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Liberté - Page 320

  • D'abord on bosse, après on discute !

     
    Sur le vif - Mercredi 01.09.21 - 13.09h
     
     
    La grève des trains, en Allemagne, est totalement contraire à la puissante et remarquable tradition de dialogue social et de concertation, dans ce pays. Elle date des années bismarckiennes, qui furent celles des premières conventions collectives en Europe, peut-être même au monde.
     
    L'Allemagne est aujourd'hui la grande puissance économique en Europe. Sa vitalité exceptionnelle tient à la relation que chaque Allemand entretient avec son travail. Il commence par se demander ce qu'il peut faire pour son entreprise. Cette maturité, ancrée dans la philosophie de la responsabilité individuelle au service du collectif, si présente chez les grands penseurs allemands, prussiens notamment, depuis le milieu du 18ème siècle, est magnifique. Elle détermine tout le reste.
     
    Nous, les Suisses, pouvons comprendre cela. Nous sommes proches de ce modèle. Nous sommes consciencieux, bosseurs. Notre système social, en tout cas depuis 1937, notre rapport à l'économie, notre construction de majorités politiques, par coalitions, ressemblent au modèle allemand. Et c'est tant mieux, parce que c'est la clef de la réussite.
     
    La grève n'est pas un modèle pour l'Allemagne. Ni pour la Suisse. Laissons à la France le triste monopole de ces démonstrations de puissance des grandes centrales syndicales. Nous les Suisses, comme les Allemands, avons mieux à faire : d'abord on bosse. Après, on discute.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'école, pas la morale !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.09.21

     

    Désolé si je glace l’atmosphère, mais l’école n’est pas le lieu pour enseigner la morale. Ou alors, tout au plus, comme l’une des disciplines de la philosophie, dans toutes ses variations en fonction de l’époque et des auteurs. Mais en Histoire par exemple, il faut observer les faits, recueillir le maximum de témoignages, ne jamais se contenter des versions officielles, encore moins des récupérations gouvernementales. Tout cela, oui, avec distance, et même une pointe de cynisme, dans le meilleur sens du terme. Se donner des instruments pour comprendre une époque, avec son magma de contradictions, en écoutant toutes ses voix. Mais pas la morale.

     

    La morale, en Histoire, est mère de l’anachronisme. On prétend juger une période antérieure, en fonction des impératifs éthiques – déjà discutables, au demeurant – de la nôtre. D’aujourd’hui, on désigne des coupables. On les livre à la vindicte. On arrache les statues. On déboulonne. On juge avec les yeux du temps présent.

     

    L’Histoire, ça n’est pas cela. C’est tenter de comprendre. Confronter les témoignages. Ressusciter des voix éteintes. Se pénétrer de toutes les visions, issues de tous les camps, y compris les maudits. Et à partir de là, avec nos consciences périssables, limitées, tenter une synthèse. C’est cela que doit nous proposer l’école. Pour les jugements moraux, il y a le tribunal de l’opinion, les résistants de la vingt-cinquième heure, les épurateurs de fortune. Le chemin de connaissance mérite mieux. Rigueur, distance, et observation.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Laissez dormir la liberté, M. Wermuth !

     
    Sur le vif - Mardi 31.08.21 - 13.19h
     
     
    Le parti socialiste suisse doit devenir le parti de la liberté. Propos de son coprésident, Cédric Wermuth, samedi dernier, au Congrès de Saint-Gall.
     
    Eh bien M. Wermuth, vous avez du boulot. Votre parti a sans doute d'éclatantes vertus - pas toujours visibles au premier regard - mais pour la liberté, il va falloir retrousser vos manches.
     
    La liberté d'expression, en Suisse ? Combien de fois des personnalités de votre parti se sont-elles rangées, ces dernières années, parmi les censeurs ? Dès qu'on ne partage pas, par exemple, votre sublimation de l'altérité dans les questions de migrations, on se voit traiter de xénophobes, parfois même de racistes. Alors qu'on n'est ni l'un, ni surtout l'autre ! Simplement, on souhaite pour son pays une régulation des flux migratoires, en application d'ailleurs de l'initiative du 9 février 2014.
     
    Vous adversaires sur les questions de migrations, d'asile, vous les étiquetez du sceau d'infamie, plutôt que d'entrer en matière sur leurs arguments. Quand je dis "vous", ça n'a pas votre personne, M. Wermuth, mais si souvent d'éminentes personnalités de votre parti. Des élus, exécutifs ou même législatifs, qui se permettent d'insulter d'autres citoyens suisses, d'un avis différent. Clouer au pilori de simples contradicteurs. Où est le dialogue ? Où est la démocratie ?
     
    J'ai pris l'exemple du débat migratoire, capital pour l'avenir de notre pays. Mais il y a tous les autres. Le climat. Les questions de genre. Le féminisme. Là aussi, vous faites taire. Sur les réseaux, vous lancez les meutes. Vos contradicteurs, vous les vouez aux enfers. Leur liberté de parole, vous la bafouez. Pas vous, M. Wermuth, je ne vous connais pas, et vous accorde bien volontiers le bénéfice du doute. Pas vous, mais tant d'élus de votre parti, dans toute la Suisse.
     
    Le contact avec le prolétariat, les ouvriers suisses, les chômeurs suisses, les travailleurs pauvres suisses, les retraités suisses aux rentes faméliques, vous l'avez complètement perdu. Votre parti ne jure plus que par l'Autre. Vous encensez l'altérité. Vous méprisez l'identité.
     
    Il fut un temps où vous fûtes le parti du social, vous avez joué un grand rôle dans l'Histoire de notre pays. Hélas, vous n'êtes plus que le parti du "sociétal" : vos élus, vos membres, ne pensent plus qu'à guetter le moindre "dérapage" de leurs contradicteurs, le moindre écart à la norme. Vous êtes devenus des censeurs.
     
    Les médias ? Avec votre "aide à la presse", vous ne songez qu'à les asservir. Pouvoir fourrer vos naseaux dans leurs indépendances rédactionnelles, au nom des deniers que vous leur versez. A la vérité, vous rêvez de les contrôler, avec vos instances, vos commissions, vos vérificateurs. Vous vous donnez comme des protecteurs, vous vous révélez des censeurs.
     
    Alors, M. Wermuth, faites comme vous l'entendez. Empoignez les thèmes que vous voulez. Mais de grâce, laissez dormir la liberté.
     
     
    Pascal Décaillet