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Liberté - Page 1124

  • Olivier Reverdin: les mille facettes d'un homme unique

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     Sur le vif - Lundi 15.07.13 - 16.12h

     

    Né le 15 juillet 1913, plus d’un an avant la Grande Guerre, Olivier Reverdin, décédé le 16 juin 2000, aurait  aujourd’hui, jour pour jour, cent ans. J’ai eu la chance, parmi des centaines d’autres, de l’avoir comme professeur. Dans le Temps, il y a quelques jours, l’actuel professeur de grec à l’Université, Paul Schubert, a rendu un remarquable hommage à cet homme aux multiples facettes, l’un des derniers grands humanistes de Genève. La lecture de ce beau texte a été de nature à remuer mes souvenirs.

     

     

    Journaliste, patron du Journal de Genève, helléniste, professeur à l’Université, conseiller national puis aux Etats, diplomate dans sa jeunesse dans une Italie encore en guerre, président de l’Académie suisse des sciences humaines, puis du Fonds national de la recherche scientifique, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’en passe, j’en oublie, j’en laisse. Assurément, un homme comme on n’en fait plus. Tout cela étant au reste fort connu, on me permettra ici de m’en tenir à l’une ou l’autre touche subjective, ou souvenir personnel, dans le destin de ce promeneur élégant et souverain, solitaire, qui vivait dans la Grèce ancienne, à moins qu’elle ne vécût en lui.

     

     

    Souvenirs donc. Dans ma tête, je l’appelais « le botaniste », tant sa passion, son érudition pour le monde végétal étaient phénoménales. Il vous emmène tout un semestre dans les Thalysies de Théocrite, avec la fameuse Magicienne, ou Sorcière, la « Pharmakeutria », passe un temps infini, et littéralement captivant, à disserter sur chacune des plantes évoquées par le poète. Il vous entraîne hors du sujet (mais qu’est-ce que le sujet d’un poème ?), vous y ramène en plein, vous perd dans la digression, revient à la syllabe et à la métrique, le tout avec l’imperturbable tranquillité du flâneur, celui qui herborise. Vous êtes pris.

     

     

    Souvenirs. J’ai déjà parlé ici du voyage de Provence, mai 1977, en compagnie aussi de l’excellent André Hurst, où chaque étape était une page ouverte. Nous faisions nos exposés sur place, ici Apollonios de Rhodes, ailleurs Strabon, la Grèce revivait aux abords de la Camargue, Rome et la Gaule au sommet d’un oppidum, nous avions avec ces deux hommes des guides d’exception.

     

     

    Il était l’un des seuls professeurs à nous emmener dehors. Chez lui, rue des Granges, au milieu de son époustouflante bibliothèque, dont une partie était celle de son arrière-grand-père, le Général Dufour. À la Fondation Hardt, pour laquelle il s’est tant battu. Dans les vignes de la Côte. Avec lui, avec André Hurst, on s’installait sous un arbre, on ouvrait les livres, la Grèce était à nous.

     

     

    Souvenirs. Vingt ans plus tard. En 1997-1998, réalisant pour la RSR d’innombrables émissions historiques autour des 150 ans du Sonderbund et la naissance de la Suisse moderne, j’avais fait appel à Olivier Reverdin pour évoquer la figure de son illustre aïeul, le Général Dufour. Plusieurs fois, il était venu au micro, toujours avec des documents inédits, originaux, infiniment précieux. Toujours dans la vibration de la mémoire historique, l’impétueuse nécessité de l’édition, lui qui nous avait si bien parlé de la Genève de ces grands humanistes, qui, au seizième siècle, avaient relancé le goût pour la Grèce ancienne. Le travail de ces hommes-là, imprimeurs, éditeurs, érudits, je crois bien que Reverdin était l'un de ceux au monde à le connaître le mieux.

     

     

    Olivier Reverdin ne professait pas, il racontait. Chacun de ses cours était une succession d’histoires et d’anecdotes. Le fil du discours (mais y avait-il un discours ?) constamment interrompu pour la fraîcheur bienvenue de la digression. La Grèce et ses mœurs, la vie diplomatique, l’exode de 1940, l’Italie des années 43-45, l’Ecole française d’Athènes, son voyage à pied en Turquie dans l’adolescence, son dernier débat du Conseil des Etats, son souvenir d'enfant sur le jour de l'Armistice du 11 novembre 1918. Nous avions face à nous, à la fois, la diversité de mille vies, et la présence d’un homme unique. Difficile de ne pas en garder un souvenir ému et particulièrement reconnaissant.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Trop facile, Madame Künzler !

     

    Sur le vif - Lundi 15.07.13 - 08.45h

     

    L'argument le plus irrecevable de Mme Künzler, hier, dans le journal d'Ariane Dayer: en substance, "On m'attaque, parce que je suis une femme".



    Non Madame, désolé, ceux qui vous attaquent mettent en cause votre politique, vos choix dans les domaines de la circulation, votre noire passion pour la congestion et l'immobilité, votre gestion des transports publics, votre rejet viscéral du transport privé, allant jusqu'à faire culpabiliser les automobilistes, alors que le libre choix du mode de transport a été voté par le souverain.



    Ceux qui vous attaquent le font sur ces bases-là. et nulle autre. En aucun cas la question du sexe n'a été abordée. Nous attaquons d'ailleurs tout autant des hommes lorsque leurs politiques nous semblent néfastes à l'intérêt commun, et disons le plus grand bien de femmes. Par exemple, Mmes Keller-Sutter, Emery-Torracinta ou Salerno.



    Désolé, Mme Künzler, mais le petit jeu de la victimisation féministe ne passera pas. Même s'il a dû, infiniment, ravir la rédactrice en chef du Matin dimanche.

