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Liberté - Page 1118

  • Un service pour tous, militaire ou non

     

    Sur le vif - Lundi 12.08.13 - 15.14h

     

    D'abord, se prononcer sur l'initiative du GSSA. Ce sera non. Ensuite, amorcer une vaste réflexion sur une refonte totale du système. Je serais partisan - je l'étais déjà lorsque j'ai appartenu à la Commission Schoch en 1990, nous avions siégé vingt-cinq jours, décentralisés dans toute la Suisse - d'une obligation pour tous de "faire quelque chose pour la communauté nationale". Et en effet, pas obligatoirement quelque chose de militaire. Certaines personnes n'aiment pas le métier des armes, à quoi bon le leur imposer ? Il y a tant et tant de manières, depuis l'aide dans les EMS à celle en faveur des personnes handicapées, en passant par les services civils, où je connais des gens très motivés, de "faire quelque chose" pour la collectivité.



    Pour moi, la vraie question est là. Le problème, c'est qu'il nous faut d'abord répondre à l'initiative du GSSA. Qui pose très mal les choses. Et, de facto, va nécessairement nous entraîner dans le traditionnel débat, dont la Suisse a la spécialité tous les vingt ans, pour ou contre l'armée. Le nom même du groupe des initiants dévoile son objectif final, ce qui rend quelque peu spécieuse sa prétendue finalité à ne s'en prendre qu'à l'obligation de servir. Il est clair que pour eux, la votation du 22 septembre n'est qu'une étape intermédiaire vers un objectif final clairement annoncé dans le libellé même de leur sigle: GSSA = Groupement pour une Suisse sans Armée. C'est au moins clair.



    Pour ma part, je suis favorable à une Suisse avec armée, mais encore et toujours à redéfinir, et là certains arguments du professeur fribourgeois interviewé par le Temps vont dans le bon sens. J'aurais même pu entrer en matière sur un socle professionnel, que je ne perçois pas comme une menace prétorienne pour le pays. Hélas, en posant la question de la seule obligation, en étant qui ils sont, en ayant le nom qu'ils ont, et en tentant de nous faire oublier leurs finalités suprêmes, les gens du GSSA nous font perdre un temps précieux. Il faudra d'abord refuser leur initiative, ce qui sera fait le 22 septembre. Et puis, seulement après, il faudra quand même aborder cette question d'un service pour tous, à la collectivité, un service de solidarité nationale, dont l'aspect militaire ne serait qu'une option parmi d'autres.



    Hélas, le GSSA oblige tous ceux qui veulent une réforme du système à une manœuvre en deux temps. D'abord, dire non. Puis, trouver un consensus national sur autre chose. De plus large. Où demeure le ciment, mais pas nécessairement par le choix des armes.

     

    Pascal Décaillet

  • Contraire à l'esprit libéral : et alors ?

     

    Sur le vif - Lundi 12.08.13 - 10.42h

     

    Contraire à "l'esprit libéral", l'obligation de servir, nous dit dans le Temps un éminent professeur fribourgeois.

    Oui, sans doute contraire à l'esprit libéral.

    J'ajoute juste: "Et alors ?".

    Au mieux de l'intention de ce professeur, il convaincra quelques libéraux de voter le texte du GSSA, et même cela j'en doute, car libéral, ça n'est pas libertaire.


    Mais enfin, soyons fous, et admettons que ce génial professeur réussisse à convaincre tous les libéraux de Suisse.

    Il restera une majorité très nette, celle de la votation de septembre, qui montrera son attachement, j'en suis certain, à d'autres valeurs que simplement faire individuellement ce que chacun veut. Libéral, au sens politique, ça n'est pas libertaire, loin de là: tous les grands penseurs libéraux, du moins sur le continent européen, de Tocqueville à Aron, intègrent puissamment la dimension de l'Etat. Et s'expriment, très clairement, sur la part de contrainte qu'implique la vie en collectivité. Je vous renvoie notamment à "L'Ancien Régime et la Révolution", qui n'est pas exactement un traité de bien-vivre sur une plage ensoleillée.

    Un État, c'est quelque chose de dur, de régalien. Ca passe par une forme (parfois pénible, avouons-le) de contrainte, on le voit aussi dans la fiscalité. Il est plus agréable d'aller à la mer qu'à l'armée, de garder son argent pour soi que de payer ses impôts. Mais voilà, un Etat, ça passe par des sacrifices. Ca passe par le renoncement au mythe de la totale liberté individuelle. Et la somme de ces renoncements, de ces sacrifices, constitue une part de notre trésor commun. En Suisse, nous avons une chance exceptionnelle: la définition de ces sacrifices, c'est le peuple souverain qui la donne. En cela, fantastique auto-goal, le GSSA permettra sans aucun doute au système de milice, en septembre, de recevoir une piqûre de rappel inespérée en matière de légitimité.

