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Liberté - Page 403

  • Politique : où est passée la confiance ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.12.20

     

    Au cœur de notre pays, la Suisse, il y a la confiance. Sans elle, rien de ce que nous avons construit, nous et nos ancêtres, n’existerait. La confiance entre nous tous, citoyennes et citoyens, hommes et femmes libres, adultes, responsables. La confiance envers nos autorités, celles que nous avons élues pour qu’elles accomplissent une mission. La confiance entre régions du pays, au-delà de nos différences, bien réelles. La confiance entre les habitants, Suisses, étrangers, nomades, sédentaires. La confiance entre les gens des villes et ceux de la montagne, les Suisses de la plaine et ceux de la montagne. La confiance entre les religions. La confiance entre ceux qui se réclament d’une adhésion spirituelle, et ceux qui ne s’en réclament pas. La confiance entre conservateurs et progressistes : visions différentes, mais surgies d’une même souche. Racines communes, branches éparses.

     

    Devant notre chalet valaisan, dans mon enfance, je me souviens de ces années soixante, où jamais mon père, me semble-t-il, ne fermait sa voiture à clef. Et même la clef du chalet, nous la laissions, comme des grands, quand nous sortions, sur la première poutre que n’importe cambrioleur amateur aurait immédiatement choisie pour aller la dénicher. Nostalgie, je crois, de ces années d’insouciance.

     

    Aujourd’hui, la confiance est à rude épreuve. La crise sanitaire n’a pas arrangé les choses. Le discours de l’autorité est mis en cause, ce qui est d’ailleurs parfaitement légitime de la part d’un peuple qui n’aime pas s’en laisser conter. La parole d’en haut a perdu de son crédit. Trop d’apparitions des dirigeants, trop de mots, « trop de notes », comme le hasardait l’Empereur au jeune Mozart, dans le film de Forman. Et puis, de perpétuels changements de position, un jour on ouvre, un jour on ferme, un jour on confine, un jour on libère. La parole de Berne, celle de Genève, la voix des Cantons, celle des Romands, celle des Alémaniques, celle de Macron, celle de Merkel. On gouverne par la valeur d’une seule parole, pas par la polyphonie.

     

    Ma position sur la démocratie représentative, vous la connaissez. Nous sommes, je crois, à la fin d’un processus, entamé au début du dix-neuvième siècle, au temps des diligences, où le peuple délègue ses pouvoirs à des émissaires, qui s’en vont siéger, pour des « Diètes » de plusieurs semaines, dans des Parlements nationaux. A Berne, à Paris, à Berlin. Je suis, vous le savez, partisan d’une démocratie totale, en tout cas une démocratie directe plus accomplie encore que celle d’aujourd’hui, où le suffrage universel participerait davantage aux grandes décisions. Parce que ma confiance dans le système électif n’est pas illimitée. Et c’est bien cela que nous devons sauvegarder, si nous voulons que la Suisse vive : la confiance ! Je suis le premier, je l’avoue, à ne l’accorder qu’avec parcimonie, chacun fait ce qu’il peut. Mais conservons, entre nous, ce trésor : il nous unit, là où le verbiage nous disperse. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet

  • Ludwig, héros porteur du feu

     
    Sur le vif - Mardi 15.12.20 - 16.27h
     
     
    Je reviens à ma réflexion d'hier soir sur le Beethoven biographique. Je dis qu'il y a une vraie vie, et que c'est celle de la musique. Mais je comprends fort bien que le parcours biographique, les 57 ans de cette vie d'homme, entre 1770 et 1827, fascinent. J'ai moi-même, dès l'âge de douze ans, ayant commencé fort tôt à écouter les Symphonies (bien avant les Sonates, les Quatuors), donné dans cette fascination totale pour le destin de cet homme, toujours en mouvement.
     
    Les 57 ans de vie de Ludwig van Beethoven correspondent, avec une saisissante magie, à cette exceptionnelle période de l'Histoire allemande (dans laquelle on nous permettra d'inclure Vienne pour la musique), qui m'habite avec la plus démoniaque des présences. Fin de l'Ancien Régime, Révolution française, Consulat, Empire, début de la Restauration. Et influence considérable des idées révolutionnaires sur le jeune Beethoven. Il a lu Plutarque et Rousseau, il épouse les idées nouvelles, il ne sera déçu par Bonaparte qu'en 1804, lorsque le Premier Consul déposera sur sa propre tête la couronne impériale.
     
    Beethoven est, absolument, un homme de son temps. Il avance. Il devance. Il affronte le destin. Il s'émancipe des mécènes. Il fait constamment évoluer la forme musicale, aucune oeuvre ne ressemblant à la précédente. Il façonne. Il invente. Il transgresse les matrices du prévisible. Il cherche. Il trouve. Il ne se repose jamais.
     
