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Liberté - Page 1519

  • L'agneau sacrificiel

     

    La démission de Samuel Schmid, ce matin, n’est pas un acte politique, c’est un rituel sacrificiel, un inexorable cheminement de l’agneau pascal vers le couteau. Il fallait que cela fût. Cela est.


    Samuel Schmid n’est pas mort hier, pour la seule et évidente raison qu’il était déjà mort ! Nul, sur cette terre, ne peut mourir deux fois. Mort, politiquement, depuis l’affaire Nef, et peut-être même déjà avant. Roi sans couronne, chevalier sans monture, combattant sans bannière, Jean sans Terre, ombre sans soleil. Assez de raisons, me semble-t-il, pour avoir envie de s’éclipser plus ou moins discrètement. Avec, en cadeau de départ, ou comme viatique, l’acceptation, finalement, du programme d’armement par le National. Comme un ultime bijou à un amant – ou une maîtresse – dont on prend congé.


    Cette démission, à peine accélérée par les récents ennuis de santé du conseiller fédéral, c’est l’aboutissement d’un « annus horribilis » pour un magistrat qui avait sans doute cru avec un peu trop de naïveté qu’il allait pouvoir tirer profit du départ de Christoph Blocher. Un vent de traîtrise – disons un zéphyr – a soufflé au sein de son ex-parti, certaines évidences sont apparues, on a commencé à parler de double jeu, c’était déjà fini.

    Le reste, ça n’était plus que l’inexorable, juste à accomplir. Les quatorze stations d’un chemin de croix, jusqu’à l’annonce de ce matin. Le rituel du pèlerin, du pénitent, en attendant le châtiment, qui sonnerait comme une libération. Dès le 1er janvier 2009, Samuel Schmid sera, à nouveau, un homme libre. Dégagé de cette perpétuelle machine à tuer qu’on appelle le pouvoir. A coup sûr, cet honnête homme pourra – on le lui souhaite sincèrement – redevenir un homme heureux.

     

    Pascal Décaillet

  • Madame von Arx-Vernon, bleue comme une orange…


     

    Samedi 08.11.08 - 19.45h

     

    Qu’elle nous parle des hommes violents, d’un projet politique, ou simplement de la vie qui va, Anne-Marie von Arx-Vernon en impose par son réalisme, son humanité, sa recherche de la bonne solution. On a eu, une fois ou l’autre, l’occasion d’entendre, ce week-end, à l’occasion de la journée de la violence domestique, cette femme de terrain, pragmatique, la seule à qui on puisse pardonner de se proclamer de cette hérésie euclidienne, « l’extrême centre ». Expression qui évoque, chez nombre de ses collègues de parti, la liquéfaction d’une montre molle chez Dali, dans la chaleur de Cadaquès. Mais qui, chez elle, conquiert une dimension de crédibilité, tant la personne est ancrée dans le réel. Miraculeuse mutation, bleue comme une orange. De Dali à Eluard, n’y a-il pas, comme un appel à la vie charnelle, que les formes de Gala ?

    En écoutant cette députée vendredi matin, puis juste à l’instant dans Forums, je me suis mis à regretter ces voix qui, au printemps 2007, lui avaient manqué pour siéger au gouvernement de la Ville de Genève. D’autres, élus alors qu’elle ne l’a pas été, auraient beaucoup à apprendre d’elle en connaissance des hommes et du terrain, des réalités sociales (hors d’un champ théorique et idéologique). Il y a des gens, à la parole ailée, qu’on n’aurait pas un seul instant l’idée d’imaginer dans un exécutif (Jacques-Simon Eggly, Pierre Weiss), et il y a ceux, beaucoup plus rares, qu’on voit d’instinct occuper des responsabilités de décisions. Au niveau de leur propre parti, ou d’un gouvernement. Anne-Marie von Arx-Vernon, à l’évidence, appartient à cette seconde catégorie. Puisse le destin, sans trop tarder, lui en donner l’occasion.

    Au sein d’un parti cantonal qui ne brille pas toujours par la clarté de ses positions, encore moins par la solidité de sa fidélité à une Entente à qui il doit pourtant beaucoup, voilà une femme-repère. Non par l’idéologie. Mais par la fiabilité. Denrée rare sous ces bannières d’encens et d’eau bénite, où l’affairisme champêtre le dispute au clientélisme le plus cru. Il serait assez dommage que cette excellente connaisseuse de la nature humaine ne soit pas appelée à occuper, un jour ou l’autre, quelque poste signalé dans la République.

     

    Pascal Décaillet

  • L'homme-dieu, ça fatigue

     

     

    A ce niveau-là, ça ne ruisselle plus, ça dégouline. L’omniprésence, sans le moindre bémol, dans la presse romande, les blogs, chez les rédacteurs en chef, de la figure d’Obama en Sauveur, en Rédempteur, en Recommenceur de la vie, a quelque chose qui devient déjà pénible à supporter. Non que l’homme soit dépourvu d’éminentes qualités. Non que sa victoire ne soit pas éclatante, ni qu’elle ne marque un tournant évident, après huit années plombées de médiocrité. Mais une telle unanimité, comme en sectaires pâmoisons, parfois jusqu’à l’hagiographie, dans une profession comme le journalisme où le doute et la discordance devraient tout de même avoir une certaine place, il y a quelque chose qui aiguise l’étonnement.

    Il n’est pas question ici des foules, qui sont ce que par nature elles sont, invasives et adhérentes comme laves volcaniques. Pas question, non plus, de cette part de rêve et de candeur qui, à différents niveaux, nous habite tous, nous brandit comme un calice l’idée du progrès, nous fait croire au salut par la seule apparition d’un homme nouveau. Comme si l’Histoire était autre chose que tragique, comme si elle était pétrie d’une autre argile que l’archaïque noirceur de nos pulsions de pouvoir, de domination, celles d’Obama comme de Kennedy, de Nixon. C’est à leur capacité à relever les défis de leur temps – et à défendre les intérêts profonds de leur pays – que le temps jugera ces hommes-là. Pas à la part de morale projetée par les foules. Ni à celle de l’éblouissement devant un physique, la symbolique d’une couleur de peau, les capacités rhétoriques, l’habileté de campagne pour actionner la machine à fabriquer des rêves. Que tout cela ait pu, peut-être, relever d’un immense artifice (certes génialement construit, orchestré et mis en scène) ne semble pas, pour l’heure, un thème.

    A partir de là, Obama sera peut-être un grand président. Et puis, peut-être pas. Nul ne le sait. Après quelques mois d’état de grâce, il prendra ses première décisions difficiles, aura à faire la guerre, se salir les mains, se rendre impopulaire, décevoir, bref faire de la politique. C’est sur ce travail-là qu’il faudra apprécier son œuvre et sa trace, à cette aune-là, celle des réalités, de l’inévitable moisissure des choses du pouvoir, au mieux fermentation, mais où le risque du miasme n’est jamais très loin. Après les rêves de campagne, voici venu le temps du pouvoir. Ancré dans la nature humaine, qui n’est pas exactement celle des anges. Disons, un peu moins volatile. Et un peu plus accrochée aux entrailles de la terre.

     
    Pascal Décaillet