     

    Pascal Décaillet

     

  • François Hollande : choix contestables, mais stature présidentielle

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    Sur le vif - Dimanche 14.07.13 - 16.32h

     

    D’abord, le décor, éloquent. La tradition voulait, depuis des années, que le Président de la République française donnât son traditionnel entretien télévisé sur fond de garden-party. Isolé du brouhaha, certes, mais précédé ou suivi d’images festives, avec les traditionnels courtisans et pique-assiettes, entre ronds de jambe et petits fours. De cette extase du paraître, nul n’a jamais été dupe, mais enfin ça faisait au moins joli, parce que si on veut donner dans le genre galerie des glaces ou déjeuner sur l’herbe, télévisuellement, autant avoir des figurants. Et surtout, des figurantes.

     

    Là, face à deux journalistes, un homme seul. Derrière lui, la tristesse d’un gazon de gentilhommière moyenne, cela pourrait être Limoges ou Ambérieu-en-Bugey, l’hôtel particulier d’un notable chez Chabrol, sans doute l’assassin. Hélas, ça n’est que Paris. Les jardins de l’Elysée. Et le Monsieur Loyal, rougeaud comme un provincial, se trouve juste être, par hasard, le chef de l’Etat.

     

    L’homme seul, le gazon maudit, la façade arrière d’un palais qui semble totalement vide, déserté. Ils sont où, les courtisans ? Retournés chez Sarkozy ? Dans ce décor, dont je pense qu’il a dû sous-estimer la désespérance, l’homme seul tente de convaincre. Quatorzième mois au pouvoir, il reste près de quatre ans. Sondages catastrophiques. Juste avant, au moment du défilé (impeccable, somptueux), quelques huées sur les Champs, apparemment des opposants au mariage pour tous. Comportement méprisable, je l’affirme sans faiblir : on ne siffle pas un Président de la République dans l’exerce régalien de ses fonctions, au moment où il salue l’armée de son pays.

     

    L’homme seul connaît les règles. Il sait que l’état de grâce ne dure guère plus longtemps qu’au troisième acte d’une pièce de Claudel, il sait la volatilité de l’opinion. Il a parfaitement conscience,  au saut du lit ce matin, que ce 14 Juillet ne sera pas sa fête à lui, ou alors si, mais dans un sens qui n’est pas le plus souhaitable. Bref, il serre les dents, encaisse, affronte. C’est exactement pour cela que les Français ont choisi, à la demande du général de Gaulle en 1962, d’élire désormais leur Président au suffrage universel. Pour avoir, au sommet de l’Etat, non un chef de gouvernement, mais une instance supérieure à cela, décrite avec génie et prémonition le 16 juin 1946 par un Charles de Gaulle qui venait (le 16 janvier) de quitter le pouvoir : c’était l’un de ses plus grands discours, celui de Bayeux.

     

    Il a été hué, il souffre ? Je dis qu’il est là exactement dans le rôle présidentiel de la Cinquième République. Celui du chef de l’Etat, qui partage avec le pays profond les peines et les joies. Jamais aussi bon, dans l’entretien de tout à l’heure, que lorsqu’il incarne les institutions républicaines, respectant le Conseil constitutionnel, rendant hommage aux soldats français au Mali. Jamais aussi médiocre que lorsqu’il descend au niveau gouvernemental, voire ministériel, en nous promettant la reprise pour le semestre prochain, passage obligé de toute parole de pouvoir depuis le choc pétrolier de 1973.

     

    Vous le savez, je suis un partisan de François Hollande, j’aurais voté pour lui, je l’avais maintes fois écrit. Partisan de l’homme pour la fonction suprême, et j’estime après quatorze mois qu’il l’assume avec véritable dignité présidentielle, qui tranche avec les manières orléanistes de son prédécesseur. Partisan de l’homme pour qu’il soit à l’Elysée, mais bien sûr pas partisan de toutes les politiques accomplies en son nom, et dont il doit évidemment répondre. Mais les choix politiques, en France, sont une chose. Le président de la République, dans l’ampleur et l’onction que lui confèrent le suffrage universel, en sont une autre.

     

    J’ai encore une chose à dire. Je n’aime pas la manière dont beaucoup de mes amis suisses parlent de François Hollande. Ses ministres mènent certes, par exemple sur les questions fiscales, par à rapport à notre pays, des politiques qui nous sont insupportables, je suis d’ailleurs le premier à le dire ici. Mais de grâce, ayons l’intelligence, la distance, le minimum de recul de faire abstraction de cela lorsque nous avançons un jugement sur ce Président. Dans l’immensité de sa tâche, je ne suis pas sûr que les affaires suisses occupent, devant le jugement que devra porter l’Histoire, une place bien considérable. Mais je n’aime pas, non plus, ce langage d’irrespect et de quolibets systématiques, d’autant lorsqu’il émane de partisans d’un prédécesseur immédiat qui, du Fouquet’s aux croisières maltaises, en passant par un culte de l’Argent qui n’a rien à faire dans la grande tradition française, n’a franchement pas grandi la fonction présidentielle.

     

    Journaliste suisse passionné, depuis l’âge de sept ans et demi, par la France et son Histoire, je veux réitérer ici mon respect pour cet homme, François Hollande, au moment où il traverse une période particulièrement difficile. Les choix politiques de son gouvernement sont assurément contestables. Mais je n’ai, pour l’heure, rien décelé dans sa stature présidentielle qui puisse mériter le reproche, ou, me concernant, amener un quelconque regret d’avoir souhaité son élection.

     

    Pascal Décaillet