    Je crains que cette dimension sacrificielle ait très légèrement échappé à notre très éminent disciple de Milton Friedmann. Il est pourtant assez convaincant, ce professeur fribourgeois, lorsqu'il s'exprime sur les effectifs et la pléthore, par exemple. Convaincant, sauf lorsqu'il se heurte au tragique de l'Histoire, ou à sa résurgence toujours possible.

    Il est donc séduisant et percutant. Sauf sur l'essentiel.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 6 octobre: élisons les meilleurs !

     

    Sur le vif - Vendredi 09.08.13 - 15.32h

     

    35 ans que je vote, et toujours, pour les élections, une liste vierge. Une centaine de députés à élire, eh bien j’écris (jusqu’à) cent noms, à la main, tous partis confondus. Homme de droite, j’ai toujours voté aussi pour des gens de gauche, et certaines grandes figures socialistes, de Willy Brandt à Tschudi ou André Chavanne, en passant par Olof Palme, ou d’ailleurs Pierre-Yves Maillard, sont de celles qui m’impressionnent le plus. Si je devais mentionner un parti pour lequel j’ai toujours voté, depuis 1978, je dirais le parti radical. Pour les autres, c’est peut-être plus sporadique. Et surtout, ça dépend des personnes.

     

    Car nous devons voter pour des personnes. Sinon, pourquoi les partis nous proposeraient-t-ils des listes avec une trentaine, ou une cinquantaine, de prénoms et de noms, accompagnés de trente ou cinquante visages ? Pourquoi les têtes des candidats seraient-elles sur des affiches ? S’il est une dimension de la politique où le mot « humanisme » (tellement galvaudé, j’y reviendrai) a tout son éclat, c’est bien dans cette primauté de la personne humaine, la nécessité de ses qualités pour l’intérêt général.

     

    Alors, qui ? Chacun d’entre nous jugera. Et je n’ai, pour ma part, pas la moindre idée de ce que sera le rapport de forces législatif, au soir du 6 octobre. Mais je sais quels sont les profils qui me retiennent. Et ceux dont je ne veux pas. Ces profils ne tiennent ni au parti, ni à l’âge (rien de plus détestable que d’ériger, dans un sens ou un autre, la génération en critère), ni au sexe, ni à la profession, ni au statut social. Non, c’est autre chose : j’ai besoin d’élire des gens en qui je puisse avoir confiance. De gauche, de droite, hommes ou femmes, mais des fibres humaines à qui je puisse être fier de déléguer, pour cinq ans, mon pouvoir citoyen de décision.

     

    Alors, qui ? Disons que j’ai mon casting, et les dizaines de milliers d’autres électeurs ont le leur, et le produit cartésien de tous ces castings nous donnera le résultat. Mais l’essentiel, c’est la confiance. Elle s’obtient auprès de moi par un mélange de qualités : la sincérité, la puissance de conviction, la force de solitude, l’indépendance d’esprit, l’absolue nécessité de ne rien devoir à personne, la culture, la connaissance du passé, à commencer par l’Histoire de son parti.

     

    L’inculture, ou l’amnésie sur les racines historiques, philosophiques d’une formation dont on a le culot de revendiquer les couleurs, est ce qui m’insupporte le plus. En moins d’une minute, je vois si un candidat, comme le Genevois Maudet, le Fribourgeois Kilchenmann, le Genevois Carasso, le Valaisan Nantermod, a du souffle et vient de loin, dans son équation à la politique, ou s’il est juste là par hasard, ou par tradition familiale, ou surtout par pur arrivisme.

     

    L’arrière-pays ! La connaissance ! Voilà, hélas, ce qui est si rare, nous manque tant, si souvent remplacé par le bluff, le culte du renouveau générationnel, le mythe de « la politique autrement », tout ces prétextes camouflant, sous le vernis de puissants concepts à la mode, l’arrivisme personnel. Alors oui, pour ma part, comme citoyen, je sais les repérer, ceux en qui je peux avoir confiance, et les autres. Les critères que je vous ai donnés vont chercher davantage dans la puissance d’un caractère, l’aptitude à la solitude, la fidélité à des valeurs, que dans le statut social, les grands discours, la capacité à mettre en scène son ubiquité dans les festivités.

     

    Le caractère avant tout, parce que nous allons vers des temps difficiles, notamment sur le plan des finances et du budget. Parce qu’il faudra faire des choix et les assumer. Tenir. Résister aux pressions. Tout cela, au nom d’un modèle de société auquel on croit. Vaste programme, qui exige les meilleurs. À nous, simplement, de les choisir.

     

     

    Pascal Décaillet