plus depuis longtemps. Les Accords de Paris, scellés par Kissinger, ont permis la fin du pire psychodrame vécu par les États-Unis depuis 1945 : la guerre du Vietnam. Un conflit commencé (comme presque toujours dans l'Histoire américaine) par des Démocrates (Kennedy, Johnson), terminé par le Républicain Nixon.
     
    Malgré ces faits historiques, objectifs, vérifiables, la presse romande ne cessait de noircir Nixon.
     
    La presse romande a encensé Jimmy Carter, Démocrate. Elle a flingué pendant huit ans le Républicain Ronald Reagan. Plus tard, elle est entrée en pâmoison face au Démocrate Obama, refusant par exemple de prendre en compte son incroyable bellicisme pendant huit ans. Puis, elle a passé quatre années à vomir le Républicain Trump. Déjà, elle sanctifie le Démocrate Biden et jouit d'extase devant l'icône Kamala Harris.
     
    Pourquoi cette systématique pro-Démocrate ? Plusieurs clefs d'explication. La presse romande, à dominante de centre-gauche, s'imagine (à tort, à bien des égards) que les Démocrates américains, c'est la gauche. Alors que les plus ultra-libéraux, les plus dérégulateurs, les plus féroces libre-échangistes, se trouvent souvent dans leurs rangs.
     
    Et puis, les Démocrates, c'est le parti des icônes. Roosevelt, assurément l'une des plus grandes figures de l'Histoire américaine, qui a relevé l'économie avec le New Deal, puis gagné la Seconde Guerre Mondiale. Kennedy, le beau John, figure de cinéma, destin de légende. Qu'il fût le premier à mettre le doigt dans l'engrenage du Vietnam (avec des dizaines de milliers de "conseillers militaires" américains envoyés sur place), n'émeut pas une seule seconde nos beaux esprits. Une icône, on la juge sur la couleur, la dorure, la flamboyance, pas sur le contenu.
     
    L'icône Kennedy. L'icône Obama. Et maintenant, l'icône Kamala Harris. Trois exemples, où la pâmoison l'emporte sur le jugement, le besoin de sanctifier précède le sens critique, la mise en vedette s'opère sur le modèle des stars d'Hollywood.
     
    Les Républicains, parti plus rugueux, plus provincial dans ses attaches profondes, moins urbain, moins onirique dans ses références, se prêtent moins à l'iconographie. Leurs héros surgissent souvent d'une Amérique profonde qui rappelle davantage les romans de Steinbeck, avec leur noirceur et leur misère, que les rêves en Technicolor. Lisez la biographie du jeune Richard Nixon, dans l'avant-guerre, le rôle des Quakers dans sa formation, l'austérité de son entourage, vous saisirez beaucoup de choses. On est loin des romans de Scott Fitzgerald.
     
    La presse romande adore les Démocrates, déteste les Républicains. C'est un fait. Et c'est d'ailleurs son droit le plus strict. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre pourquoi. De quelle matrice intellectuelle, culturelle, linguistique, sortent les journalistes romands ? Quels films, quels livres, les ont-ils fait rêver ? Quels livres d'Histoire ont-ils lu ? Quelle musique écoutent-t-ils ? Quels maîtres, ou quels gourous, ont-ils suivi ? D'où leur vient cette fascination pour la langue anglaise, au détriment (par exemple) de l'allemand, de l'italien, langues nationales suisses ? Et pourquoi pas le grec, l'arabe, le russe ? Pourquoi diable leur vision du monde paraît-elle à ce point uniforme, alignée, formatée ? Ces questions s'appliquent aux États-Unis d'Amérique. Mais, tout autant, à l'Union européenne. A l'idée de nation, de patrie, de souveraineté, d'indépendance. Au binôme protectionnisme / libre échange.
     
    Résoudre le problème de la désespérante uniformité idéologique de la presse romande, c'est s'attaquer à toutes ces questions-là. Et bien d'autres encore. Elles sont, au fond, infiniment plus culturelles que politiques. Pour comprendre, il faut aller chercher la matrice intellectuelle. Ce qu'elle a pu avoir, depuis des décennies, de séduisant. Mais aussi, de terrorisant, par le modèle unique qu'elle n'a cessé d'imposer.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Charles de Gaulle et les éternels retardataires

     
    Sur le vif - Mardi 09.11.20 - 14.58h
     
     
    "Comment? Tu n'as encore rien écrit sur de Gaulle, le jour même du 50ème ?".
     
    L'affaire est simple : Charles de Gaulle a longtemps été l'un des hommes de ma vie, la Suisse romande le sait, et un coup d'oeil sur ma bibliothèque vous en dirait plus que tous les discours. Je suis né au printemps 1958, au moment même où il revenait aux affaires. J'ai grandi avec lui à la télé, j'ai vécu en direct tous ses grands discours, nous avions la télé française.
     
    J'ai suivi passionnément la campagne de décembre 1965, première présidentielle au suffrage universel. Je voyais défiler tous les concurrents du Général, qui avaient enfin droit à un peu d'antenne. Je me souviens de tous. Je me souviens de Lecanuet, aux dents blanches. Je me souviens de Mitterrand. Je me souviens de mes conversations avec mon ami Bertrand Ledrappier, sur le chemin de l'école.
     
    Et puis, tout le reste. Le 9 novembre 1970, bien sûr, ou plutôt le 10 : à midi, je rentre de l'école pour manger chez moi, ma mère m'annonce la nouvelle, ambiance de temps suspendu. Quelques jours plus tard, doubles funérailles, en direct, celles de Colombey, celles de Notre-Dame.
     
    J'en reste là. Une vie de lectures. Pourtant, il faut que je vous dise. Aujourd'hui, de Gaulle fait l'unanimité, ce qui n'a jamais été le cas de son vivant. Et paradoxalement, depuis quelques années (une bonne dizaine, en tout cas) le miracle opère moins sur moi. Oh, c'est l'une des deux ou trois plus grandes figures de l'Histoire de France, pas de problème. Mais ayant tout lu, ayant commencé trop jeune à tout lire et relire, j'ai atteint comme un phénomène de saturation.
     
    Et je vois, avec pas mal d'agacement, les opposants - ou les indifférents - de l'époque se convertir au gaullisme. Le temps fait son oeuvre, la figure immense de Charles de Gaulle s'ancre dans l'Histoire, cela aurait dû être fait de son vivant, c'était possible, c'était lisible. Pour qui sait lire.
     
    Les pires conversions, qui me révulsent : celles des anciens soixante-huitards. Il ont vieilli, ils ont fini par comprendre. Mais il en aura fallu, du temps ! Ils avaient choisi la mode, le jeunisme, la jouissance de meute, alors qu'ils auraient pu - c'était possible, c'était lisible - soutenir le seul révolutionnaire du pays, celui de la Libération, celui de la Sécurité sociale, celui du droit de vote aux femmes, celui de la Constitution de 58, celui de l'Algérie indépendante, celui de la décolonisation, celui de la Réconciliation franco-allemande.
     
    Aux soixante-huitards, je ne reproche au fond qu'une chose : leur lenteur. Dans l'observation de la politique, il convient d'être un peu réveillé, en phase avec le présent, grâce aux clefs de lecture que nous donne un vie entière consacrée à l'observation du passé. Il faut ignorer les modes, choisir les chemins de solitude.
     
    Ils sont passés à côté de Charles de Gaulle. Ce sont des retardataires. Je ne les aime pas. Je ne leur accorde aucune considération.
     
    Pour leur pardonner, il faudrait être un saint. Je suis, hélas, tout le contraire.
     
     
    Pascal Décaillet