    Il est l'homme de la Révolution. Non celle de la politique, qu'il admirait dans sa jeunesse. Mais celle de la constante remise en cause d'une forme musicale, dès que celle-ci deviendrait convention. Le chemin, entre ses premières compositions, très jeune, et les derniers Quatuors, est époustouflant. Des années-lumière. Un autre monde.
     
    Et c'est bien pourquoi j'invite, une fois consommée notre fascination pour le Beethoven biographique, à laisser un peu les 57 années de cette vie terrestre pour nous immerger dans l'étude musicologique de cette évolution, à nulle autre pareille. A la découverte de la vraie vie de cet homme - celle de tout compositeur - les chemins de création, entre la musique d'Ancien Régime (qu'il ne s'agit pas une seule seconde de dénigrer), et l'évolution vers "autre chose", qu'on appellera le Romantisme, la personnalisation, l'irruption du "je" dans la création musicale, tout cela est parfaitement connu, recensé par les musicologues. Quand j'écoute les derniers Quatuors, années 1820, composés par un homme sourd et isolé du monde, je me demande parfois si je ne suis pas en train d'entendre du Bartók, ou du Alban Berg, ou du Sibelius. Des auteurs du vingtième siècle !
     
    J'invite donc, tout en nous plongeant dans le Beethoven biographique, pour être en phase avec l'une des périodes les plus fastes dans l'Histoire des arts, des textes et des idées dans l'univers germanique, à une seconde immersion, vitale cella-là, et sans doute aussi baptismale, dans les chemins de création musicale de cet homme d'exception.
     
    Baptismale, oui. Promesse d'une autre vie. Au-delà du parcours entre une naissance et une mort. La vie de la musique elle-même. Portée par un personnage prométhéen, digne de Kleist. Ou de Friedrich Hölderlin. L'un et l'autre, contemporains de Beethoven. Époque de feu. Le temps des mythes et des récits. Le temps des héros.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Jennifer Covo : soutien total

     
    Sur le vif - Lundi 14.12.20 - 18.27h
     
    A l'issue d'une journée consacrée à tenter d'identifier l'un ou l'autre bobos (organiques, pas urbains !), je découvre l'ampleur du miasme contre ma consœur Jennifer Covo. Alors, deux ou trois choses :
     
    1) Il est parfaitement normal, lorsqu'on a face à soi un représentant du pouvoir, sur un sujet muni d'un fort enjeu, de mener une interview sans concession. Hier soir, face à Alain Berset, Jennifer l'a fait. Elle a eu parfaitement raison. Vous auriez préféré un entretien de complaisance ?
     
    2) Un Conseiller fédéral n'a pas à être ménagé. En tout cas, pas plus (ni moins) que n'importe quel interlocuteur. Ni plus, ni moins. Sur ce deuxième point, Jennifer a parfaitement fait son boulot.
     
    3) Elle l'a un peu cuisiné pour obtenir des réponses. Et alors ? Il ne s'agissait pas d'une causerie sur la vie et l’œuvre d'Alain Berset, ses goûts musicaux, ses oeuvres littéraires préférées. L'interview était exactement dans la tonalité qui sied à un entretien sur un enjeu d'actualité brûlante, fort et puissant, correspondant aux inquiétudes légitimes de l'ensemble de nos compatriotes.
     
    4) J'ai travaillé avec Jennifer Covo, pendant des années, à Léman Bleu. Plus exactement, nous ne travaillions pas ensemble. Elle était à la rédaction, comme journaliste. Et moi, venant du bureau de ma propre entreprise, j'arrivais le soir pour présenter Genève à chaud, comme producteur indépendant venant de l'extérieur, ce que je suis depuis quinze ans. J'ai rarement connu une consœur aussi compétente, soucieuse de précision, douée pour la présentation en direct, vive d'esprit, aimable avec ses collègues. Un rayon de soleil dans une équipe. Jennifer est pour moi un modèle de qualité, dans les métiers de l'audiovisuel.
     
    5) Je suis un partisan absolu des réseaux sociaux, vous le savez. Je m'y exprime moi-même fort souvent, les tenant comme un outil de travail précieux pour mon journal de bord, sur la politique, la littérature, la musique, tout ce qui compte pour moi. Mais là, en reprenant le fil de ce qui a été dit sur cette consœur à laquelle je voue une immense estime, je suis simplement ulcéré. La bagarre, oui, les combats d'idées oui. Mais pas ce tsunami sur une personne.
     
    6) Je dis à Jennifer qu'elle est une grande professionnelle. Je l'admire. Je lui apporte mon total soutien.
     
     
    Pascal Décaillet