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Liberté - Page 1122

  • Les Pieds Nickelés font la planque

     

    Sur le vif - Samedi 20.07.13 - 09.28h

     

    Décidément, la Nickellerie Pédestre française ne recule devant rien. On savait déjà la Suisse sous intense surveillance des agents de Paris. On apprend ce matin, par la Tribune de Genève, que quelque Filochard ou Ribouldingue de fortune aurait été surpris en train de faire la planque devant la banque Pictet, pour noter les numéros de plaque des clients français. La planque devant l’entrée d’une banque ! Où chacun sait que le taux de caméras au mère carré relègue Hollywood au rang d’amateur.

     

    L’affaire est simple. Ou bien nos Pieds Nickelés ont agi de leur propre chef (nul doute, d’ailleurs, que leurs chefs s’en désolidariseront). Ou bien on arrive à établir qu’ils étaient en mission. Et là, ce serait, au cas il en serait encore besoin, la confirmation de la logique de guerre lancée contre notre pays par la France.

     

    Là où il y a opération de renseignements, aussi flagrante de surcroît, nous ne sommes plus dans le gentil concert des nations avec jolis drapeaux de l’ONU et courbettes dans le petit monde international de Genève, qui n’est qu’un mirage, mais bel et bien dans la naturelle sauvagerie des rapports entre Etats. Dès que les choses deviennent difficiles. Par exemple, dès que les caisses de l’un d’entre eux sont vides.

     

    Dès lors, le seul langage avec un pays qui use de telles méthodes ne peut être que celui de la plus extrême des fermetés. Au besoin, sans états d’âme, brandir des rétorsions. Au hasard, mettre sur la table une réforme de la fiscalité des frontaliers pourrait être une piste rafraîchissante. Dans la logique des courbettes, on se courbe. Dans la logique de guerre, on fait la guerre.

     

     

    Pascal Décaillet

  • Le soleil noir du déclin

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 19.07.13


     
    La Suisse traverse une période âpre et rude. Attaquée de toutes parts, elle passe son temps à tenter, avec une incroyable maladresse, de se défendre. Comme un enfant pris en faute. Comme si elle avait constamment à se justifier. Devant qui ? Devant des pays comme la France, ou les Etats-Unis, qui n’ont strictement aucune leçon à nous donner. La première, en vertu de l’état catastrophique de ses finances publiques, sa fiscalité confiscatoire, son arrogance. Les seconds, parce qu’ils ont juré la ruine de notre place financière, pour établir l’hégémonie de la leur, tout en maintenant leurs paradis d’évasion fiscale. C’est cela, sous les masques de la morale, le véritable enjeu. Ne pas le voir, c’est faire preuve d’une coupable naïveté. En politique, la candeur confine parfois au crime.


     
    Surtout, il faut que la Suisse rompe avec cette insupportable position défensive. Le scénario, comme à l’époque des fonds en déshérence, est toujours le même : un justicier providentiel, du côté de Washington, Londres ou Paris, entre en scène, brandit la morale, menace notre pays. Et nous, comme des agneaux, nous entrons en matière. Immédiatement, nous amorçons une grande psychanalyse collective, clamons nos fautes, encensons l’adversaire, faisons preuve pour lui d’une incroyable compréhension, qui n’a d’égale que notre indifférence à la légitime colère du peuple suisse. Lequel en a plus que marre de voir notre pays bafoué, ridiculisé, incapable de répondre avec classe, tenue, fermeté. C’est de lui, je vous le dis, oui d’en bas, que viendra un jour la réaction. Elle pourrait être dévastatrice.


     
    Oui, nous cirons les pompes de nos adversaires. Au lieu de les combattre. On ne compte plus, par exemple, dans les colonnes du Temps, les interviews complaisantes de personnalités françaises qui nous sont hostiles, ou suisses appelant à la génuflexion. Eux, on les entend tous les jours ! On les écoute, on les bichonne. Mais en contrepartie, la voix de la colère, celle de tous ces Suisses qui n’en peuvent plus de voir leur pays humilié, jamais, ou presque. Etrange, tout de même, cette exaltation de l’autre, ce confinement de nous-mêmes. Comme si être Suisse, ne pas avoir envie de se laisser faire, prôner la plus extrême des fermetés dans la négociation, être fier de son pays, relevait d’une forme d’archaïsme. A Paris, Eveline Widmer-Schlumpf monte chez Pierre Moscovici comme une vassale chez son suzerain. Didier Burkhalter laisse son secrétaire d’Etat Yves Rossier entrer en matière pour que la Cour européenne de justice devienne instance d’arbitrage entre l’Union européenne et nous, ce qui s’appelle clairement des juges étrangers. Notre Conseil fédéral passe son temps à se faire avoir. Mais à part ça, tout va très bien : et mon ami Pierre, et mon amie Eveline, et patati et patata. Et pour notre pays, qui mérite tellement mieux, le soleil noir du déclin.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Taisez-vous, Condamin !

