Sur le vif - Vendredi 09.08.13 - 15.32h
35 ans que je vote, et toujours, pour les élections, une liste vierge. Une centaine de députés à élire, eh bien j’écris (jusqu’à) cent noms, à la main, tous partis confondus. Homme de droite, j’ai toujours voté aussi pour des gens de gauche, et certaines grandes figures socialistes, de Willy Brandt à Tschudi ou André Chavanne, en passant par Olof Palme, ou d’ailleurs Pierre-Yves Maillard, sont de celles qui m’impressionnent le plus. Si je devais mentionner un parti pour lequel j’ai toujours voté, depuis 1978, je dirais le parti radical. Pour les autres, c’est peut-être plus sporadique. Et surtout, ça dépend des personnes.
Car nous devons voter pour des personnes. Sinon, pourquoi les partis nous proposeraient-t-ils des listes avec une trentaine, ou une cinquantaine, de prénoms et de noms, accompagnés de trente ou cinquante visages ? Pourquoi les têtes des candidats seraient-elles sur des affiches ? S’il est une dimension de la politique où le mot « humanisme » (tellement galvaudé, j’y reviendrai) a tout son éclat, c’est bien dans cette primauté de la personne humaine, la nécessité de ses qualités pour l’intérêt général.
Alors, qui ? Chacun d’entre nous jugera. Et je n’ai, pour ma part, pas la moindre idée de ce que sera le rapport de forces législatif, au soir du 6 octobre. Mais je sais quels sont les profils qui me retiennent. Et ceux dont je ne veux pas. Ces profils ne tiennent ni au parti, ni à l’âge (rien de plus détestable que d’ériger, dans un sens ou un autre, la génération en critère), ni au sexe, ni à la profession, ni au statut social. Non, c’est autre chose : j’ai besoin d’élire des gens en qui je puisse avoir confiance. De gauche, de droite, hommes ou femmes, mais des fibres humaines à qui je puisse être fier de déléguer, pour cinq ans, mon pouvoir citoyen de décision.
Alors, qui ? Disons que j’ai mon casting, et les dizaines de milliers d’autres électeurs ont le leur, et le produit cartésien de tous ces castings nous donnera le résultat. Mais l’essentiel, c’est la confiance. Elle s’obtient auprès de moi par un mélange de qualités : la sincérité, la puissance de conviction, la force de solitude, l’indépendance d’esprit, l’absolue nécessité de ne rien devoir à personne, la culture, la connaissance du passé, à commencer par l’Histoire de son parti.
L’inculture, ou l’amnésie sur les racines historiques, philosophiques d’une formation dont on a le culot de revendiquer les couleurs, est ce qui m’insupporte le plus. En moins d’une minute, je vois si un candidat, comme le Genevois Maudet, le Fribourgeois Kilchenmann, le Genevois Carasso, le Valaisan Nantermod, a du souffle et vient de loin, dans son équation à la politique, ou s’il est juste là par hasard, ou par tradition familiale, ou surtout par pur arrivisme.
L’arrière-pays ! La connaissance ! Voilà, hélas, ce qui est si rare, nous manque tant, si souvent remplacé par le bluff, le culte du renouveau générationnel, le mythe de « la politique autrement », tout ces prétextes camouflant, sous le vernis de puissants concepts à la mode, l’arrivisme personnel. Alors oui, pour ma part, comme citoyen, je sais les repérer, ceux en qui je peux avoir confiance, et les autres. Les critères que je vous ai donnés vont chercher davantage dans la puissance d’un caractère, l’aptitude à la solitude, la fidélité à des valeurs, que dans le statut social, les grands discours, la capacité à mettre en scène son ubiquité dans les festivités.
Le caractère avant tout, parce que nous allons vers des temps difficiles, notamment sur le plan des finances et du budget. Parce qu’il faudra faire des choix et les assumer. Tenir. Résister aux pressions. Tout cela, au nom d’un modèle de société auquel on croit. Vaste programme, qui exige les meilleurs. À nous, simplement, de les choisir.
Pascal Décaillet