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Liberté - Page 1116

  • Meienberg: la chaleur et le feu

     

    Sur le vif - Jeudi 22.08.13 - 14.31h

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    A juste titre, le Temps rend hommage ce matin à l'un de nos plus géniaux imprécateurs: Niklaus Meienberg, qui choisissait de quitter ce monde il y a bientôt vingt ans.

     

    En voilà un autre, comme Ziegler, dérangeur, emmerdeur, insupportable, mais tellement suisse, tellement attaché à ce pays, notamment cette Suisse orientale dont il était issu, et dont nous dirons qu'il a fréquenté quelques grandes familles.

     

    Jamais je ne manquais une seule de ses chroniques, ni dans la Wochenzeitung, ni dans la Weltwoche. Il avait, dans sa plume, cette sorte de charge explosive qui enlumine plutôt qu'elle ne détruit, réchauffe et donne la vie, suscite plutôt que d'anéantir.


    Il a écrit, il a pris position, il a rédigé des livres, fait des films. Il a provoqué, mais toujours en donnant du sens. Encore un avec lequel je n'étais pas toujours d'accord, mais dont l'incroyable talent ne pouvait que nous retenir, nous accrocher, nous interpeller. Il venait déchirer nos indifférences, ne laissait personne tranquille, jamais. Et cette sainte inquiétude, amoureuse et conflictuelle, jamais satisfaite, oui la liturgie de feu de cette colère, celle qui nous arrache au prévisible, j'aime cela, depuis toujours.

     

    Revenez un jour, Monsieur.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean Ziegler et la sirupeuse eucharistie des cocktails

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    Sur le vif - Mercredi 21.08.13 - 12.40h

     

    Je suis ami à la fois avec Pierre Weiss et Jean Ziegler. Deux compatriotes imaginatifs, courageux, ne craignant pas la solitude. J'aime les hommes de coeur, au sens cornélien, celui du courage, de l'engagement. Et n'apprécie pas, mais alors pas du tout le procès en "non-Suissitude" intenté à Ziegler. C'est bien le dernier argument qu'on puisse porter contre lui.



    Il n'y a pas de bons Suisses ni de mauvais Suisses, nous sommes tous concitoyens. Et nul n'a le droit de contester à Ziegler l'ambition de représenter son pays. Il en fait partie intégrante, il en est une grande voix, agréable aux uns, insupportable aux autres, mais une voix, une clameur, un tempérament de feu. Au passage, Ziegler est, avec Blocher, le Suisse le plus connu à l'étranger. Régulièrement invité sur les chaînes allemandes, où il excelle.



    Et moi, qui le connais depuis tant de décennies, et ne partage évidemment pas beaucoup de ses idées, je dis ici: "Attaquez-le sur le fond, étrillez-le si vous voulez, mais en aucun cas vous ne pouvez lui contester la qualité de son attachement au pays". Natif de cet Oberland dont il parle aujourd'hui de façon bouleversante, Ziegler est Suisse, profondément Suisse, il critique certains aspects de notre pays, on le rejoint ou non, mais cette dialectique, souvent rude, fait partie de notre débat national. Elle nous provoque, nous irrite, nous exaspère peut-être, mais je préfère mille fois la sainte vérité de cette engueulade interne à la tiédeur de ceux qui ne prennent jamais de risques, histoire de demeurer copains avec tout le monde. Surtout pas d'éclats. Surtout pas de vagues. Surtout pas d'histoires. Juste frayer, sourire aux lèvres, dans la sirupeuse eucharistie des cocktails.

     

    Pascal Décaillet

  • Novembre 1918: la clef pour tout comprendre

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    Samedi 17.08.13 - 16.46h

     

    Hier soir, assez tard, sur la chaîne Toute l'Histoire, passionnante émission sur les tout derniers jours (fin octobre, début novembre 1918) de la Grande Guerre, sur le front franco-allemand, ou plus exactement le front des Alliés (avec Foch comme généralissime) contre les redoutables armées du Kronprinz.



    Peu de gens le savent, même si les plus grands historiens, comme Pierre Miquel, le rappellent régulièrement: tout s'est joué au dernier moment. Des deux côtés, on s'attendait à un nouvel hiver de guerre, on n'entrevoyait pas d'issue avant le printemps 1919. L'armistice du 11 novembre 1918 fut une surprise pour presque tout le monde.



    Même l'ultime offensive alliée, qui renouait enfin avec la guerre de mouvement, fut beaucoup mieux contenue par les Allemands qu'on ne le dit souvent. Assurément, la défaite ne fut pas militaire, mais politique. Dissensions entre le Reichstag et Ludendorff, mise à l'écart du Kaiser, rôle des sociaux-démocrates, Révolution allemande le 9 novembre, avant-veille de l'armistice.



    Tout cela, l'émission d'hier le rappelle admirablement. On sait à quel point Hitler, dès 1919 et infatigablement jusqu'au 30 janvier 1933, date de sa prise de pouvoir, accusera les "hommes de novembre 1918", les accablant de tous les torts. La fameuse thèse du "coup de poignard dans le dos". C'est un thème majeur des nationalistes allemands, pas seulement nazis, pendant toute la République de Weimar.



    L'émission d'hier m'a donné envie de relire deux ouvrages qui m'avaient fasciné naguère: d'abord "Die Geächteten", les Réprouvés, d'Ernst von Salomon, qui commence dans la pagaille des démobilisés de novembre, décembre 1918, et la naissance des premiers corps-francs. Et puis, surtout, un chef d'oeuvre littéraire, "November 1918", d'Alfred Döblin, l'un des plus grands romans allemands de la première partie du vingtième siècle. Période n'en fut pourtant pas avare, c'est le moins que l'on puisse dire.

     

    Comprendre novembre 1918, côté allemand, dans un pays en totale effervescence, entre Spartakistes, nationalistes et sociaux-démocrates, c'est saisir un grand nombre de clefs pour comprendre la tragédie qui se produira vingt ans plus tard.

     

    Pascal Décaillet