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    Sur le vif - Mercredi 17.07.13 - 14.50h

     

    Mythomane, affabulateur : on ne compte plus les qualificatifs, dans certains journaux, pour livrer en pâture à l’opinion publique Pierre Condamin-Gerbier, arrêté il y a douze jours, sur ordre du Ministère public de la Confédération, en vertu d’une instruction pénale pour « service de renseignements économiques ». Un homme, depuis douze jours, est en prison. Pendant qu’il croupit, une certaine presse multiplie les portraits à charge contre lui, lui trouvant les pires défauts. Pendant ce temps, lui, réduit au silence, ne peut se défendre. Et tout cela se déroule où ? Dans une admirable démocratie, qui s’appelle la Suisse. Désolé, mais il y a, dans tout cet engrenage parfaitement huilé, des questions sans réponses, des zones d’ombre, des certitudes un peu trop évidentes. Une intrication suspecte entre le politique et le juridique.

     

    Ces chers confrères qui n’ont de cesse d’instruire à charge son procès, au point que leurs arguments, leurs renseignements, leurs références, ressemblent à s’y méprendre à ceux de certaines banques, que nous disent-ils ? Que le monsieur n’est pas fiable, qu’il invente des fables, a vécu à découvert, s’est fait virer par une banque pour abus de carte de crédit, et d’autres choses encore, assurément condamnables sur le plan moral, voire juridique (mais pas à l’échelon du Ministère public fédéral !), bref que le type n’est pas très recommandable. Et en effet, responsable d’une petite entreprise, je ne suis pas sûr d’avoir immédiatement envie d’engager M. Condamin-Gerbier comme comptable.

     

    Soit. Mais ça ne vous trouble pas, vous, cette concomitance entre arrestation sur ordre du Ministère public fédéral, « avec le feu vert du Conseil fédéral », et la campagne d’une certaine presse, proche des banques, contre celui qu’on va bientôt nous décrire, au rythme des superlatifs, comme un nouveau Fouquet ? Ami des fabulistes au demeurant, l’infortuné Surintendant du Roi Soleil, notamment du plus célèbre d’entre eux, Jean de La Fontaine, voyez comme tout est beau et tout se tient.  Cette référence, depuis le début, me trottine dans la tête, même si notre Gerbier n’a jamais fréquenté quelque Vaux-le-Vicomte. Mais enfin, en France comme en Suisse, les raisons d’Etat sont ce qu’elles sont, il y a des gens qu’on aime à faire taire. Après, on s’arrange pour les griefs : entre nous, « Service de renseignement économique », en 2013, c’est quoi, exactement ?

     

    Reste l’intrication du politique. Le Ministère public de la Confédération s’empresse de préciser qu’il a agi avec l’aval du Conseil fédéral. On veut bien, puisque la loi l’exige. Mais quel rôle le gouvernement, ou certains de ses Départements, jouent-ils dans cette affaire : juste donneurs d’aval au Parquet fédéral, ou à la vérité, partie prenante ? Quels ont été les contacts entre deux ordres qui doivent demeurer distincts ? Les contacts entre la Suisse et la France ?

     

    Ces questions, des parlementaires français les ont posées. Hélas, ils l’ont fait de façon si indélicate, voire franchement diffamatoire, face à notre pays, qu’ils ont ruiné leur crédit. Et le moment, hier 18.15h, fut magnifique, où Philippe Leuba sut tenir à l’un d’entre eux, à Forum, le langage du courage et de la fermeté. Ils ont ruiné leur crédit, mais les questions demeurent. Nous, Suisses, attachés à ce pays, et n’ayant en aucun cas l’intention de le traiter de voyou, avons le droit, et peut-être le devoir, de les poser, ces questions. Parce que désolé, jusqu’ici, l’affaire n’est pas claire. Elle sent le roussi. Il convient sans tarder de l’éclaircir.

     

    Pascal Décaillet